Washington, Paris et Londres passent à l’attaque en Syrie

Le président américain, Donald Trump, lors de sa déclaration sur la Syrie, vendredi soir, à la Maison-Blanche
Photo: Mandel Ngan Agence France-Presse Le président américain, Donald Trump, lors de sa déclaration sur la Syrie, vendredi soir, à la Maison-Blanche

Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont mené samedi des frappes ciblées contre la Syrie pour punir le régime de Bachar al-Assad, accusé par Donald Trump d’avoir mené des attaques chimiques « monstrueuses ».
 

Au moment même où le président américain s’exprimait depuis la Maison-Blanche, des détonations étaient entendues à Damas, marquant un nouveau chapitre dans ce pays ravagé par une guerre sanglante qui dure depuis sept ans.
 

Selon un correspondant de l’AFP sur place, plusieurs explosions successives ont été entendues, suivies par des bruits d’avions, tandis que des colonnes de fumée s’élevaient du nord-est de la ville.
 

« J’ai ordonné aux forces armées des États-Unis de lancer des frappes de précision sur des cibles associées aux capacités du dictateur syrien Bachar al-Assad en matière d’armes chimiques », a lancé M. Trump.
 

« Une opération combinée est désormais en cours avec la France et le Royaume-Uni, nous les remercions tous les deux », a-t-il ajouté.
 

La défense antiaérienne syrienne est entrée en action contre « l’agression américaine, britannique et française », a rapporté la télévision d’État syrienne.
 

Le régime syrien a jugé que cette opération militaire constituait une violation « flagrante » du droit international et était « vouée à l’échec ».
 

La Russie, soutien indéfectible du régime de Damas, a vivement réagi par la voix de son ambassadeur aux États-Unis, Anatoli Antonov. « Nos mises en garde n’ont pas été entendues », a-t-il estimé, jugeant que ces frappes étaient une « insulte » au président russe, Vladimir Poutine.

Cibles visées

 

Selon le général Joe Dunford, chef d’état-major américain, les forces occidentales ont visé samedi à 1 h (heure locale) trois cibles liées au programme d’armement chimique syrien, l’une près de Damas et les deux autres dans la région de Homs, dans le centre de la Syrie.
 

Il a précisé qu’aucune autre opération militaire visant la Syrie n’est prévue à ce stade.

Selon lui, les alliés ont pris soin d’éviter de toucher les forces russes, massivement présentes dans le pays, mais affirme que Moscou n’avait pas été averti des cibles choisies.
 

« Il est clair que le régime Assad n’avait pas reçu le message l’an dernier », a déclaré le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, rappelant la frappe américaine d’avril 2017 sur la base militaire d’Al-Chaayrate, près de Homs, après une autre attaque à l’arme chimique imputée à Damas.
 

« Nous avons été très précis et la réponse était proportionnée, mais, en même temps, ce fut une frappe lourde », a-t-il ajouté, précisant que les forces américaines avaient employé deux fois plus de munitions que l’an dernier.
 

Aucune perte américaine n’a été rapportée lors de l’opération, selon le Pentagone.
 

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), des centres de recherche scientifique, « plusieurs bases militaires » et des locaux de la garde républicaine à Damas et ses environs ont été pris pour cibles.
 

De Londres, la première ministre britannique, Theresa May, a affirmé qu’il n’y avait « pas d’autre option que l’usage de la force », assurant que « tous les recours diplomatiques » avaient été explorés, en vain.
 

Le ministère britannique de la Défense a annoncé avoir frappé, à l’aide de quatre avions de chasse Tornado GR4 de la Royal Air Force, un « complexe militaire » près de Homs, à l’ouest de la Syrie. Il a parlé d’une opération « couronnée de succès ».

J’ai ordonné aux forces armées des États-Unis de lancer des frappes de précision sur des cibles associées aux capacités du dictateur syrien Bachar al-Assad en matière d’armes chimiques


Armes chimiques syriennes
 

Depuis Paris, le président français, Emmanuel Macron, a souligné que les frappes françaises étaient « circonscrites aux capacités du régime syrien permettant la production et l’emploi d’armes chimiques ».
 

« Nous ne pouvons pas tolérer la banalisation de l’emploi d’armes chimiques », a-t-il martelé.
 

Donald Trump a mis en garde l’Iran et la Russie, qui ont déployé des milliers d’hommes et du matériel pour aider Bachar al-Assad à reconquérir le pays, contre leurs liens avec la Syrie.
 

