En Floride, la marée rouge tue la faune… et le plaisir des vacanciers

Des centaines de poissons de toutes tailles, morts, flottent à la surface ou s’échouent sur les plages floridiennes.
Photo: Douglas R. Clifford Associated Press Des centaines de poissons de toutes tailles, morts, flottent à la surface ou s’échouent sur les plages floridiennes.

Une « marée » d’algues rouges toxique empoisonne depuis des semaines les côtes de Floride. Pas près de s’estomper, cette vague de pollution naturelle décime la faune marine et pose de sérieux risques pour la santé des résidents et des vacanciers.

Sophie Carrière espérait des vacances tranquilles sur la plage floridienne de Sarasota. La Québécoise et son conjoint passent l’hiver les pieds dans le sable de ce coin paradisiaque depuis 1978. Cette année, une « marée rouge » d’une rare ampleur a sapé leur bonheur.

« Quand je suis arrivée le 25 février, j’ai marché jusqu’au bord de l’eau sans savoir qu’il y avait des difficultés avec la marée rouge. Ce sont les centaines de poissons morts et l’odeur qui m’en ont informée », raconte-t-elle. « Les plages sont vides, car c’est insoutenable. »

C’est au large que se laissent découvrir quelques filets rougeâtres qui confirment la présence d’une « marée rouge ». Ce phénomène est la conséquence d’une recrudescence extraordinaire d’« algues rouges ». Ces micro-organismes pullulent dans les eaux tropicales et relâchent des vapeurs toxiques, rendant l’air pestilentiel. L’eau océanique devient mortelle pour la faune. Une large partie de la côte ouest floridienne est ainsi déserte depuis des semaines.

« On s’étouffe simplement en respirant », témoigne Sophie Carrière. « Impossible de réprimer la toux. Puis viennent les éternuements et, pour certains, les yeux coulent et piquent comme en saison d’allergie. » Ces algues empoisonnent la vie de tous les résidents côtiers, dit-elle, car « même dans la piscine, tous les gens toussent sans arrêt ».

Impossible de réprimer la toux. Puis viennent les éternuements et, pour certains, les yeux coulent et piquent comme en saison d’allergie. 

 

La vie marine en pâtit. Pour preuve, des milliers de poissons morts jonchent les 300 kilomètres de berges touchés. Cette marée est si importante que les autorités ont retiré près de 20 tonnes d’animaux morts des plages depuis décembre, rapportent des médias locaux.

« Ils sont en plein soleil sur le sable, et ça sent mauvais. Même les oiseaux charognards n’en veulent pas », de dire la Floridienne d’adoption.

Des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux illustrent l’étendue des dégâts. On peut y voir des centaines de poissons de toutes tailles, morts, flottant à la surface.

L’Institut de recherche sur les poissons et la faune de Floride se démène pour sauver les grands animaux marins qui échouent sur les plages. Depuis le début de l’éclosion de cette vague d’algues rouges, en octobre dernier, leur équipe a récupéré les cadavres de plus d’une centaine de tortues de mer. Certaines d’entre elles pèsent plus de 100 kilogrammes. Une dizaine de lamantins sans vie ont aussi été retrouvés inertes sur les plages.

« Aucun dauphin ni pélican à l’horizon comme auparavant », se désole Sophie Carrière. « C’est la première année que nous vivons une telle chose. »

Un problème naturel amplifié par l’humain

Ce n’est en réalité pas la première marée rouge que doivent traverser les centaines de milliers de Floridiens de la côte ouest. Les Premières Nations de la Floride recensaient déjà ce phénomène il y a des centaines d’années. De petites marées rouges apparaissent presque chaque année. Cependant, la durée et l’ampleur de la marée rouge de 2023 frappent les esprits.

« Ce n’est pas la pire qu’on ait vue, mais c’est assez terrible. C’est très tôt en saison », nuance Shawn Landry, professeur, chercheur et directeur à l’Institut de l’eau de l’Université South Florida.

Comme les cyanobactéries (algues bleues et vertes) de nos contrées nordiques, ces algues rouges se multiplient à cause de l’azote que l’humain rejette dans la nature. « Les gens qui mettent du fertilisant sur leur pelouse. Ça se ramasse dans l’océan et ça nourrit la marée rouge, explique le biologiste. Nous, comme collectivité, on n’est pas la cause de la marée rouge, mais on la rend pire. Les gens doivent comprendre que c’est nous, le problème. »

Les marées rouges prennent habituellement fin de façon naturelle. « Si on pouvait avoir de la pluie, l’eau fraîche aiderait à résoudre le problème », note-t-il. Impossible, cependant, de prévoir le moment où cette marée rouge prendra enfin le large.

Plusieurs s’attendent à ce que cette invasion algale dure encore au moins un mois. Le festival annuel BeachFest a d’ores et déjà annulé son édition de 2023 après avoir déterminé, avec l’aide de la Ville et du département de la santé du comté de Pinellas, que la marée rouge se poursuivrait probablement jusqu’à la mi-avril.

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