Biden veut croire que le «vent a tourné» en faveur de la démocratie

Joe Biden, qui se veut un éternel optimiste, a assuré mercredi qu’un vent favorable soufflait pour la démocratie dans le monde, à l’occasion d’un sommet virtuel organisé à l’initiative des États-Unis qui a plutôt résonné de mises en garde sur le progrès de l’autoritarisme.
« Il y a des signes réels que le vent a tourné », a dit le président américain, très enroué, dans une courte déclaration depuis la Maison-Blanche. « La démocratie demande de gros efforts » et « la tâche n’est jamais finie », a-t-il toutefois ajouté. Washington, appelant les démocraties à s’unir face à la Russie et à la Chine, va injecter 690 millions de dollars pour soutenir cet effort.
Cette deuxième édition du Sommet pour la démocratie rassemble les dirigeants de 121 pays, y compris de l’Inde et d’Israël, dont les premiers ministres se défendent des critiques les accusant de faire reculer les droits de la personne chez eux.
Le sommet doit « tenir la Russie pour responsable » de la guerre en Ukraine et « montrer que les démocraties sont fortes et déterminées », avait déjà déclaré le président démocrate lors d’un bref propos introductif mercredi matin.
Il a ajouté lors de son autre intervention que l’objectif de ce rassemblement, dont le principe ne convainc pas tous les observateurs, n’était pas de « faire de grands mots », mais d’« inciter à l’action » — contre le changement climatique, contre les discours haineux, contre la corruption ou en faveur des droits des femmes.
La démocratie « est attaquée » et il faut la « relancer », avait pour sa part déclaré le président sud-coréen, Yoon Seok-youl, l’un des coorganisateurs avec le Costa Rica, les Pays-Bas et la Zambie.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a quant à lui mené la charge contre la Russie, en soulignant son rôle dans des opérations de désinformation et d’ingérence dans des élections dans le monde. « Les ennemis de la démocratie doivent perdre, c’est seulement sur cette base que la démocratie sera vraiment sûre. Faites vôtre la détermination de l’Ukraine », a-t-il demandé.
Des failles
Si les craintes viennent pour beaucoup des ambitions de la Chine et de la Russie, les démocraties elles-mêmes sont sous pression.
Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, secoué par un très contesté projet de réforme de la justice, a assuré que l’alliance entre son pays et les États-Unis était « inébranlable ». Après avoir annoncé lundi une pause dans sa réforme, il a soutenu mercredi qu’un « équilibre » pouvait « être atteint » entre « le besoin de renforcer les pouvoirs exécutif et législatif et […] celui de protéger les droits individuels ».
La veille, le président américain avait clairement fait pression sur le gouvernement israélien, destinataire chaque année d’une très lourde aide militaire américaine : « Ils ne peuvent pas continuer sur cette voie et je pense que je me suis fait comprendre », avait-il dit.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, critiqué pour avoir fait expulser vendredi du Parlement une figure de proue de l’opposition, a qualifié l’Inde de « mère de la démocratie », notion qui « n’est pas seulement une structure, mais aussi un esprit ».
Joe Biden a évité d’inviter des dirigeants à la pratique du pouvoir controversée, comme le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, et le premier ministre hongrois, Viktor Orbán.
Des critiques
Les États-Unis, qui considèrent la Chine comme le plus grand danger de long terme pour l’ordre international, ont en revanche invité Taïwan au sommet, même si l’île n’est pas reconnue par Washington. Pour une porte-parole de Pékin, cet événement « attise d’ailleurs la division au nom de la démocratie ».
L’ambassadeur russe à Washington, Anatoli Antonov, a accusé les États-Unis d’hypocrisie. « Nous avons vu les conséquences désastreuses des tentatives américaines de forcer l’exportation de la démocratie en Irak, en Libye et en Afghanistan », a-t-il déclaré.
L’optimisme de Joe Biden n’est pas unanimement partagé, loin de là. « Aujourd’hui, nous voyons de plus en plus de despotisme et de moins en moins la démocratie », a déclaré plus tôt le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, pointant du doigt les atteintes à la liberté de la presse et à la défense des droits de la personne.
L’organisation suisse V-Dem, qui se définit comme un observatoire de la démocratie, souligne que 72 % de la population mondiale vit désormais dans des régimes autoritaires, alors que cette proportion était de 46 % en 2012.