M. Trump a exhorté Moscou « à quitter la voie sinistre » du soutien à Bachar al-Assad. Il a affirmé que la Russie avait « trahi ses promesses » de 2013 sur l’élimination des armes chimiques syriennes.
 

Il a aussi estimé que le sort des pays de la région était entre les mains de leurs habitants et qu’aucune intervention militaire américaine ne pourrait, à elle seule, apporter une « paix durable ».

Nous ne pouvons pas tolérer la banalisation de l’emploi d’armes chimiques

En avril 2017, Donald Trump avait fait bombarder une base militaire syrienne, en riposte à une attaque au gaz sarin imputée au régime, qui avait tué plus de 80 civils à Khan Cheikhoun (au nord-ouest du pays).
 

Cette fois encore, c’est une attaque chimique présumée — le samedi 7 avril à Douma, près de la capitale syrienne — qui est à l’origine des frappes déclenchées dans la nuit de vendredi à samedi après une mobilisation de la communauté internationale, déjà saisie par l’horreur d’une guerre civile qui a fait plus de 350 000 morts depuis mars 2011.

Veto russe

 

Le bombardement intervient quelques heures seulement après que le Département d’État a assuré avoir « la preuve » de l’utilisation d’armes chimiques par les forces de Bachar al-Assad.
 

Le président américain avait rapidement adopté une rhétorique belliqueuse après l’attaque, dénonçant dès le lendemain une « attaque chimique insensée », prévenant qu’il faudrait en « payer le prix fort » et pointant du doigt la « responsabilité » de la Russie et de l’Iran soutenant « l’animal Assad ».
 

Le danger est bien là, selon les experts. Russes et Iraniens ont beaucoup d’hommes sur le terrain pour aider Damas à reprendre tout le pays à de multiples groupes rebelles.
 

La Russie, indéfectible soutien au régime de Bachar al-Assad, a fait usage à douze reprises de son veto en sept ans de conflit sur des projets de résolution au Conseil de sécurité contre la Syrie.
 

Selon un bilan à mi-mars de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau d’informateurs à travers la Syrie, 106 390 civils ont été tués, dont près de 20 000 enfants.
 

Dans ce pays qui comptait quelque 23 millions d’habitants avant le conflit, environ la moitié de la population a été contrainte de fuir son foyer en raison des combats.

Avec le bureau de l’AFP à Damas

Le Canada pointe aussi Assad du doigt

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a dit appuyer la décision des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France « de prendre des mesures pour diminuer la capacité du régime Assad de lancer des attaques par armes chimiques contre ses propres citoyens ».
 

Peu de temps avant l’attaque, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, avait pour la première fois pointé le gouvernement syrien du doigt pour l’attaque chimique de la semaine dernière.
 

Or, le gouvernement syrien rejette toute responsabilité et la Russie a même suggéré que le Royaume-Uni ou encore Israël seraient plutôt à blâmer.
 

La ministre Freeland a précisé que le Canada collabore avec des organisations non gouvernementales pour récolter des preuves que des crimes de guerre ont été commis.
 

« Bien sûr, il est important pour le Canada d’être un pays qui agit en se basant sur des faits. Mais il est également important pour nous d’être conscients des tactiques de distraction que certains acteurs mondiaux emploient aujourd’hui, et de ne pas permettre à ces tactiques de fonctionner. »
 

« Nous avons observé une tendance qu’ont les acteurs dans le monde aujourd’hui à se comporter de manière répréhensible, puis à se montrer assez habiles en tentant de brouiller les cartes et de ne pas assumer leurs responsabilités. »


Plus de 100 missiles tirés sur la Syrie

Les États-Unis et leurs alliés ont tiré plus de 100 missiles sur la Syrie, et « un nombre significatif » d’entre eux ont été interceptés par les forces syriennes, a affirmé samedi le ministère russe de la Défense.
 

« Plus de 100 missiles de croisière et missiles air-surface ont été tirés par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France depuis la mer et l’air sur des objectifs syriens militaires et civils », a indiqué le ministère dans un communiqué cité par l’agence de presse officielle RIA Novosti.

« Un nombre significatif » de ces missiles ont été abattus par la défense aérienne syrienne, a ajouté le ministère russe.

Le régime syrien a quant à lui dénoncé une « agression barbare et brutale » des Occidentaux, a rapporté l’agence officielle Sana.
 

Ces frappes visent à « entraver » une mission de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui devait entamer samedi son enquête à Douma sur une attaque chimique présumée, selon Sana. L’agence cite une source au ministère des Affaires étrangères qui accuse les Occidentaux de chercher ainsi à dissimuler « leurs mensonges ».



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