Des appuis indéfectibles pour Trump, même dans la tourmente

Des partisans venus attendre l’arrivée de Trump sur le tarmac de l’aéroport régional de Waco le 25 mars 2023.
Photo: Brandon Bell Getty Images via Agence France-Presse Des partisans venus attendre l’arrivée de Trump sur le tarmac de l’aéroport régional de Waco le 25 mars 2023.

« Je suis venu pour le voir, pour l’entendre, mais aussi pour le soutenir alors qu’il fait face à tant d’injustice. »

Samedi après-midi, Rosa, de la région de Fort Hood et de cette base militaire sur laquelle elle a travaillé avant sa retraite, avait enfilé son plus beau t-shirt portant le nom de « [son] président », Donald Trump, pour assister au premier rassemblement politique de la campagne du populiste en vue de la présidentielle de 2024. C’était à Waco, au Texas.

« Le procureur de New York [Alvin Bragg, actuellement aux trousses du milliardaire pour une histoire de pot-de-vin] fait surtout dans le harcèlement, a-t-elle ajouté. Il sait que Trump a bien fait son travail, qu’il veut recommencer à bien faire son travail, et il ne veut qu’une chose : c’est l’en empêcher. »

Photo: Fabien Deglise Le Devoir

Ainsi, 28 mois après le départ dans la colère et la frustration de Donald Trump de la Maison-Blanche, défait par les démocrates après à peine un premier mandat, l’image et la stature du populiste restent inchangées au sein de ses plus fidèles supporteurs. Et ce, malgré les deux procès en destitution, malgré l’attaque du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021 pour faire invalider les résultats du vote, malgré les nombreuses affaires de corruption, de tentative de manipulation des résultats de l’élection de 2020, de vol et l’entreposage illégal de documents classés ultrasecrets pouvant compromettre la sécurité de l’État dans sa résidence privée de Mar-a-Lago.

Même après avoir appelé en décembre dernier à mettre fin à la Constitution des États-Unis, avoir loué le génie de Vladimir Poutine dans sa guerre contre l’Ukraine, ou avoir invité à souper chez lui une figure forte du mouvement suprémaciste blanc…

Pis, la popularité de Trump semble même prendre du mieux, à l’approche d’un nouveau duel politique, avec les démocrates de Joe Biden.

« Toutes ces attaques contre lui, qui reposent sur des mensonges et sur des fabrications de preuves, prétend avec conviction et assurance Ronald Solomon, rencontré aux abords du rassemblement politique de l’ex-vedette de téléréalité, ça ne mène nulle part, et c’est ce qui enrage l’autre camp. En fait, plus ils l’attaquent et plus la popularité de Donald Trump monte jusqu’au plafond. Parce que les gens voient très bien ce qui se passe : si la justice peut se lancer, comme ça, après un candidat à la présidence, après, c’est peut-être à eux qu’elle va s’en prendre. »

Photo: Fabien Deglise Le Devoir Ronald Solomon, un partisan de Donald Trump rencontré aux abords du rassemblement politique de l'ancien président.

Debout devant deux chariots remplis de vêtements promotionnels frappés du nom ou du visage du populiste, l’homme dit être aux premières loges pour suivre le baromètre des soutiens accordés à l’ex-président qui aspire à retrouver son siège à la Maison-Blanche. « Depuis une semaine [et le cri d’alarme lancé par Trump qui affirmait que son arrestation allait être imminente dans l’affaire d’un versement d’argent à une actrice porno pour acheter son silence], les ventes ne cessent de croître », affirme M. Solomon. Autour de lui, des partisans venus attendre l’arrivée de Trump sur le tarmac de l’aéroport régional de Waco se mettent en file pour se procurer une casquette, un t-shirt ou un chapeau de cow-boy louant le politicien. « Il y a quelques années, les gens avaient un peu peur ou un peu honte de porter ces vêtements. Mais, aujourd’hui, c’est différent. Ils le font avec fierté. »

Allégations jugées crédibles

La semaine dernière, un sondage Reuters-Ipsos a mis en lumière le fait que 70 % des Américains considéraient comme crédibles les allégations de falsification de document et de fraude, en vertu des lois électorales, au coeur de l’enquête du procureur de New York, qui pourrait frapper Trump par une mise en accusation. Une opinion qui suit toutefois les lignes de faille partisanes aux États-Unis : 89 % des démocrates sont convaincus de la crédibilité de la cause, contre 50 % des républicains.


