Malgré les défaites, Bernie Sanders reste dans la course

Bernie Sanders a commenté les derniers résultats, mercredi.
Photo: Joseph Prezioso Agence France-Presse Bernie Sanders a commenté les derniers résultats, mercredi.

Blessé, mais toujours pas vaincu. Au lendemain d’une nouvelle série de défaites au Michigan, au Missouri, au Mississippi et en Idaho, Bernie Sanders a annoncé mercredi qu’il restait dans la course à l’investiture démocrate, même si la distance qui vient de se creuser entre Joe Biden et lui devient de plus en plus difficile à combler. Le sénateur du Vermont a également mis en garde l’establishment démocrate qu’une « victoire dans le futur » ne pouvait pas s’obtenir « sans les électeurs qui représentent l’avenir », soit les Américains de moins de 40 ans qui composent une forte part de sa base électorale, a-t-il rappelé lors d’une courte conférence de presse tenue à Burlington au Vermont où il s’est replié mardi soir, pendant le dépouillement des urnes.

« La nuit dernière, évidemment, n’a pas été une bonne soirée dans notre campagne, a reconnu Bernie Sanders qui, dans un geste sans précédent depuis le début de la course, n’avait pas pris la parole publiquement mardi soir pour commenter le résultat des dernières primaires tenues dans six États. Nous avons perdu, si l’on calcule le nombre de délégués, mais sondages après sondages, y compris ceux effectués à la sortie des urnes, nous voyons qu’une grande majorité d’Américains appuie notre programme progressiste ».

Mardi, le candidat de gauche, socialiste autoproclamé, a décroché le Dakota du Nord, le plus petit État de la dernière série de votes, mais a surtout, malgré les appuis qu’il revendique, enregistré une défaite hautement symbolique au Michigan, le « grand prix » de la soirée, face à un Joe Biden qui a confirmé une nouvelle fois son titre de meneur dans la course. En 2016, Sanders avait défait Hillary Clinton dans cet État du Midwest alors que les sondages de l’époque prédisaient l’inverse.

« Le résultat de mardi soir montre que Biden est beaucoup plus fort qu’Hillary Clinton dans toutes les régions du pays, mais également parmi tous les groupes démographiques contre Bernie Sanders », résume à l’autre bout du fil Jeff Link, un influent stratège démocrate joint en Iowa par Le Devoir. « Le sénateur du Vermont a désormais très peu d’endroits vers lesquels se tourner pour espérer une victoire », ajoute-t-il.

Les primaires, qui se déplacent la semaine prochaine en Floride, en Illinois, en Ohio et en Arizona n’annoncent en effet rien de bon pour lui, puisqu’il y avait perdu en 2016. Ses chances de remporter la Géorgie fin mars, un État où l’électorat afro-américain, plus réceptif à la candidature de Biden, est très représenté, sont également très minces.

Est-ce le début de la fin de partie qui vient de sonner pour Sanders ? « Cela ne ressemble pas au début d’autre chose », commente toutefois l’historien Jean-Pierre Le Glaunec, spécialiste de l’histoire américaine à l’Université de Sherbrooke. « Les astres ne sont pas alignés pour que Sanders rivalise avec Biden en 2020, comme il l’avait fait face à Hillary Clinton en 2016. »

Le résultat des primaires de cette semaine a en effet confirmé la difficulté de Bernie Sanders de rallier l’électorat afro-américain qui a massivement donné du carburant à la campagne de Joe Biden. Sans cette frange de la population, une victoire des démocrates à la présidentielle est mathématiquement impossible. Au Mississippi, 75 % d’entre eux ont accordé leur vote à l’ancien vice-président. Chez les Afro-Américains de 60 ans et plus, l’appui a été de 96 %.

« Bernie Sanders bénéficie d’un électorat jeune, latino et habitant dans les grands centres urbains, dit M. Le Glaunec, mais, comme en 2016, il n’arrive pas à séduire le vote noir sudiste, pourtant crucial, dans une présidentielle. Son discours sur la lutte des classes transcende les facteurs ethniques et raciaux. C’est une approche louable, mais cet argument de classe passe difficilement auprès de cet électorat, plus conservateur. »

Au Michigan, Sanders, devancé de plus de 16 points par Joe Biden, n’a par ailleurs pas profité de la poussée d’un vote jeune qui ne s’est pas exprimé dans les proportions espérées et encore moins du vote des cols-bleus, courtisé par les démocrates depuis les années 80, et qui cette année semble s’être davantage exprimé en faveur de la candidature de Joe Biden.

Après un départ pas très convaincant en Iowa et au New Hampshire, suivi par une victoire significative en Caroline du Sud confirmée lors de la soirée du super mardi, l’ancien vice-président américain est à l’origine d’un « revirement incroyable », estime Jeff Link. « Joe Biden comptait beaucoup sur le soutien des Afro-Américains, en particulier en Caroline du Sud. Ils l’ont soutenu dans les jours les plus sombres de sa campagne et en deux semaines à peine, il a réussi à vaincre ses concurrents et à consolider une majorité au sein du parti. Cela témoigne de sa détermination et de son endurance. »

En 2004, lors des primaires démocrates, John Kerry avait également réussi à créer une telle surprise en passant de candidat invisible en décembre — les sondages lui accordaient moins de 7 % des intentions de vote —, à grand vainqueur du caucus de l’Iowa moins de deux mois plus tard. La chute d’Howard Dean, candidat populiste de gauche du Vermont qui s’était pourtant imposé comme le meneur de la course les mois précédents, avait par la suite facilité son ascension jusqu’au sommet de l’investiture.

Dimanche soir à Phoenix, en Arizona, Bernie Sanders et Joe Biden vont croiser le fer lors du premier débat à deux dans cette course à la présidentielle. Le sénateur du Vermont a promis mercredi après-midi de remettre en question son opposant sur sa capacité à réduire les inégalités, à combattre la pauvreté et à assurer une protection sociale pour tous aux États-Unis. En 2016, alors qu’une victoire était de moins en moins probable, Bernie Sanders était resté malgré tout dans la course jusqu’à la toute fin des primaires, en juin, contribuant ainsi à entretenir les divisions au sein du parti. Cette insistance lui avait d’ailleurs été reprochée, car on soupçonne qu’elle a affaibli la candidature démocrate juste avant la joute finale avec Donald Trump.

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