Aux funérailles très politiques de Tyre Nichols, émotion et colère contre les violences policières

« Une belle âme » à qui « un acte violent » de la police a ôté la vie trop tôt : aux funérailles de Tyre Nichols, jeune Afro-Américain dont le passage à tabac mortel par des agents noirs a choqué les États-Unis, les intervenants, dont la vice-présidente Kamala Harris, se sont insurgés mercredi contre les violences policières.
Après avoir longuement pris dans ses bras la mère de Tyre Nichols dans l’église de Memphis où était organisé cet hommage, la politicienne démocrate a eu des mots durs envers les policiers qui l’ont roué de coups alors qu’il criait n’avoir rien fait et appelait à l’aide. « N’avait-il pas le droit d’être en sécurité ? » a lancé la vice-présidente. « Voici une famille qui a perdu son fils et son frère après un acte de violence » perpétré par des « personnes chargées de protéger [la population] », a-t-elle souligné.
Le révérend Al Sharpton, figure de la lutte pour les droits civiques qui a prononcé l’oraison funèbre à la Mississippi Boulevard Christian Church, s’est dit particulièrement affecté par le fait que les cinq policiers sont eux-mêmes noirs. « Dans la ville où [Martin Luther] King a perdu la vie […], vous avez battu un frère à mort », a-t-il lancé.
« Il n’y a rien de plus insultant, pour nous qui avons lutté pour ouvrir les portes, que vous entriez par ces portes et agissiez comme les personnes que nous avons dû combattre afin que vous puissiez y passer », a-t-il ajouté tandis que la foule se levait pour l’ovationner.
« Quelqu’un de bien »
Tyre Nichols, 29 ans, a été arrêté le 7 janvier par des agents d’une unité spéciale de Memphis, dans le sud des États-Unis, pour une infraction au Code de la route, selon la police. Mais, battu sans relâche — à tel point qu’il était devenu méconnaissable, d’après sa famille —, il est mort trois jours plus tard à l’hôpital.
Les cinq policiers impliqués ont été licenciés et accusés de meurtre.
Les images insoutenables de l’interpellation ont été diffusées, sans censure, par les plus grandes chaînes d’information du pays, ce qui a fait craindre aux autorités un embrasement social.
Pendant l’office mercredi ont été projetés des clichés pris par Tyre Nichols, qui avait un site consacré à la photographie, et des vidéos de lui faisant de la planche à roulettes, une autre de ses passions. Le jeune homme était « quelqu’un de bien, une belle âme », a dit le révérend J. Lawrence Turner.
Pendant quelques poignantes minutes, une proche de Tyre Nichols a récité un poème qu’elle a écrit autour des mots adressés par son frère aux policiers qui le battaient : « J’essaie juste de rentrer chez moi. »
Pour que « justice soit rendue »
Symbole fort, Philonise Floyd, frère de George Floyd, ce quadragénaire noir dont la mort sous le genou d’un policier blanc avait déclenché des manifestations massives en 2020, était présent aux funérailles.
En pleurs, RowVaughn Wells, la mère de Tyre Nichols, a appelé sous les applaudissements le Congrès à adopter un projet de loi sur une réforme de la police qui porterait le nom de George Floyd, bloqué pour l’instant. « Parce que si on ne le fait pas, ce sang, le prochain enfant qui meurt, ils auront ce sang sur les mains », a-t-elle clamé. « Ce n’est que le début, a promis le beau-père de Tyre Nichols, Rodney Wells. Nous avons hâte que justice soit rendue pour toutes les familles […], pas seulement la nôtre. »
Signe de l’attention accordée par la Maison-Blanche à cette affaire, le président Joe Biden s’est lui-même entretenu avec les parents de Tyre Nichols la semaine dernière. RowVaughn et Rodney Wells ont également été invités par le groupe parlementaire rassemblant des élus afro-américains à assister au discours de M. Biden sur l’état de l’Union, le 7 février prochain, devant le Congrès américain.
Mercredi, la police américaine se retrouvait à nouveau accusée d’usage excessif de la force, après la mort en Californie d’un Afro-Américain amputé des deux jambes tué par des agents lors d’une intervention pour une agression au couteau.