Des trumpistes frileux à l’idée de replonger dans un 6 janvier

Un partisan de l’ancien président américain Donald Trump tient un drapeau près du club Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, le 20 mars 2023.
Chandan Khanna Agence France-Presse Un partisan de l’ancien président américain Donald Trump tient un drapeau près du club Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride, le 20 mars 2023.

L’appel à la manifestation a été lancé, mais la réponse est encore timide.

Plus de 48 heures après avoir demandé à ses partisans de dénoncer son éventuelle arrestation dans le cadre d’une des nombreuses affaires judiciaires qui planent au-dessus de lui et à « reprendre la nation » en main, Donald Trump semble peiner à déclencher le mouvement d’appui et de résistance qu’il espérait.

Oui, le camp républicain est prompt à dénoncer une « instrumentalisation » de la justice américaine qui, selon Donald Trump, pourrait conduire à son arrestation imminente et à sa mise en accusation, dès mardi, a-t-il crié samedi soir sur son réseau social Truth Social. Mais ses fidèles restent frileux à l’idée de se laisser embarquer dans un autre « 6 janvier 2021 », jour sombre de l’histoire des États-Unis où les partisans de l’ex-président ont pris d’assaut le Capitole dans l’espoir de renverser les résultats de la dernière présidentielle. La tragédie a conduit à un traumatisme national, couplé à des centaines d’arrestations et plusieurs condamnations pour insurrection et complot séditieux. Entre autres.

Dimanche soir, le président de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a qualifié de grave erreur judiciaire la perspective de cette mise en accusation de l’ex-président pour avoir tenté d’acheter le silence d’une actrice porno, Stormy Daniels, dans les semaines qui ont précédé son élection de 2016.

On s’en souvient : il était question d’une relation extraconjugale avec elle. Une somme de 130 000 $ a alors été versée à celle que l’état civil américain ne reconnaît que sous le nom de Stephanie Clifford par un des avocats du milliardaire de l’époque, Michael Cohen, qui s’est depuis retourné et a témoigné contre son illustre client. Après plusieurs mois d’enquête et l’audition de dizaines de témoins, le procureur de l’État de New York pour le district de Manhattan, Alvin Bragg, semble sur le point de porter des accusations contre le magnat de l’immobilier pour fausse déclaration et pour avoir violé les lois sur le financement électoral, entre autres.

Pour McCarthy, il s’agit toutefois d’un « abus de pouvoir » de la part du procureur, qui chercherait ainsi à « renverser notre démocratie », a-t-il dit lors d’une conférence de presse. Mais il a ajouté : « Je ne pense pas que les gens devraient protester contre cela, non ! »

Samedi, Donald Trump, un des deux premiers candidats officiellement dans la course à la prochaine présidentielle, avec Nicki Haley, a pourtant tenté de mettre de l’huile sur le feu, en demandant à ses partisans de « protester » face à des « fuites d’informations illégales » en provenance du bureau du procureur de New York et laissant entendre que « le candidat républicain et ex-président des États-Unis sera arrêté ce mardi », a-t-il écrit en lettres capitales. L’information n’a pas été confirmée par les autorités judiciaires américaines pour le moment.

Dans sa série de messages, Donald Trump a réitéré ses accusations sans fondement sur le vol des élections dont il aurait été victime en 2020 et a accusé les démocrates au pouvoir de « tuer notre nation pendant que nous sommes assis et regardons », avant d’ajouter : « Nous devons sauver l’Amérique. Protestez ! Protestez ! Protestez ! »

Sur Twitter, samedi après-midi, l’activiste d’extrême droite Laura Loomer a appelé à un rassemblement devant la résidence de Donald Trump à Palm Beach, en Floride, pour dénoncer « la chasse aux sorcières d’Alvin Bragg », mais elle a par la suite effacé son appel. Quelques personnes se sont rassemblées aux abords de Mar-a-Lago, dans les dernières heures, sans effusion, a rapporté l’antenne locale de NBC dimanche.

Sur plusieurs réseaux d’échanges et groupes de discussion de trumpistes, les cris d’indignation et haut-le-coeur se multiplient toutefois depuis samedi à la suite des messages de l’ex-président. « Tous les patriotes doivent arrêter immédiatement ce qu’ils font pour mettre la société à l’arrêt », a écrit l’un d’eux samedi, en convoquant une « grève massive nationale » pour protester contre cette possible arrestation de l’ex-président. Un autre a demandé que les fidèles de l’ex-vedette de téléréalité « encerclent Mar-a-Lago ou n’importe quel endroit où [Trump] se trouve » pour empêcher que les autorités entrent pour l’arrêter.

Sur Twitter, Jack Posobiec, figure dominante de la droite raciale religieuse, a menacé le pays de l’émergence d’une « grippe rouge » et demandé aux partisans du MAGA (Make America Great Again) de retirer massivement leur argent des banques pour entraîner une chute du système bancaire. Le New York Young Republican Club, quant à lui, a appelé à un rassemblement à Manhattan lundi soir pour dénoncer l’éventuelle arrestation de l’ex-président.

Loin des mouvements de foule et des harangues enflammées de républicains qui ont précédé la tragédie du 6 janvier et l’insurrection contre le dôme de la démocratie américaine, les cris de l’ex-président ont été reçus avec calme par plusieurs porte-voix de Donald Trump, dont Ali Alexander, ex-organisateur du groupe « Stop the Steal », qui a dénoncé la fraude électorale fabulée par l’ex-président au lendemain de sa défaite.

Sur le réseau social à l’oiseau bleu, l’homme a prévenu que les manifestants seront « emprisonnés ou pire », s’ils décidaient de descendre dans la rue à New York. « Vous n’avez ni liberté ni droits là-bas », a-t-il écrit.

Lui et le conspirationniste Alex Jones, à qui il dit avoir parlé dans les dernières heures, en ont « assez de combattre le gouvernement », a-t-il ajouté en précisant : « Aucun milliardaire ne couvre nos factures ».

S’il devait être placé en état d’arrestation dans l’affaire du versement d’argent à Stormy Daniels, Donald Trump deviendrait alors le premier président américain à être exposé à une telle procédure. Selon les règles en vigueur dans l’État de New York, l’ex-occupant de la Maison-Blanche pourrait soit se rendre par lui-même au bureau du procureur du district de Manhattan, soit y être conduit menotté et escorté par le FBI. Il va devoir se plier à une prise d’empreintes digitales, mais également à la traditionnelle séance de photos de face et de profil qui attend les prévenus, avant d’être remis en liberté dans l’attente de son procès. Des images fortes et exceptionnelles dans les circonstances, que l’ex-président pourrait chercher à politiser et dont les conséquences sur ses partisans restent encore incertaines.

Samedi, dans un courriel envoyé à ses employés, le procureur de l’État de New York a assuré travailler de près avec les forces de l’ordre pour « assurer leur sécurité ».

« Nous ne tolérons pas les tentatives d’intimidation ciblant notre bureau ou les menaces contre l’état de droit à New York », a-t-il écrit. « Nos partenaires chargés de l’application de la loi veilleront à ce que toute menace spécifique ou crédible contre le bureau fasse l’objet d’une enquête approfondie », a rapporté Politico.

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