Les partis divisés jusque dans leurs candidatures

Le choix auquel les électeurs américains devront faire face, mardi, aux élections de mi-mandat, est illustré de façon frappante par la bataille pour le contrôle de la Chambre des représentants.
Les démocrates comptent en effet sur un nombre historique de femmes et de candidats issus des minorités pour retrouver la mainmise sur la chambre basse du Congrès américain, tandis que les républicains tentent de garder leur majorité avec des candidats qui sont pour la plupart des hommes blancs.
Cette disparité met en lumière un phénomène amplifié par la présidence de Donald Trump, alors que les deux partis sont de plus en plus divisés sur le genre et les questions raciales autant que sur les autres enjeux politiques.
Au terme d’une saison électorale se déroulant sur fond de menaces à la bombe, de violences et de débats sur l’immigration, les partis proposent aux électeurs des images tout à fait différentes du leadership américain.
Les démocrates ont présenté plus de 180 candidates à la Chambre, un record. Si une centaine d’entre elles pourraient être élues, les républicains pourraient compter moins de femmes que maintenant dans leurs rangs l’année prochaine en raison de départs à la retraite et de courses difficiles, selon des experts des élections.
Au total, près de neuf républicains de la Chambre sur dix seront des hommes blancs lorsque le nouveau Congrès se réunira en janvier.
Les divisions raciales sont encore plus frappantes. Les républicains de la Chambre comptent maintenant un peu plus d’une douzaine de membres issus des minorités, nombre qui ne devrait pas beaucoup changer après les élections.
L’absence de minorités devient une évidence lorsque les républicains de la Chambre se réunissent en grand groupe, comme ils l’avaient fait en décembre dernier lorsqu’ils ont célébré l’adoption de la réforme fiscale de Donald Trump à la Maison-Blanche.
En guise de comparaison, les élus afro-américains, latinos et asiatiques représentent près de la moitié du caucus démocrate à la Chambre. Et pour la première fois, moins de la moitié des candidats démocrates à la Chambre sont des hommes blancs, et le parti pourrait même faire élire les premières candidates autochtones et musulmanes.
Après les élections de mardi, il est probable que 87 pour cent des républicains à la Chambre soient des hommes blancs, contre 37 pour cent pour les démocrates, a déclaré David Wasserman, qui analyse les courses pour le Cook Political Report.
Une tendance de longue date
Marc Hetherington, professeur de science politique à l’Université de la Caroline du Nord à Chapel Hill, a souligné que cette tendance avait commencé bien avant les élections de cette année.
« Il y a une explication relativement simple : le Parti républicain, au cours des 20 dernières années, est devenu le parti des hommes blancs », a-t-il soutenu.
De leur côté, « les démocrates sont désormais considérés comme le parti des minorités », a-t-il ajouté.
L’écart de diversité entre les partis s’est creusé depuis les batailles des droits civiques dans les années 1960, lorsque les électeurs blancs se sont tournés vers les républicains et que l’appui des Afro-Américains au sein du parti s’est effondré.
Les républicains ont commencé à attirer plus de votes du côté des minorités, en particulier chez les Latinos, après leur défaite électorale en 2012, mais M. Trump a changé cette stratégie politique en 2016, montrant qu’ils pouvaient gagner en retirant les électeurs blancs aux démocrates. Maintenant, la coalition du président est mise à rude épreuve.
Après avoir mené un sondage dans 72 districts de la Chambre des représentants où la lutte est serrée, le Cook Political Report et la LSU Manship School ont conclu que les élections « ressemblent à celles de 2010, mais à l’inverse ».
Près de la moitié des Américains, soit 49 %, se sentent frustrés par la présidence de Donald Trump. C’est la même proportion que ceux ayant déclaré se sentir frustrés par le président Barack Obama lors des élections de mi-mandat de 2010, lorsque les démocrates avaient perdu leur majorité.
Une chambre vraiment représentante ?
Les politologues débattent à savoir si le faible taux d’approbation du Congrès, qui est maintenant de 21 pour cent, pourrait expliquer pourquoi les élus ne sont pas le miroir de la population qu’ils représentent, a indiqué Matt Barreto, un professeur de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) qui travaille également à mobiliser les Latinos pour ce cycle électoral.
Même si la Chambre des représentants est l’institution politique américaine qui correspond le plus à la composition de la population du pays, elle demeure toujours majoritairement blanche et la représentation est inégale entre les partis.
« Tout le monde veut un représentant de sa communauté pour défendre ses problèmes. C’est l’essentiel : ce sont des représentants », a indiqué M. Barreto, en faisant référence à la Chambre.
Les démocrates ont besoin d’obtenir 23 sièges de plus pour reconquérir la Chambre des représentants aux élections de mardi. L’enthousiasme semble être de leur côté, surtout sur le plan du financement, mais on ne sait pas si toute cette énergie sera suffisante pour gagner les districts qui ont basculé en faveur de Donald Trump en 2016 ou qui ont toujours préféré les républicains.
Le résultat pourrait dépendre des banlieues, où les démocrates espèrent profiter d’un ressac des électeurs contre M. Trump et les politiques des républicains.
Une course très serrée s’annonce à l’extérieur de Richmond, en Virginie, où se présente le représentant républicain sortant, Dave Brat, autrefois favori du Tea Party, cette faction radicale du parti. Il fait face à une adversaire de taille, l’ancienne agente de la CIA Abigail Spanberger.
M. Brat faisait campagne pendant la fin de semaine à une fête de la citrouille à Innsbrook.
Il y avait là-bas une partisane de Donald Trump, Jen Dodge, qui s’est dite d’accord pour amener plus de diversité au Congrès. Mais en tant qu’agente de recrutement, elle souhaite également que la meilleure personne gagne. Et elle apprécie ce que le président et le Congrès républicain ont fait pour l’économie, notamment avec les baisses d’impôts.
« Nous avons vraiment besoin de personnes au Congrès qui parlent pour les gens », a-t-elle déclaré. Brat, dit-elle, « fait ce qu’il dit qu’il va faire ».
À quelques pas de là, à un rassemblement pour Mme Spanberger, l’optométriste Lisa Bennett a dit vouloir des élus à l’écoute des électeurs.
« Les Américains sont frustrés », a-t-elle déclaré, rappelant les manifestantes qui ont affronté des sénateurs au sujet de la confirmation du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême.
« Vous ne devriez pas être obligé de vous tenir dans un ascenseur et de crier à la tête de votre représentant. »