Le coronavirus fait tousser la campagne à l’investiture démocrate

C’est désormais le sujet de l’heure. Celui qui éclipse tous les autres. Or, en s’invitant aussi dans la course à l’investiture démocrate, le coronavirus force désormais les trois derniers candidats dans la course, Joe Biden, Bernie Sanders et Tulsi Gabbard, à réorganiser leurs campagnes afin de composer avec la peur induite par la COVID-19, tout comme avec les interdictions de rassemblement de masse décrétées dans plusieurs États. Un cadre bouleversé par cette crise sanitaire, devenue sociale, et dont certains risquent au final de souffrir plus que d’autres.
« Avec le coronavirus, le défi devient encore plus grand pour Bernie Sanders, qui doit absolument changer la dynamique de la campagne pour se maintenir dans la course, résume à l’autre bout du fil Vincent Raynauld, spécialiste de la communication politique à l’Emerson College de Boston. Le problème, c’est que, pour atteindre cet objectif, il doit interagir avec les électeurs, tenir des rassemblements, attirer l’attention des médias, ce que le coronavirus est largement en train de compromettre. »
« L’effet politique de ce virus, c’est qu’il vient de figer sur place la campagne de Bernie Sanders, qui n’était désormais debout que sur une seule jambe », a exposé jeudi à l’Associated Press (AP) le stratège politique Steve Schmidt, qui a vécu une situation presque similaire en 2008 lorsqu’il travaillait comme conseiller de John McCain. Le candidat républicain avait vu sa campagne électorale contre Barack Obama passablement bouleversée par la crise financière. « On ne peut pas faire de révolution sans rassemblement politique. »
Mardi, au nom de la santé publique, Bernie Sanders et Joe Biden ont en effet annulé leurs grands rassemblements de campagne prévus à Cleveland, en Ohio, où les primaires se poursuivent la semaine prochaine et où leurs fidèles devaient recevoir les résultats des derniers votes tenus dans six autres États cette semaine.
Le sénateur du Vermont y a d’ailleurs fait piètre figure en remportant le plus petit, le Dakota du Nord, et en cédant les plus symboliques à l’ancien vice-président : le Michigan, qu’il avait pourtant remporté face à Hillary Clinton en 2016, le Missouri et le Mississippi. Biden a remporté également l’Idaho et a pris les devants jeudi dans l’État de Washington, où le décompte final ne sera officialisé par les autorités locales que le 27 mars prochain.
L’effet politique de ce virus, c’est qu’il vient de figer sur place la campagne de Bernie Sanders, qui n’était désormais debout que sur une seule jambe
Réduire les déplacements
Le coronavirus vient également de donner de la fièvre aux organisateurs du prochain débat entre les deux candidats qui mènent dans la course, le premier face-à-face télévisé de cette campagne entre Biden et Sanders. Après avoir décidé mercredi de tenir cet événement sans public, ils ont également annoncé jeudi que le duel allait être déplacé de Phoenix en Arizona, où il devait se tenir, à Washington. La mesure vise à limiter les déplacements des candidats et des membres de leurs équipes et ainsi les risques de contamination et de propagation du virus sur le territoire américain. « Par prudence, et afin de réduire les déplacements à travers le pays, toutes les parties ont décidé que la meilleure voie à suivre était de tenir le débat de dimanche au studio de CNN à Washington, sans public en direct », a expliqué la porte-parole du Comité national démocrate, Xochitl Hinojosa.
Pour l’ancien porte-parole de la campagne d’Hillary Clinton, Jesse Ferguson, « si le coronavirus a l’effet durable que nous craignons tous, il va remodeler de façon importante le déroulement de la campagne présidentielle, a-t-il dit à l’Associated Press. La politique repose de manière fondamentale sur les contacts entre les dirigeants et les personnes qu’ils représentent. Si une pandémie empêche cela, elle affectera la manière de faire campagne, de frapper aux portes, de faire des rassemblements et finalement de faire de la politique de proximité. »
Priorités mouvantes
« Les choses bougent très vite, dit Vincent Raynauld. Désormais, on parle plus du virus que de la campagne, ce qui complique également le travail des candidats pour attirer l’attention des médias. »
Joe Biden et Bernie Sanders l’ont bien compris jeudi en plaçant le virus au coeur de leur campagne, au lendemain de la déclaration confuse du président Donald Trump depuis le Bureau ovale de la Maison-Blanche. L’ancien vice-président, qui cherche à faire évoluer sa campagne pour que Donald Trump devienne son seul opposant, à la place de Bernie Sanders, a tenté de s’imposer comme présidentiable en exposant son plan pour affronter la pandémie. La gratuité du test de dépistage et l’implantation de 10 cliniques mobiles par État, dont certaines accessibles sur le modèle du service au volant, en font partie. « Malheureusement, ce virus a mis à nu les graves lacunes du gouvernement actuel, a-t-il déclaré depuis Wilmington, au Delaware. Les craintes du public sont aggravées par un manque de confiance généralisé en ce président. »
« En ce qui concerne le nombre de morts potentielles et l’impact sur notre économie, la menace que représente le coronavirus est équivalente à celle d’une guerre, a dit pour sa part Bernie Sanders, et nous devons y faire face en conséquence. »
Cette intrusion du virus dans la course démocrate semble animer les discussions de couloirs entre plusieurs membres du Parti démocrate, qui espèrent que le sénateur du Vermont va prendre rapidement acte de ces dernières défaites et de la difficulté qu’il va désormais avoir à les surmonter dans les circonstances pour se retirer de la course, plus tôt que tard. « Je suis sûr que Bernie va faire la bonne chose, a indiqué la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, qui appuie Biden, dans les pages du quotidien politique The Hill. Je sais à quel point c’est difficile, mais je pense que [l’issue de la course] est à peu près décidée maintenant. Il est temps pour lui de passer à autre chose. »
L’UE fustige l’interdiction d’entrée décrétée par Trump
Bruxelles — L’Union européenne (UE) a fustigé jeudi la décision de Donald Trump d’interdire aux Européens d’entrer aux États-Unis, afin de limiter l’épidémie de coronavirus, une mesure qui devrait profondément affecter l’économie de l’Union déjà mise à mal par le virus. La méthode du président américain a une fois de plus choqué la Commission européenne et le Conseil européen, qui n’ont été informés de sa décision qu’au moment de son annonce. En outre, la logique de M. Trump est jugée déconcertante. Les autorités américaines ont en effet fermé leur pays aux seuls ressortissants de l’espace Schengen, épargnant le Royaume-Uni, même si le pays (qui a quitté l’UE fin janvier) compte plus de cas que de nombreux pays de l’Union. L’Irlande, pays hors espace Schengen, n’est elle aussi pas concernée par cette interdiction. Les avis scientifiques suggèrent que les restrictions de voyage sont inefficaces, alors que le virus est déjà présent presque partout dans le monde, ont souligné les dirigeants européens. « Le coronavirus est une crise mondiale, qui n’est pas limitée à un continent et qui requiert de la coopération plutôt qu’une action unilatérale », ont déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et celui du Conseil, Charles Michel, dans un communiqué commun. « L’Union européenne prend des actions fortes pour limiter la propagation du virus », ont-ils assuré.Agence France-Presse