Les républicains profitent encore du mensonge électoral

L’élu républicain Madison Cawthorn a perdu la primaire en Caroline du Nord face au conservateur Chuck Edwards.
Photo: Nell Redmond Associated Press L’élu républicain Madison Cawthorn a perdu la primaire en Caroline du Nord face au conservateur Chuck Edwards.

Résultats en deux teintes pour l’ex-président américain Donald Trump qui, mardi soir, lors d’une importante tranche de primaires républicaines, a perdu un fidèle allié au Congrès — le jeune représentant Madison Cawthorn —, mais a réussi malgré tout à faire entrer dans la prochaine course électorale des candidats qui se sont fait les promoteurs de sa théorie du complot électoral, les « denialists », comme on les appelle là-bas.

Près d’un an et demi après l’insurrection du Capitole, la force d’attraction de ce mensonge, voulant qu’une fraude électorale — jamais démontrée — ait conduit les démocrates au pouvoir, a assuré la victoire du député Ted Budd en Caroline du Nord. Le conservateur radical a remporté la primaire du parti en vue des sénatoriales de novembre avec pas moins de 30 points d’avance sur l’ex-gouverneur de l’État, Pat McCrory.

Adoubé par Trump en février dernier, Ted Budd a voté contre la certification du vote de novembre 2020, reconnaissant la victoire de Joe Biden à la dernière élection présidentielle. Il a, dans la foulée, soutenu à tort et à dessein que le milliardaire libéral George Soros était de mèche avec la compagnie Dominion et ses machines à voter pour voler les élections. Des accusations qui ont fait le pain et le beurre de la mouvance conspirationniste américaine.

Mardi, sur les ondes de CNN, le politicien a refusé de dire s’il jugeait que la victoire de Joe Biden était légitime.

L’ombre de Donald Trump

« Il y a encore très peu de preuves que l’influence de Donald Trump est en train de diminuer au sein du Parti républicain, résume en entrevue le politicologue Daniel Bowen, professeur au College of New Jersey. Les électeurs ne semblent pas rejeter ses fausses accusations sur le vol des élections et, mardi soir, la Pennsylvanie en a livré toute une illustration. »

Dans cet État, un autre ultraconservateur, Doug Mastriano, a en effet remporté l’investiture du parti en vue des prochaines élections pour le poste de gouverneur. L’ex-colonel à la retraite a pris part à la manifestation du 6 janvier 2021 visant à empêcher la certification du vote présidentiel par le pouvoir législatif ; il a toutefois indiqué ne pas être entré de force dans le Capitole. Il croisera le fer avec le procureur général de l’État, le démocrate Josh Shapiro.

Sur Twitter, M. Shapiro a indiqué que « peu importe contre quel extrémiste dangereux nous allons être en novembre, l’enjeu est trop élevé pour envisager autre chose qu’une victoire », et ce, dans un État mis sous tension par les républicains en 2020. Les partisans de Donald Trump y ont contesté les résultats du vote avec passion lors de la dernière présidentielle.

Mercredi, le décompte des bulletins de vote n’avait par ailleurs toujours pas permis d’identifier le candidat républicain pour la sénatoriale de l’État en novembre. En après-midi, Mehmet Oz, ex-cardiologue devenue figure du petit écran, avait toujours une faible avance de 0,2 point de pourcentage sur le financier Dave McCormick. Les deux aspirants sénateurs ont soutenu la théorie du vol des élections durant leur campagne, et ce, pour ne pas s’aliéner la base électorale du « trumpisme », toujours forte dans les régions rurales de la Pennsylvanie.

Une « puissante force de mobilisation »

Un sondage The Economist-YouGov mené entre le 15 et 17 mai a révélé que 68 % des électeurs républicains, à la grandeur du pays, croient que le président Joe Biden n’a pas remporté le scrutin de 2020 de manière légitime. Une croyance affichée depuis deux ans en contradiction avec la réalité et les faits.

« Les candidats républicains ambitieux considèrent que leur lien avec Trump reste essentiel pour un succès électoral, dit M. Bowen. Et ils ne peuvent pas, pour cette raison, contester la théorie fallacieuse du complot et de la fraude électorale. »

Cette adhésion à la fiction de Donald Trump n’a toutefois pas été payante pour le jeune représentant Madison Cawthorn, l’un des élus les plus incendiaires du Capitole, qui a perdu la primaire en Caroline du Nord en vue de sa réélection face au conservateur Chuck Edwards. Le politicien de 26 ans avait pourtant reçu l’appui de l’ex-président.

Étoile montante du Parti républicain depuis deux ans, M. Cawthorn s’est placé au cœur de la controverse dans les derniers mois après des révélations embarrassantes sur ses soirées à Washington. Il a prétendu, entre autres, avoir été invité à des orgies et y avoir vu des politiciens de la droite américaine versés dans la lutte contre la drogue y consommer de la cocaïne sous ses yeux. « Ce sont ses faux pas personnels qui lui ont coûté l’appui de l’establishment républicain dans son État, pas l’appui qu’il a reçu de Donald Trump », dit M. Bowen.

« Malheureusement, tant que les dirigeants du Parti républicain et les personnalités médiatiques affiliés au parti ne rejetteront pas publiquement et collectivement le récit de la fraude électorale, cela va rester une puissante force de mobilisation des électeurs républicains », ajoute-t-il.

Des primaires avaient également lieu en Idaho, où la candidate soutenue par Donald Trump, Janice McGeachin, a mangé la poussière face au gouverneur Brad Little, qui se présente pour sa réélection. Au Kentucky, le sénateur Rand Paul, figure libertarienne forte des républicains, reste également en selle pour le scrutin de novembre prochain ; après avoir été critique du populiste, il est devenu l’un de ses fidèles au Sénat.

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