Trump porte plainte contre Facebook, Twitter, Google et leurs patrons

Évincé des réseaux sociaux depuis l’assaut meurtrier du Capitole, l’ex-président américain Donald Trump a déposé mercredi des plaintes collectives contre Facebook, Twitter, Google et leurs patrons, les accusant d’être responsables d’une « censure illégale » et « inconstitutionnelle ».
« Nous sommes engagés dans un combat [pour défendre la liberté d’expression] que nous allons gagner », a promis le républicain depuis son club de golf de Bedminster, dans le New Jersey. Mais les chances que cette plainte aboutisse sont maigres, selon des experts en droit.
« Les réseaux sociaux ont donné un pouvoir extraordinaire à un groupe de géants de la big tech qui travaillent avec les autorités, les grands médias et une large partie d’un parti politique pour faire taire et éliminer les opinions des Américains », a accusé le 45e président des États-Unis, qui flirte avec une nouvelle candidature en 2024.
Devant un parterre d’invités, le milliardaire a expliqué avoir déposé « une action collective majeure en justice contre les géants de la technologie, y compris Facebook, Google et Twitter, ainsi que leurs patrons Mark Zuckerberg, Sundar Pichai et Jack Dorsey ».
« Il n’y a pas de meilleure preuve que la big tech est hors de contrôle que le fait qu’ils aient banni [de leurs plateformes] le président des États-Unis en fonction », a-t-il soutenu. « S’ils peuvent me le faire à moi, ils peuvent le faire à n’importe qui. Et d’ailleurs, c’est exactement ce qu’ils font », a-t-il affirmé en donnant la parole à des citoyens se disant aussi victimes de ces entreprises.
Avec cette plainte présentée aux côtés d’une organisation qui promeut ses politiques défendant « les États-Unis d’abord », l’America First Policy Institute, Donald Trump a dit espérer que le tribunal fédéral du district sud de la Floride ordonne « l’arrêt immédiat de la censure illégale et honteuse » de la part des réseaux sociaux.
Après l’assaut du Capitole
Facebook a suspendu Donald Trump pour deux ans en juin. Le républicain avait déjà été exclu temporairement de la plateforme dès le 7 janvier dernier pour avoir encouragé ses partisans lors de l’attaque du Capitole à Washington la veille, une décision sans précédent ; il était alors encore officiellement président. Le réseau social Twitter l’avait aussi évincé pour les mêmes raisons.
Avant d’être banni, Donald Trump comptait près de 89 millions d’abonnés sur Twitter — où il avait annoncé nombre de grandes décisions présidentielles et des limogeages tonitruants —, ainsi que 35 millions sur Facebook et 24 millions sur Instagram.
Sur ces plateformes, il avait aussi minimisé la gravité de la pandémie de COVID-19 et avait dénoncé de soi-disant fraudes électorales, jamais démontrées devant les tribunaux. « Google et YouTube ont effacé d’innombrables vidéos qui osaient mettre en doute le jugement de l’Organisation mondiale de la santé » pendant la pandémie de COVID-19, a déploré l’ex-président.
Peu de chances d’aboutir
Le magnat de l’immobilier a été à l’origine de nombreux litiges au cours de sa carrière, mais ceux-ci ont rarement abouti. « Nous ne cherchons pas à obtenir un accord » avec les procureurs qui lui permettrait d’éviter un procès, a-t-il néanmoins affirmé mercredi.
Eric Goldman, professeur de droit spécialiste en haute technologie à l’Université de Santa Clara, est « convaincu que Trump perdra ». Le premier amendement de la Constitution américaine, qui défend la liberté d’expression, « contraint seulement les acteurs publics, pas les organisations privées », explique-t-il.
Pour Matt Schruers, président du lobby des géants de la technologie CCIA, « des actions collectives frivoles ne changeront pas le fait que les utilisateurs, même les présidents des États-Unis, doivent respecter les règles qu’ils ont acceptées ».
« Cette plainte est un coup de publicité et il est improbable qu’elle avance dans les tribunaux », a renchéri Jameel Jaffer, responsable d’un centre spécialisé dans la défense de la liberté d’expression, le Knight First Amendment Institute de l’Université de Columbia. Il a toutefois ajouté qu’il était « important » de débattre « du type d’obligations que le premier amendement pourrait imposer à des acteurs privés qui ont autant d’influence sur le discours public ».
Si ce sont surtout les conservateurs américains qui s’insurgent de l’éviction de Donald Trump des réseaux sociaux, les démocrates aussi ont les géants du Web dans leur viseur. Fin juin, une commission parlementaire a approuvé une série de projets de loi qui ciblent Google, Apple, Facebook et Amazon, et ouvriraient potentiellement la porte à des démantèlements de ces entreprises. Ils ont une chance d’être approuvés à la Chambre des représentants, mais leur sort reste incertain au Sénat.