Situation potentiellement «chaotique» à venir à la frontière sud des États-Unis

Les États-Unis se préparent à une situation potentiellement « chaotique » avec la levée, jeudi à 23 h 59, d’une mesure verrouillant l’accès à leur territoire depuis le début de la pandémie, un changement qui sème rumeurs et confusion chez les milliers de migrants attendant à la frontière avec le Mexique.
Y aura-t-il un afflux ? Face aux républicains qui l’accablent et exigent le maintien de cette mesure, le « Titre 42 », le gouvernement du démocrate Joe Biden répète sans relâche que « la frontière n’est pas ouverte » et que les autorités ont adopté de nouvelles restrictions au droit d’asile.
Mais « même après deux ans de préparatifs, nous nous attendons à voir un grand nombre d’arrivées à notre frontière sud dans les jours et les semaines suivant le 11 mai », a admis le secrétaire à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, tandis que le président Biden lui-même affirmait que la situation serait « chaotique pendant un moment ».
Jeudi, dans la ville frontalière de Brownsville, au Texas, des migrants passaient sporadiquement la frontière par groupes de 20, selon un journaliste de l’AFP sur place.
Pour se préparer, l’État fédéral a mobilisé « plus de 24 000 agents et forces de l’ordre » à la frontière, en plus de 4000 militaires.
Rendez-vous ou refus
La levée du « Titre 42 » est prévue à 23 h 59 heure de Washington, mais certains migrants se dépêchent de passer la frontière avant cette échéance pour demander l’asile, de crainte que le changement de règles ne les empêche de le faire pendant cinq ans.
Les autorités observent déjà « un nombre élevé d’arrivées dans certains secteurs », selon M. Mayorkas.
Le « Titre 42 », censé limiter la propagation de la COVID-19, conférait la possibilité aux autorités américaines de refouler immédiatement tous les migrants entrés dans le pays, y compris les demandeurs d’asile. En trois ans, il a été utilisé à 2,8 millions de reprises.
De nouvelles restrictions au droit d’asile, finalisées par les départements américains de la Justice et de la Sécurité intérieure, entreront en vigueur jeudi soir.
Avant de se présenter à la frontière, les demandeurs d’asile, à l’exception des mineurs isolés, devront désormais avoir obtenu un rendez-vous sur une application téléphonique mise en place par les gardes-frontières, ou s’être vu refuser l’asile dans un des pays traversés lors de leur périple migratoire.
Dans le cas contraire, leur demande sera présumée illégitime et ils pourront faire l’objet d’une procédure d’expulsion accélérée, leur interdisant pendant cinq ans l’entrée sur le sol américain.
Pleurs et frustrations
Confrontés aux changements des dispositifs migratoires, aux rumeurs propagées par les passeurs et à une procédure en ligne complexe, les migrants qui s’entassent dans le nord du Mexique témoignent d’un casse-tête.
L’application CBP One, conçue pour centraliser les demandes d’asile aux États-Unis, est au coeur des frustrations des migrants à la frontière, où téléphones, wifi et électricité sont un luxe.
À cause de ses bogues fréquents, « c’est un cauchemar, un véritable supplice. Cette application nous mine émotionnellement et psychologiquement », dit Juan Pavon, un commerçant qui a fui le Venezuela avec sa famille, tandis que sa fille Ana Paola, 14 ans, pleure à chaudes larmes : une actualisation de l’application a effacé toutes ses données.
Les migrants viennent principalement d’Amérique latine, mais aussi de Chine, de Russie ou de Turquie.
Rencontré dans le centre-ville d’El Paso, où une ONG distribue de la nourriture aux quelques personnes présentes, Luis Rodriguez, 24 ans, venu du Venezuela, explique ne pas avoir assez d’argent pour se payer le transport jusqu’à Washington, où il veut rejoindre des amis.
« Je vais chez le coiffeur pour voir s’ils me laissent travailler » pour rassembler la somme, dit-il.
L’exécutif démocrate tient, sur le sujet brûlant de l’immigration, à afficher une politique équilibrée, tandis que les républicains accusent Joe Biden, à nouveau candidat pour 2024, d’avoir transformé la frontière en « passoire ».
Ainsi, pour l’ex-président républicain Donald Trump, jeudi sera « un jour d’infamie ».
« Vous allez avoir des millions de gens qui afflueront dans notre pays », a-t-il lancé mercredi sur CNN.
Afin d’encourager les voies légales d’immigration, Washington a prévu d’ouvrir à terme une centaine de centres à l’étranger pour étudier les dossiers sur place. Les premiers sont prévus en Colombie et au Guatemala.