Une division que, d’ailleurs, l’équipe de campagne de l’ex-président, tout comme d’autres élus républicains, cherche à exploiter en multipliant depuis une semaine les appels aux dons pour faire face à ce qu’il qualifie d’« instrumentalisation de la justice » par les démocrates à des fins politiques.

« Si les fuites dans les médias sont exactes, a écrit Donald Trump à ses membres, après avoir lui-même lancé la rumeur sur son arrestation imminente sur son réseau social Truth, c’est la dernière fois que je vous écris avant ma mise en accusation. J’aimerais donc prendre un moment pour vous remercier pour tout l’appui que vous accordez à notre mouvement. » Le courriel ciblé était accompagné d’un lien permettant de transformer cet appui en contribution financière, en suggérant des montants de 500 $, de 1000 $ ou même de 3300 $.

Trois jours après la déclaration incendiaire de l’ex-président, et son appel à protester contre sa possible inculpation par la justice de Manhattan, son équipe avait fait entrer pas moins de 1,5 million de dollars dans les coffres de la campagne électorale du populiste.

Pour chaque personne cherchant à tenir Trump pour responsable de ses actes, il semble y avoir une autre personne prête à renverser les normes juridiques existantes pour le protéger.

 

« Toutes ces attaques du régime démocrate ne font pas peur à ses partisans, ça les galvanise, dit Lacey Riley, organisatrice politique pour le Parti républicain dans le comté de Denton, au nord de Dallas, rencontrée à Waco. J’ai parlé à plusieurs personnes ici qui viennent pour la première fois à un rassemblement de Donald Trump. C’est significatif. Et je peux vous promettre que s’il devait être inculpé, pour quoi que ce soit, ce jour-là va devenir la plus grande journée de collecte de fonds pour sa campagne depuis son entrée en politique. »

Mouvement de sympathie

Pour le spécialiste de la communication politique Brendon Bankey, professeur à la University of Texas d’Austin, tout ce mouvement de sympathie, malgré les dérives, les dérapages et les crimes possiblement commis par le populiste, s’explique en grande partie par la nature de sa coalition politique, qui est motivée « par la réactance », dit-il en entrevue au Devoir. « Trump doit continuer sans cesse à alimenter le feu pour garder les gens alertes et intéressés et c’est ce qu’il fait », pour se remettre en selle à l’approche de la prochaine présidentielle.

« Qui plus est, pour chaque personne cherchant à tenir Trump pour responsable de ses actes, il semble y avoir une autre personne prête à renverser les normes juridiques existantes pour le protéger. Et au final, peu importe le résultat, cela ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. »

Un feu qui, samedi, a guidé vers la petite ville de Waco Sherry Cox, du nord-est du Texas, et son amie Julie Camp, venues soutenir le populiste avec « notre coeur et notre esprit », a dit l’une d’elles. « Toutes les affaires judiciaires de Trump ne sont que des mensonges et des fausses nouvelles. On ne croit rien de tout ça », a dit l’autre. « On croit surtout Trump et, en venant ici, on fait ce qu’il nous a dit de faire pour défendre notre pays et protéger nos libertés. »

Autour d’elles, les partisans de l’ex-président commençaient à entrer dans l’enceinte du rassemblement politique, agitant des drapeaux américains et d’autres appelants à la réélection de Trump en 2024 ou portant fièrement des vêtements, dont plusieurs affichaient des slogans agressifs et vulgaires ciblant Joe Biden, la vice-présidente, Kamala Harris, ou diabolisant les démocrates.

Photo: Fabien Deglise Le Devoir Sherry Cox, du nord-est du Texas, et son amie Julie Camp, venues soutenir le populiste.

Owen Smith, 19 ans, étudiant en comptabilité dans la région de Dallas, faisait, lui, dans la retenue avec sa veste frappée d’un sobre, dans les circonstances, « Make America Great Again », nom donné au mouvement populiste de Trump.

« Je suis là pour soutenir le président qui représente les seules valeurs qui vont permettre de ramener le pays dans le droit chemin, a-t-il dit. En 2024, c’est la première fois que je vais voter. Et je vais voter pour lui, peu importe ce que cela va donner et ce qui va arriver par la suite. Parce que cela ne peut pas être pire que ce que je vois en ce moment. »

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.

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