La NRA qualifiée d’organisation terroriste par San Francisco

À l’autre bout du fil, l’homme rigole quand on lui parle de la résolution adoptée mardi soir par la Ville de San Francisco qui désigne désormais la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes à feu aux États-Unis, comme une « organisation de terrorisme intérieur ».
« C’est une très bonne idée », laisse tomber Gilles Rousseau, père de l’enseignante Lauren Rousseau qui a perdu la vie, avec 25 autres hommes, femmes et enfants, dans la tuerie de l’école primaire Sandy Hook en 2012. Le Devoir l’a joint jeudi au Connecticut où ce Québécois d’origine vit depuis plusieurs années. « Ni Washington, ni le Congrès n’arrivent à réduire la prolifération d’armes à feu et à enrayer les tueries qui se produisent presque quotidiennement ici. Cette démarche est un petit pas, mais un pas qui va dans la bonne direction ».
Les instances politiques fédérales ont été pointées du doigt à plusieurs reprises pour leur indolence en matière contrôle des armes à feu. En février dernier, deux projets de loi visant à les encadrer ont été adoptés par la chambre basse du Congrès. Ils n’ont toutefois jamais été inscrits à l’ordre du jour du Sénat par le chef de la majorité républicaine, Mitch McConnell.
«Désinformation»
C’est dans ce contexte que le conseil de surveillance de San Francisco, composante législative du gouvernement de la ville et du comté, a voté à l’unanimité cette semaine un texte qui dénonce l’influence de la NRA et sa contribution dans l’entretien de la terreur sur le territoire américain par son engagement envers le commerce d’armes à feu.
La NRA existe pour diffuser de la désinformation et mettre sciemment des armes entre les mains de ceux qui pourraient nous nuire et nous terroriser
« La NRA existe pour diffuser de la désinformation et mettre sciemment des armes entre les mains de ceux qui pourraient nous nuire et nous terroriser, a résumé l’élue démocrate Catherine Stefani, à l’origine de la démarche qui s’inscrit plus d’un mois après la fusillade qui s’est produite lors du Festival de l’ail de Gilroy en Californie. C’était le 28 juillet dernier. 4 personnes, dont le tueur de 19 ans armé d’une arme automatique, y ont perdu la vie. 13 autres ont été blessées.
« Il est temps de débarrasser ce pays de la NRA et de les appeler pour ce qu’ils sont vraiment : il s’agit d’une organisation terroriste nationale », a- t-elle ajouté.
«Geste de communication»
Mercredi, ladite organisation a réagi avec vigueur en dénonçant sur Twitter « un geste de communication » qui « vise à détourner les regards sur les problèmes avec lesquelles San Francisco doit composer, comme la hausse de l’itinérance, de l’abus de drogue et de la petite criminalité ».
La multiplication des tueries de masse aux États-Unis met le lobby des armes dans la ligne de mire d’un nombre croissant d’États, de gouvernements locaux et d’entreprises depuis le début de l’année. Mardi, le géant Walmart a annoncé la fin de la vente de munitions pour armes semi-automatiques, utilisées dans la plupart des récentes tueries, et demandé à ses clients de ne plus exhiber leur arme à la ceinture dans ses magasins, là où la loi le permet. Une décision dénoncée par la NRA.
La résolution de San Francisco, même si elle n’a qu’une portée symbolique, pourrait devenir une source d’inspiration pour d’autres villes. Le conseil les appelle d’ailleurs à lui emboîter le pas et demande au passage aux États et au gouvernement fédéral d’adopter également des résolutions pour définir la NRA comme vecteur du terrorisme intérieur.
Une idée soutenue par M. Rousseau. « Depuis plusieurs années, je ne fais plus de politique sur ces questions, assure-t-il. Mais je les encourage bien sûr à aller dans cette voie ».