La commission sur l'assaut du Capitole, ses révélations et ses conséquences

L’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, était plus qu’un mouvement de foule en colère après la défaite de Donald Trump. C’était bel et bien la composante d’un stratagème complexe visant à compromettre les institutions démocratiques américaines.
Samuel Corum Getty Images Agence France-Presse L’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, était plus qu’un mouvement de foule en colère après la défaite de Donald Trump. C’était bel et bien la composante d’un stratagème complexe visant à compromettre les institutions démocratiques américaines.

C’est la fin d’une vaste enquête publique. Lundi, le comité spécial de la Chambre des représentants chargé de faire la lumière sur l’attaque du Capitole, le 6 janvier 2021, par les partisans de l’ex-président et populiste Donald Trump, doit tenir son ultime audience publique à Washington, avant de déposer son rapport final, ce mercredi.

Un exercice politique, bipartisan, suivi de près à Washington, et qui, après un an et demi d’audiences privées et publiques, la collecte de 35 000 documents, l’audition de plus de 300 témoins, a fini par révéler la mécanique de cette insurrection menée contre le dôme de la démocratie américaine. Il a aussi identifié les acteurs clés de cette tragédie qui pourraient faire face à la justice. Retour sur ses principales découvertes et ses possibles conséquences.

Une stratégie à plusieurs volets pour renverser les élections

L’insurrection du 6 janvier était plus qu’un mouvement de foule en colère après la défaite de Donald Trump. C’était bel et bien la composante d’un stratagème complexe visant à compromettre les institutions démocratiques américaines, en empêchant la certification du vote en faveur de Joe Biden, pour maintenir le populiste à la Maison-Blanche. Par la conspiration et contre la volonté des urnes.

La tentative de coup d’État a été orchestrée en partie par un groupe d’avocats à la solde de l’ex-président, dont Rudy Giuliani, John Eastman ou Sidney Powell, qui ont cherché à faire apparaître de « faux électeurs » dans plusieurs États clés au profit de Trump. Outre la pression sur des fonctionnaires, le groupe envisageait aussi la saisie de machines à voter après avoir prétendu, sans preuve, qu’elles avaient été piratées.

Pat Cipollone, conseiller de la Maison-Blanche à l’époque, a expliqué devant le comité que ces fidèles de Trump, ces « avocats voyous », avaient « un mépris total quant à l’importance d’étayer ce que vous dites avec des faits ».

Plus inquiétant encore, le comité a en sa possession plus de 2000 messages textes confirmant que Mark Meadows, chef du cabinet de Donald Trump à l’époque, a eu des échanges avec de nombreux élus républicains au lendemain de la défaite du populiste. Ensemble, ils cherchaient alors, sans tourner autour du pot, une manière légale de renverser le résultat des élections, a rapporté récemment Talking Points Memo. Plusieurs de ces députés ont été réélus en novembre dernier.

Trump savait qu’il n’y avait pas eu de fraude électorale

Tout en clamant le contraire — encore aujourd’hui, plus de deux ans après sa défaite —, Donald Trump savait très bien que le scrutin de 2020 n’a rien eu d’illégal, et ce, parce que plus d’une dizaine de personnes, bien au fait du déroulement des élections, l’ont éclairé personnellement sur l’intégrité du processus électoral et sur la fragilité des arguments dénonçant une fraude.

J’ai pensé que le 6 janvier 2021 avait été l’un des jours les plus sombres de l’histoire de notre nation, et que le président Trump le traitait comme une occasion de célébrer.

 

« J’ai clairement indiqué que je n’étais pas d’accord avec l’idée de dire que l’élection avait été volée et de publier ce genre de choses, a exposé l’ex-ministre de la Justice Bill Barr, devant le comité. J’ai dit au président que [la fraude] c’était des conneries. »

La propre fille du populiste, Ivanka, a également admis lors de son audition en vidéoconférence avoir adhéré sans problème aux faits exposés par M. Barr qui ont « changé [sa] perspective » sur la réalité alternative promue par son père, a-t-elle dit.

