À trois semaines des élections de mi-mandat, Biden parie sur le droit à l’avortement

À trois semaines d’élections difficiles, Joe Biden a tenté mardi de mobiliser à nouveau les Américains autour du droit à l’avortement, en promettant de l’inscrire dans la loi fédérale dès janvier en cas de victoire démocrate au Congrès.
Bien que l’inflation et le risque de récession minent les chances de son parti, le président mise sur l’indignation déclenchée par la volte-face de la Cour suprême des États-Unis en matière d’avortement pour faire le plein de voix à gauche et au centre. Le 24 juin, le plus haut tribunal du pays est revenu sur son arrêt Roe v. Wade, qui garantissait depuis un demi-siècle le droit des Américaines d’interrompre leur grossesse.
« Rappelez-vous ce que vous avez ressenti ce jour-là […] : la colère, l’inquiétude, l’incrédulité », a lancé Joe Biden lors d’un discours tenu devant le Parti démocrate à Washington, en dénonçant « le chaos » ayant suivi cette décision.
« En quatre mois, des lois interdisant l’avortement sont entrées en vigueur dans 16 États », a-t-il poursuivi, et « les élus républicains du Congrès ont renchéri » en promettant d’adopter une interdiction au niveau fédéral s’ils reprennent le contrôle du pouvoir législatif. « Mais soyons clairs : si une telle loi devait être adoptée dans les années à venir, j’y mettrais mon veto », a clamé le locataire de la Maison-Blanche.
À l’inverse, si les électeurs renforcent la majorité démocrate, « la première loi que j’enverrais au Congrès viserait à codifier Roe », a-t-il promis. « Et dès que le Congrès l’aurait adoptée, je la signerais, en janvier, pour les 50 ans [de cet arrêt]. »
Interrogée peu après, la Maison-Blanche a refusé de donner des détails sur le texte envisagé. Interrompre une grossesse « devrait être une décision prise entre une femme, ses médecins et sa famille, pas les hommes politiques », a simplement indiqué sa porte-parole, Karine Jean-Pierre.
Une proposition de loi protégeant le droit à l’avortement a déjà été adoptée par la Chambre des représentants. Le texte patine au Sénat, où il faudrait une majorité qualifiée de 60 % pour le protéger de toute obstruction parlementaire.
Joe Biden a longtemps répugné à changer cette règle censée encourager le compromis entre les deux grands partis. Fin juin, il s’était toutefois dit prêt à faire une « exception » et à la lever pour garantir le droit des Américaines d’avorter. Mais 2 des 50 sénateurs démocrates ne veulent pas toucher au filibuster (obstruction systématique) : il faudrait donc que le parti remporte deux nouveaux sièges pour changer la donne, tout en conservant sa majorité à la Chambre basse.
Toujours une priorité ?
L’objectif semble très ambitieux, d’autant plus que les élections de mi-mandat sont généralement l’occasion de sanctionner le parti du président. Les démocrates ont par contre été galvanisés par un référendum organisé début août dans le très conservateur État du Kansas, où les électeurs se sont mobilisés massivement pour rejeter un amendement constitutionnel hostile à l’avortement.
Les sondages montrent toutefois que la question n’est plus la grande priorité des Américains. Environ 26 % citent l’économie comme principale préoccupation, et 18 %, l’inflation, loin devant l’avortement, à 5 %, selon une enquête publiée cette semaine par l’institut Siena et le New York Times.
Fait encore plus inquiétant pour les démocrates, les électrices indépendantes semblent aussi avoir revu leurs préférences. En septembre, les démocrates étaient 14 points devant les républicains dans ce segment de l’électorat, mais ils sont désormais 18 points derrière.