Femmes et diversité pour s’opposer à Donald Trump

Diversité, féminité et changement de garde. Près d’un an avant le début des primaires visant à choisir l’opposant à Donald Trump dans les troupes démocrates pour la présidentielle de 2020, les premières candidatures qui s’annoncent depuis quelques jours témoignent autant d’un appel au renforcement de l’unité nationale et d’un rajeunissement de la classe politique que d’une opposition viscérale au style ravageur de l’actuel occupant de la Maison-Blanche.
Une tendance renforcée d’ailleurs lundi avec l’entrée dans la course de la sénatrice californienne Kamala Harris, deuxième Afro-Américaine à avoir été élue au Sénat américain 25 ans après Carol Moseley Braun, et ex-procureure générale de Californie. La politicienne de 54 ans a déjà évoqué le besoin pour les États-Unis de leaders ayant « une vision du pays dans laquelle tout le monde peut se reconnaître ». Sa candidature suit de près celles d’autres femmes, dont l’influente Elizabeth Warren du Massachusetts, Kirsten Gillibrand de New York ou encore Tulsi Gabbard d’Hawaï.
Avec des élections de mi-mandat qui ont fait entrer un nombre record de femmes, dont plusieurs issues de la diversité culturelle des États-Unis, ce début de configuration des forces démocrates, en prévision de la présidentielle, reste dans le ton, estime au téléphone Vincent Raynauld, professeur de communication à l’Emerson College de Boston. « Les propos “divisifs” de Donald Trump, ses attaques contre les minorités, contre les femmes tout comme le mouvement #MeToo ont agi comme des forces mobilisatrices au sein du parti démocrate », dit-il. « Les candidatures devraient encore se multiplier dans ce sens en vue des primaires démocrates, ce qui, pour plusieurs d’entre eux, va rendre difficile la possibilité de se faire voir, se faire entendre pour se démarquer. »
L’enjeu de la visibilité est de taille pour Kamala Harris, démocrate plus libérale, qui pourrait rester dans l’ombre d’Elizabeth Warren, candidate d’envergure, qui se tient elle aussi dans l’aile gauche du parti. Pour leur part, Kirsten Gillibrand et Tulsi Gabbard incarnent davantage les valeurs plus conservatrices des démocrates.
À preuve : à peine lancée dans la course, Kirsten Gillibrand, une proche de la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes à feu aux États-Unis, vient en effet d’être rattrapée par des prises de position passées sur l’expulsion expéditive des immigrants illégaux et sur son opposition ferme à leur accorder une amnistie. Elle se dit désormais plus « libérale » sur ces sujets et affirme s’être lancée dans la course pour « faire revenir la démocratie » dans son pays.
CNN a par ailleurs rappelé la semaine dernière au bon souvenir de l’actualité politique l’engagement de Tulsi Gabbard dans un organisme opposé aux droits des homosexuels et au mariage entre personnes de même sexe dirigé par son père. Un passé dont la candidate s’est excusée la semaine dernière, appelant les électeurs à surveiller ces gestes et ses propos qui témoignent désormais de son détachement du milieu et des idées conservatrices qui ont bercé sa jeunesse et de ses nouveaux combats pour l’égalité.
Un jour opportun
Kamala Harris, une fille d’immigrants née d’un père jamaïcain et d’une mère indienne — son prénom veut dire « lotus » en sanskrit —, cherche à affirmer une voix inclusive, elle aussi, et ne semble pas avoir choisi au hasard la journée pour l’annonce de sa candidature, soit le Jour de Martin Luther King, férié aux États-Unis. Elle marche également sur les traces de Shirley Chisholm qui, il y a 47 ans cette semaine, est devenue la première femme à se présenter comme candidate à l’investiture démocrate pour les élections de 1972 face à George McGovern qui a mené le parti à la défaite face à Nixon cette année-là.
Le premier rassemblement de la campagne de Mme Harris doit se tenir vendredi en Caroline du Sud, un État où l’électorat afro-américain est très influent dans les primaires démocrates.
Les propos “divisifs” de Donald Trump, ses attaques contre les minorités, contre les femmes tout comme le mouvement #MeToo ont agi comme des forces mobilisatrices au sein du parti démocrate
Anecdote : Mme Harris a vécu quelques années à Montréal, dans les années 1970, alors que sa mère était professeure à l’Université McGill et chercheuse à l’Hôpital général juif de Montréal.
« Une nouvelle génération est en train de s’approcher du pouvoir, résume Vincent Raynauld. Les Clinton, les Bush ont été les derniers membres des dynasties politiques aux États-Unis » et l’après est bel et bien en train de se définir, du côté démocrate, autant avec des forces neuves que des vieux routiers de la politique, qui devraient prendre part également à cette course vers la présidentielle de 2020.
Tensions entre générations
L’entrée dans la course de nouvelles figures politiques comme Kamala Harris, Tulsi Gabbard, Kirsten Gillibrand ou encore Julián Castro, ex-maire de San Antonio, au Texas, et ex-secrétaire au Logement et au Développement urbain qui a officialisé sa candidature la semaine dernière, n’en est qu’à ses débuts, si l’on se fie à la liste des autres démocrates qui envisagent de leur emboîter le pas. Parmi eux, Cory Booker, 49 ans, ex-maire de Newark et sénateur du New Jersey, Sherrod Brown, 66 ans, sénateur de l’Ohio, Amy Klobuchar, 58 ans, sénatrice du Minnesota ou encore Beto O’Rourke, 46 ans, ex-élu du Texas à la Chambre des représentants — battu par Ted Cruz aux dernières législatives — qui mesurent leurs appuis et devraient faire connaître leurs intentions dans les prochaines semaines.
Ces aspirants présidents vont devoir croiser le fer avec des candidats plus expérimentés, comme, outre Elizabeth Warren, Bernie Sanders, ex-candidat déchu aux primaires démocrates et sénateur du Vermont, qui pourrait se relancer dans la course en vue des élections de 2020, l’ex-vice-président Joe Biden et l’ex-maire de New York Michael Bloomberg.
Dans cette course à venir, les candidats plus jeunes, « qui utilisent efficacement les réseaux sociaux », vont réussir à se faire connaître, assure Vincent Raynauld en rappelant que l’outil de communication, s’il reste important en campagne, ne peut pas devenir central pour faire avancer la cause d’un candidat, ses idées, ses valeurs qui le distinguent des autres. Cette mise en valeur passant aussi par le terrain ou les médias traditionnels. Entre autres.
Et le chemin à parcourir est encore long pour plusieurs. La semaine dernière, la candidature de Kamala Harris a reçu l’appui de 36 % des répondants à un sondage conduit pour le compte de NPR/PBS, derrière Beto O’Rourke (39 %), Cory Booker (40 %), Elizabeth Warren (53 %), Bernie Sanders (57 %) et Joe Biden (76 %). Plus de la moitié des personnes sondées disaient toutefois « ne pas la connaître ». Une inexistence dans l’esprit des électeurs que vont devoir surmonter aussi Kirsten Gillibrand (65 % disent ne pas la connaître), Amy Klobuchar (71 %) et Julián Casto (72 %) avant le grand jour.