Les États-Unis s’inquiètent d’un afflux de migrants avec la fin du «titre 42»

Des familles de migrants traversent vers les États-Unis à partir de la frontière avec le Mexique, près d’El Paso, lundi.
John Moore Getty Images via Agence France-Presse Des familles de migrants traversent vers les États-Unis à partir de la frontière avec le Mexique, près d’El Paso, lundi.

Les autorités américaines redoutent un appel d’air à la frontière sud des États-Unis cette semaine avec la fin programmée d’une mesure prise pendant la pandémie, ce qui pourrait provoquer une situation « chaotique pendant un moment », selon Joe Biden.

Sauf ultime rebondissement, ce dispositif connu sous le nom de « titre 42 » doit prendre fin jeudi à 23 h 59. Il rendait quasi impossible le dépôt d’une demande d’asile aux États-Unis et permettait d’expulser sans délai les migrants vers le Mexique au nom de la lutte contre la COVID-19. Le gouvernement de Joe Biden redoute donc un afflux de milliers de migrants.

Interrogé par des journalistes mardi soir à la Maison-Blanche sur l’état de préparation des États-Unis face à cette évolution réglementaire, M. Biden a répondu : « On verra bien. »

Il avait discuté plus d’une heure dans l’après-midi avec son homologue mexicain Andrés Manuel López Obrador. « Nous avons réaffirmé l’accord pour continuer à travailler ensemble sur des problématiques comme la migration avec une dimension humaniste […] et, surtout, sur la coopération pour le bien-être des populations les plus pauvres de notre continent », a tweeté le président mexicain.

Selon un communiqué de la Maison-Blanche, les deux dirigeants ont également convenu de poursuivre leur initiative qui, « depuis quatre mois, a permis d’enregistrer une baisse de 95 % du nombre d’arrestations à la frontière [américano-mexicaine] de Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens ».

Au Texas, les municipalités d’El Paso, Brownsville et Laredo ont déclaré l’état d’urgence pour fluidifier la prise en charge des nombreux candidats à l’exil — venus principalement d’Amérique latine, mais aussi de Chine, de Russie ou de Turquie — déjà sur place.

À El Paso, des centaines de personnes dorment dans les rues, protégées du soleil par des draps ou allongées sur des cartons, pendant que des enfants mendient. Le maire Oscar Leeser s’attend à une vague de « 12 000 à 15 000 personnes » en fin de semaine : jusqu’à 10 000 migrants patientent dans la ville mexicaine voisine de Ciudad Juárez, selon un récent comptage de ses services. D’autres doivent arriver dans les prochains jours.

Le « titre 42 » a été activé en 2020 par l’administration de l’ex-président Donald Trump au nom de la lutte contre la pandémie de COVID-19. Son successeur en avait prolongé la validité.

Photo: John Moore Getty Images via Agence France-Presse Des migrants arrivés à El Paso aux États-Unis après avoir traversé la frontière avec le Mexique attendent d’être pris en charge par des agents frontaliers américains, lundi.
Photo: John Moore Getty Images via Agence France-Presse Des familles de migrants traversent la frontière entre les États-Unis et le Mexique, près d’El Paso, lundi.

Le système d’asile réactivé

Dans la pratique, cette mesure a surtout empêché l’accès au système d’asile américain : les migrants dépourvus de visa étaient refoulés sans pouvoir déposer de demande. À partir de vendredi, ce sera de nouveau possible et les candidats à l’exil pourront voir leur dossier traité par la justice, un processus qui peut prendre plusieurs années.

La fin de ce dispositif d’exception suscite l’ire des conservateurs, dont certains considèrent que les États-Unis sont désormais en « état de siège ». Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a annoncé mobiliser la garde nationale de son État pour surveiller la frontière.

Le dossier est épineux pour Joe Biden, qui vient d’annoncer sa candidature pour un second mandat en 2024. Si la droite lui fait un procès en laxisme, les associations de défense des migrants l’accusent de mener une politique migratoire pas si différente de celle de Donald Trump.

Entre message d’humanité et discours ferme, le président livre un numéro d’équilibriste. Son gouvernement a décidé d’envoyer 1500 soldats supplémentaires à la frontière avec le Mexique afin d’épauler les 2500 soldats assistant déjà la police aux frontières.

Photo: Patrick T. Fallon Agence France-Presse Des agents de la police frontalière américaine participent à un exercice en tenues antiémeutes au poste-frontière de Paso del Norte, à la frontière avec les Mexique, mardi.

Durcissement des expulsions

Washington insiste sur les voies légales d’immigration. Selon les nouvelles règles qui s’appliqueront à partir de vendredi, les migrants entrés clandestinement aux États-Unis pourront bel et bien demander l’asile, mais il leur sera plus difficile de prouver le bien-fondé de leur requête.

Les personnes déboutées seront expulsées vers leur pays d’origine (ou vers le Mexique) et ne pourront pas déposer de nouvelle demande pendant plusieurs années.

Mais les dysfonctionnements répétés du système frustrent de nombreux demandeurs d’asile, dont certains tentent simplement leur chance en attendant au poste-frontière.

La tension a encore augmenté au Texas depuis que huit migrants ont été tués dimanche à Brownsville par un conducteur qui les a fauchés à un arrêt de bus devant un centre d’accueil. Le suspect a, selon la police, brûlé un feu rouge et a été inculpé d’homicide involontaire. Et un autre automobiliste s’est présenté lundi devant ce même centre et a montré une arme de poing à l’un des gardes, ont indiqué les forces de l’ordre.

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