Les États-Unis quittent l’Accord de Paris… pour le moment

Alors que les Américains ne sont toujours pas fixés sur les résultats définitifs de l’élection présidentielle de mardi, leur pays a officiellement quitté mercredi l’Accord de Paris sur le climat, conçu pour limiter un réchauffement planétaire qui menace directement plusieurs régions des États-Unis. Cette décision de retrait, annoncée par le gouvernement Trump, devrait toutefois être révisée en cas de victoire démocrate.
Le président Donald Trump avait d’abord annoncé en juin 2017 que les États-Unis annuleraient leur signature et la ratification de cette entente, signée jusqu’ici par 197 pays. « Cet accord est moins à propos du climat que pour permettre à d’autres pays d’avoir un avantage sur les Américains », avait alors affirmé le président climatosceptique, en ajoutant que « la Chine pourra continuer de polluer pendant des années ».
Washington a ensuite signifié son retrait en 2019 aux Nations unies, comme le prévoyaient les règles de l’Accord de Paris. Ce retrait devient effectif dès ce mercredi 4 novembre. En cas de victoire électorale de Donald Trump, les États-Unis deviendront donc le premier pays à quitter l’entente après l’avoir signée et ratifiée.
Ce geste est d’autant plus significatif que le pays est le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre. Selon les données officielles disponibles, les États-Unis ont émis en 2018 pas moins de 5,4 milliards de tonnes de CO2, soit environ 15 % du total mondial. Le Canada, par exemple, a émis pour cette même année, 729 millions de tonnes de CO2.
À titre de comparaison, la Chine a émis en 2018 un total de 10,1 milliards de tonnes de CO2. Mais le pays a aussi promis en septembre dernier d’atteindre la carboneutralité d’ici 2060. Une tâche colossale pour un État toujours très dépendant du charbon pour produire l’énergie nécessaire à sa production industrielle, en bonne partie destinée à l’exportation.
Dans une « déclaration commune » publiée mercredi, le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, le Chili, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont souligné « avec regret » des États-Unis, tout en réaffirmant leur volonté d’« accélérer l’action en faveur du climat ». « Les données scientifiques montrent clairement que nous devons de toute urgence intensifier notre action et que nous devons travailler ensemble pour réduire les effets du réchauffement climatique et pour garantir un avenir plus vert et plus résistant pour nous tous. L’Accord de Paris fournit le cadre adéquat pour y parvenir », ont ajouté les signataires de la déclaration.
Retour promis
En cas de victoire démocrate, Joe Biden a toutefois promis de revenir dans le giron de l’Accord de Paris, dont les pays signataires doivent s’entendre pour relever le niveau d’ambition d’ici la prochaine Conférence des parties (COP26), qui doit avoir lieu en 2021 à Glasgow, en Écosse. « Je nous remettrai à la tête du monde en matière de changement climatique et je mettrai tous les autres pays au défi de relever la barre des engagements climatiques », a notamment soutenu le candidat démocrate à la présidence, en septembre.
En cas de victoire de M. Biden, les États-Unis devraient donc notifier à l’ONU leur volonté de revenir dans l’Accord de Paris. Mais pour s’assurer que cette nouvelle prise de position de Washington demeure, la prochaine administration devra mettre en œuvre un plan climatique suffisamment ambitieux s’assurer qu’une future présidence républicaine ne puisse pas faire machine arrière, a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) un ancien conseiller environnemental du président Barack Obama, Andrew Light.
Joe Biden, qui qualifie les changements climatiques de « menace existentielle pour l’humanité », a justement promis d’investir 2000 milliards de dollars sur quatre ans afin de favoriser une « relance verte » et sortir le pays de la profonde crise provoquée par la pandémie. Il espère notamment électrifier le secteur des transports et décarboniser complètement la production d’électricité d’ici 2035, alors que celle-ci provient toujours à plus de 60 % de sources fossiles, soit le gaz naturel et le charbon. Selon ce qu’a répété à plusieurs reprises le camp démocrate, en répliquant au discours du président Trump, leur plan de relance verte devrait créer « des millions d’emplois ».
Selon le chercheur néerlandais Niklas Höhne, membre du groupe Climate Action Tracker cité par l’AFP, « le plan climatique de Biden pourrait permettre à lui seul de réduire la hausse des températures de l’ordre de 0,1°C ». Ce gain d’autant plus crucial que l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris est de limiter la hausse des températures à 1,5 °C, tandis que cette hausse atteint déjà plus de 1°C.
Pour espérer y parvenir, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) estime qu’il faudra réduire les émissions mondiales de 45 % d’ici 2030, par rapport au niveau de 2010, mais aussi ramener les émissions à zéro d’ici 2050. Or, les engagements des États conduisent présentement le monde vers une hausse moyenne des températures de plus de 3°C, ce qui équivaudrait à provoquer un véritable naufrage climatique qui rendrait le monde « méconnaissable », selon le GIEC.
Tendance lourde
Mais quel que soit le résultat final de l’élection présidentielle, les énergies fossiles accusent déjà certains reculs en sol américain. Malgré les efforts de Donald Trump pour relancer l’industrie du « magnifique charbon propre », davantage de centrales à charbon ont fermé sous sa présidence qu’au cours du second mandat de son prédécesseur Barack Obama. Les émissions de CO2 dues au charbon ont aussi été divisées par deux depuis le pic de 2007.
Lois du marché obligent, la production et la consommation d’énergies renouvelables ont par ailleurs battu des records dans le pays en 2019. Le gaz naturel toutefois aussi une place plus importante que jamais, en raison du boom lié au développement de l’exploitation gazière par fracturation. Joe Biden a promis de ne pas fermer la porte à cette industrie, malgré les impacts environnementaux de la fracturation.
Spécialiste des négociations climatiques au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, Hugo Séguin estime que peu importe l’occupant de la Maison-Blanche, certains États demeurent fermement engagés en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
M. Séguin cite en exemple la Californie, qui a notamment annoncé en septembre dernier que les ventes de nouvelles voitures fonctionnant à l’essence ou au diesel seront interdites dès 2035. Même dans des États traditionnellement associés à l’exploitation pétrolière et gazière, comme le Texas, le développement de la production d’énergies renouvelables est en forte hausse.
Selon lui, un retour américain dans l’Accord de Paris « serait néanmoins salué comme une bouffée d’air frais », même s’il faudra du temps pour rebâtir la confiance de la communauté internationale. Chose certaine, la présence de Washington à la table de la COP26 pourrait donner une impulsion « favorable » à la réussite de cette conférence climatique très attendue.