Trump et la consternation du désinfectant

Les propos de Donald Trump ont déclenché un tollé chez les scientifiques.
Photo: Mandel Ngan Agence France-Presse

Les propos de Donald Trump ont déclenché un tollé chez les scientifiques.

Donald Trump n’est pas connu pour sa rigueur scientifique. Mais ses propos confus sur de possibles injections de désinfectant pour lutter contre le coronavirus ont suscité la stupéfaction. « Je ne suis pas médecin, mais je suis le genre de personne qui fonctionne bien d’ici », a lancé jeudi le président américain, en montrant son cerveau, lors d’un breffage sur la COVID-19 particulièrement chaotique.

Après une journée de réactions indignées, le locataire de la Maison-Blanche a participé vendredi à un bref point de presse, mais — fait notable — s’est éclipsé sans avoir répondu à la moindre question. « J’ai du mal à croire que je doive le dire, mais s’il vous plait, ne buvez pas d’eau de Javel », avait tweeté un peu plus tôt Joe Biden, qui sera son adversaire démocrate lors de la présidentielle du 3 novembre.

Je vois que le désinfectant l’assomme [le coronavirus] en une minute. Une minute. Et est-ce qu’il y a un moyen de faire quelque chose comme ça avec une injection à l’intérieur ou presque comme un nettoyage ?

 

Tout est parti de la présentation d’une étude — encore embryonnaire — selon laquelle le nouveau coronavirus s’affaiblit dans une atmosphère chaude et humide ainsi que sous les rayons du soleil. Au cours de ses explications, Bill Bryan, haut responsable gouvernemental, a évoqué rapidement les études en cours sur le rôle que peuvent jouer les désinfectants pour combattre le virus sur certaines surfaces. Mais lors d’une séquence de questions-réponses dont il est friand, le président de la première puissance mondiale a rebondi sur ce thème de façon stupéfiante.

« Je vois que le désinfectant l’assomme [le coronavirus] en une minute. Une minute. Et est-ce qu’il y a un moyen de faire quelque chose comme ça avec une injection à l’intérieur ou presque comme un nettoyage ? » a-t-il dit. Un peu plus tard, il a précisé qu’il parlait « du nettoyage et de la stérilisation de certaines surfaces ». Mais la confusion était semée.

Interrogé vendredi dans le Bureau ovale sur ses propos qui ont suscité un tollé, M. Trump a assuré qu’il s’était exprimé de façon « sarcastique ». Un peu plus tôt, sa porte-parole Kayleigh McEnany avait avancé une autre explication, affirmant que les mots du locataire de la Maison-Blanche avaient été « sortis de leur contexte ». « Le président Trump a déclaré maintes fois que les Américains devaient consulter leur médecin au sujet des traitements pour le coronavirus, un point sur lequel il a encore insisté pendant le breffage d’hier », avait-elle déclaré.

Le fabricant du désinfectant Lysol, utilisé par des dizaines de millions d’Américains, s’est senti obligé de faire une mise au point écrite « en raison des conjectures intenses et de l’activité sur les réseaux sociaux ». « Nos produits désinfectants ne doivent, en aucune circonstance, être administrés dans le corps humain (que ce soit par injection, ingestion ou par quelque autre voie). »

La chef démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’est indignée du fait que le président des États-Unis « demande aux gens de s’injecter du Lysol dans les poumons ». « Cela démontre combien les républicains rejettent la science », a-t-elle ajouté.

Propos gênants


Les images de la gêne manifeste de la Dre Deborah Birx, membre de la cellule de crise de la Maison-Blanche, assise près du président pendant ses déclarations, ont fait le tour des réseaux sociaux. Pour Brett McGurk, ancien émissaire pour la lutte contre le groupe EI, qui a travaillé pour Barack Obama puis Donald Trump avant de démissionner, ces images étranges résument la difficulté — voire l’impossibilité — d’occuper un rôle de premier plan auprès de Donald Trump. « Si vous êtes conseiller de haut niveau, votre intégrité est mise à rude épreuve », a-t-il souligné.
 

L’ancien homme d’affaires de New York n’en est pas à sa première polémique liée à ses propos sur de possibles traitements face à cette pandémie qui a fait plus de 51 000 morts aux États-Unis. Après avoir longtemps vanté avec un enthousiasme débordant les possibles effets de la chloroquine, un antipaludéen qu’il a qualifié de possible « don du ciel », il s’est fait plus discret ces derniers temps.

Jour après jour, c’est la légèreté avec laquelle il évoque différentes pistes au mépris de toute rigueur scientifique, et au risque de susciter de faux espoirs, qui provoque la consternation dans la communauté médicale. « Il y a une rumeur, une très belle rumeur, selon laquelle vous allez au soleil ou vous avez chaud et cela a un impact sur d’autres virus. Mais cette fois, cela vient d’un des plus grands laboratoires du monde », a-t-il ainsi avancé jeudi en évoquant l’étude présentée quelques minutes plus tôt.

Lorsqu’un journaliste du Washington Post lui a fait remarquer que sa parole avait un poids particulier, que les Américains qui regardent le breffage quotidien étaient en quête d’informations et de conseils, pas de rumeurs, M. Trump a explosé. « Je suis le président et vous êtes fake news ! » a-t-il dit.

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