Trump repart en campagne électorale sur ses thèmes habituels

Au lendemain de sa mise en garde sur les risques de « mort et de destruction » qui pourraient frapper les États-Unis s’il devait être mis en accusation par la justice américaine, Donald Trump a maintenu sa rhétorique belliqueuse devant ses partisans samedi soir à Waco, au Texas, ouvrant son premier rassemblement de campagne électorale en vue de la présidentielle de 2024 sur les notes de sa chanson Justice for All qu’il a enregistrée avec le « choeur du 6 janvier ».
Cette chorale atypique est composée de détenus purgeant actuellement des peines de prison pour avoir participé à l’insurrection du Capitole en 2021 visant à renverser le gouvernement de Joe Biden nouvellement élu. Les républicains cherchent depuis plusieurs mois à en faire des martyrs victimes d’une justice téléguidée par les démocrates, selon eux.
Galvanisé par les centaines de partisans venues à sa rencontre, dans ce bastion utlra-conservateur du Texas, le populiste a de nouveau dénoncé ce qu’il a qualifié d’« instrumentalisation de la justice » par les démocrates pour faire taire l’opposant politique qu’il est, et a appelé à « détruire » les « globalistes », les « communistes » les « fanatiques de l’ouverture des frontières », pour sauver le pays.
« Soit l’État profond détruit notre pays, soit nous détruisons l’État profond », a-t-il dit, donnant ainsi le ton d’une campagne qui, pour une troisième fois, va chercher à tirer parti des théories complotistes que l’ex-président aime nourrir.
« Je suis votre guerrier, je suis votre justice, a-t-il ajouté, même si je prends beaucoup de coups dans cette course. Mais je suis votre récompense. »
Des centaines de partisans
Toute la semaine, Donald Trump a qualifié d’« abus de pouvoir » l’enquête criminelle en cours qui cherche à déterminer s’il s’est rendu coupable de fausses déclarations et de manquement aux lois sur le financement électoral en ayant versé de l’argent pour faire taire l’actrice porno Stormy Daniels sur une histoire d’adultère l’impliquant.
Une « chasse aux sorcières », selon lui, menée par la direction du « ministère de l’injustice », alors qu’il n’y a « ni crime ni délit », a-t-il soutenu, sous les applaudissements et les cris d’approbation de la foule.
« C’est l’effet qu’il a sur les gens, a commenté Jennifer, venue de Houston au sud du Texas, pour assister à ce rassemblement politique. Trump n’a rien fait de mal. Il y a des tonnes de preuves dans ce dossier qui l’innocentent, mais la justice ne choisit que celles qui font son affaire. »
Dès les premières heures du matin samedi, des centaines de partisans du populiste ont convergé vers l’aéroport régional de Waco pour assister à ce rassemblement. Kara, analyste de données dans la jeune vingtaine, et son compagnon, David, camionneur de la région, en faisaient partie.
« C’est la première fois que j’assiste à un de ses rassemblements, a-t-elle dit tout en portant fièrement un chapeau de cow-boy rose faisant la promotion de la candidature de Trump pour 2024. Je l’aime, car il n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Certains le critiquent pour ça. Mais c’est ce dont nous avons besoin : de la franchise et de l’honnêteté pour sortir de l’époque sombre dans laquelle nous sommes entrés. »
« Quand il était président, tout allait bien, a ajouté David. Maintenant, tout est hors de prix. Je n’aime pas ça. Avec mon salaire, j’arrive à peine à payer mes factures. Pourquoi n’arrivons-nous plus à gagner assez d’argent pour vivre ? »
Je l’aime, car il n’a pas peur de dire ce qu’il pense. Certains le critiquent pour ça. Mais c’est ce dont nous avons besoin : de la franchise et de l’honnêteté pour sortir de l’époque sombre dans laquelle nous sommes entrés.
Pour Randy, jeune retraité du domaine de la construction arrivé la veille au soir pour s’assurer d’une place de choix dans l’assemblée, ce premier arrêt à Waco pour Donald Trump n’est certainement pas un hasard, a-t-il dit en rappelant que dans cette ville, il y a 30 ans, des « patriotes » ont tenu tête au gouvernement.
Dans les faits, pendant 51 jours, les membres de la secte des davidiens s’y sont opposés aux autorités qui les accusaient de production de drogue et de trafic d’armes. Le siège s’est soldé par le suicide collectif de 82 de ses membres, devenant une tragédie nationale que plusieurs républicains et complotistes cherchent désormais à politiser.
« C’est un anniversaire, a dit Randy. Cela force les gens à regarder ce qui s’est passé ici. C’est un symbole des abus de pouvoir dont les citoyens, comme Donald Trump, peuvent être victimes. »
Waco, ville symbole
Samedi, les responsables de la campagne du milliardaire ont nié avoir posé leur premier jalon dans cette ville à dessein. « C’est l’endroit idéal pour qu’autant de partisans de tout l’État du Texas et des États voisins assistent à ce rassemblement historique », a résumé un de ses porte-parole, Steven Cheung, cité par l’Associated Press, en évoquant la position stratégique de la petite ville de 130 000 habitants, proche de quatre grands centres urbains : Dallas, Houston, Austin et San Antonio.
Sur scène, Donald Trump s’est d’ailleurs retenu d’évoquer le souvenir de cette résistance, préférant convoquer plutôt la mémoire des patriotes de Fort Alamo, plus au sud, qui ont conduit à la fondation du Texas, en tenant eux aussi un siège face au gouvernement du Mexique.
« Il n’y a pas de lien à faire entre le siège de Waco et Donald Trump, dit en entrevue au Devoir Lacey Riley, organisatrice politique pour le Parti républicain dans le comté de Denton, au nord de Dallas. Les davidiens formaient une secte, pas Trump. Oui, il a des partisans engagés, mais ce n’est pas un gourou. »
À quelques heures de l’arrivée du candidat républicain au Texas, Todd, la jeune cinquantaine, se disait prêt, lui, à faire tout ce que son candidat allait lui demander « pour sauver le pays », a-t-il dit, et ce, même s’il a été arrêté pour avoir participé à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 à Washington. « J’ai perdu mon emploi, j’ai été condamné à quatre mois de prison pour intrusion et violation de propriété, mais cela ne m’arrêtera pas, a-t-il dit. Trump nous a demandé de protester [contre la menace d’une mise en accusation], et c’est pour ça que je suis là. C’est pour ça que la plupart des gens sont là. Protester ne veut pas dire faire du grabuge. Mais si je devais refaire un 6 janvier, je le ferais. La situation est trop critique dans notre pays pour que l’on reste assis sans rien faire. »
Devant son auditoire, Donald Trump a prévenu que la campagne qu’il a lancée officiellement samedi sera « notre dernière bataille. Vous me renvoyez à la Maison-Blanche, et le pays va être libre à nouveau », a-t-il dit.
À plus d’un an de la présidentielle, les sondages annoncent la perspective d’une course serrée entre Donald Trump et Joe Biden, si le match revanche devait se jouer aujourd’hui. Avec une légère avance accordée au populiste.
Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.