Trump savait que des manifestants étaient armés, mais il les a lancés malgré tout sur les élus du Capitole

 

Au sixième jour des audiences, l’ancienne assistante de la Maison-Blanche Cassidy Hutchinson a livré une série de témoignages explosifs en révélant, entre autres, que l’ex-président avait été mis au courant par les services secrets de la présence de manifestants armés dans la foule, le 6 janvier. C’était juste avant qu’il ne lance cette même foule contre le siège du pouvoir législatif américain, afin d’empêcher les élus de confirmer l’élection de Joe Biden à la Maison-Blanche.

« J’ai entendu le président dire quelque chose comme : “Je me fous qu’ils aient des armes. Ils ne sont pas là pour me faire du mal” », a-t-elle raconté.

Selon elle, Donald Trump avait été informé personnellement de la présence parmi les insurgés de groupes paramilitaires et suprémacistes. « Je me souviens avoir entendu les mots Oath Keepers et Proud Boys lors de la planification du rassemblement du 6 janvier », alors que Rudy Giuliani et Mark Meadows étaient présents avec Donald Trump dans le Bureau ovale, a-t-elle déclaré devant la commission.

Ces deux regroupements sont la cible du FBI depuis le 6 janvier 2021. Plusieurs de leurs membres ont d’ailleurs été poursuivis et certains, dont le boss des Oath Keepers, Stewart Rhodes, condamnés pour leur participation à cette émeute et pour « complot séditieux ».

L’équipe de l’ex-président s’est réjouie d’avoir enflammé les partisans de Trump

En octobre dernier, des documents récoltés par le comité auprès des services secrets américains, dont des échanges de textos, ont permis d’établir que les forces de l’ordre savaient dès décembre que la violence était en train de monter au sein des partisans républicains, un climat qui normalement aurait dû inquiéter la Maison-Blanche. Or, le conseiller en communication du populiste, Jason Miller, s’en est plutôt réjoui dans les jours précédant l’attaque. « J’ai mis le feu à la base [électorale de l’ex-président] », s’est-il vanté dans un échange daté du 30 décembre avec le chef de cabinet de la Maison-Blanche de l’époque, Mark Meadows.

Avant le 6 janvier, des appels au meurtre ciblant le vice-président Mike Pence, chargé de présider la cérémonie de certification du vote, circulaient aussi en ligne, appelant à faire du no 2 du pouvoir exécutif américain « un homme mort », s’il ne suivait pas les appels lancés par l’équipe de Trump à renverser le scrutin.

« J’ai pensé que le 6 janvier 2021 avait été l’un des jours les plus sombres de l’histoire de notre nation, et que le président Trump le traitait comme une occasion de célébrer », a dit devant le comité l’ex-membre du personnel de la Maison-Blanche, Sarah Matthews.

Et la commission d’enquête pourrait recommander des poursuites criminelles…

À la veille du dévoilement du rapport final du comité, il est encore difficile de dire si le groupe d’élus va recommander que des poursuites criminelles soient déposées contre l’ex-président. Donald Trump a pourtant été qualifié par le groupe d’élus d’élément central de ce vaste stratagème visant à défier la démocratie américaine pour voler la victoire aux démocrates.

L’ex-président a refusé de comparaître devant le comité, malgré sa convocation, se plaçant ainsi face à une possible accusation pour outrage au Congrès.

Le groupe pourrait par ailleurs inciter le ministère de la Justice des États-Unis à tenir pénalement responsables plusieurs membres de l’entourage du populiste, dont son ex-chef de cabinet, Mark Meadows, pour son rôle dans la planification de l’insurrection largement documenté par l’enquête. L’avocat John Eastman, qui a théorisé le coup d’État dans un mémo avant le 6 janvier, l’avocat personnel de Trump, Rudy Giuliani, pour sa promotion du mensonge de la fraude électorale, ou encore Jeffrey Clark, haut gradé du ministère de la Justice qui aurait participé à cette conspiration, pourraient aussi en faire partie.

Ironiquement, M. Clark s’est présenté devant le comité, mais il a refusé de répondre aux questions des élus, plaidant le 5e amendement, qui permet à un citoyen américain de ne pas témoigner pour ne pas s’auto-incriminer.

Mark Meadows et Rudy Giuliani ont, pour leur part, cherché à obtenir un pardon préventif pour leur contribution à l’insurrection, avant que l’ancien président ne quitte la Maison-Blanche. C’est ce qu’a confirmé Cassidy Hutchinson devant les élus, tout en relatant des conversations dont elle a été témoin au Bureau ovale.

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