L’ex-p.-d.g. d’ExxonMobil devient chef de la diplomatie américaine

Rex Tillerson, ancien p.-d.g. d’ExxonMobil et nouveau secrétaire d’État américain
Photo: Saul Loeb Archives Agence France-Presse Rex Tillerson, ancien p.-d.g. d’ExxonMobil et nouveau secrétaire d’État américain

L’ex-p.-d.g. d’ExxonMobil Rex Tillerson va prendre les rênes de la diplomatie américaine, mais ce capitaine d’industrie proche du président russe Vladimir Poutine arrive dans un département d’État en quasi rébellion contre Donald Trump.

Ce Texan de 64 ans, dont 41 passés au sein du géant pétrolier américain, va représenter la voix et le visage à l’étranger de la première puissance mondiale après que 56 sénateurs sur 100 l’ont confirmé dans ses fonctions. Quatre démocrates ont apporté leurs voix aux 52 républicains.

Le 69e secrétaire d’État, qui avait été nommé par le président Trump mi-décembre, devrait prêter serment jeudi et s’installer le lendemain au 7e étage de « Foggy Bottom », surnom du gigantesque bâtiment du sud de Washington qui pilote le premier réseau diplomatique et consulaire de la planète et ses 70 000 employés.

Donald Trump, un magnat de l’immobilier aux options de politique étrangère nationalistes et isolationnistes, ne connaissait pas Rex Tillerson jusqu’à ce que d’anciens ministres républicains — l’ex-chef du Pentagone Robert Gates et l’ancienne secrétaire d’État Condoleeza Rice — lui soufflent son nom début décembre.

Novice en politique

Ce mari et père de quatre enfants, qui fut aussi président des scouts américains, est ingénieur de formation, entré à ExxonMobil en 1975 avant d’en gravir tous les échelons jusqu’à en être le grand patron de 2006 au 31 décembre dernier.

Intelligence froide, carrure imposante, voix grave et visage impassible, ce novice complet en politique avait exposé il y a trois semaines, durant neuf heures d’audition au Sénat, sa vision de la politique étrangère de l’Amérique.

De manière inattendue, il s’était démarqué des options diplomatiques de Donald Trump, qu’il s’agisse de la Russie, de la prolifération nucléaire ou du changement climatique.

Bien que proche du président Poutine qui l’avait décoré en 2012-2013 de l’ordre de l’Amitié pour les investissements d’Exxon dans le pétrole russe, Rex Tillerson avait jugé devant le Sénat que Moscou était « un danger » pour l’Europe et l’OTAN et que les États-Unis et la Russie ne seraient « probablement jamais amis ».

Des propos belliqueux qui tranchaient avec ceux conciliants de Donald Trump, qui n’a cessé de louer « l’intelligence » du chef de l’État russe dont il veut se rapprocher.

Conflits d'intérêts?

À l’instar du nouveau président américain, son secrétaire d’État était en revanche resté très évasif sur le maintien des sanctions antirusses prises à partir de 2014 par l’administration de Barack Obama en raison du conflit en Ukraine.

Lors de sa nomination en décembre, des experts s’étaient également émus des conflits d’intérêts pour cet homme d’affaires promu chef de la diplomatie après quatre décennies de carrière chez ExxonMobil, un géant pétrolier présent dans 50 pays, dont la Russie, l’Arabie saoudite, l’Angola ou la Libye.

La multinationale, à la valorisation boursière de quelque 350 milliards de dollars, et son ancien patron ont assuré en janvier qu’ils avaient coupé tous leurs liens. Notamment en ce qui concerne l’actionnariat.

« Insurrection » bureaucratique

Mais en quittant ExxonMobil, Rex Tillerson entre dans un département d’État sous haute tension. Au bord même de l’« insurrection » bureaucratique, a confié un responsable.

Le ministère des Affaires étrangères, passé le 20 janvier sous le pavillon de l’administration Trump, est secoué par une fronde de diplomates et de fonctionnaires contre le 45e président des États-Unis.

Le département d’État a en effet entre les mains depuis mardi, via un canal interne de communication dit « dissident », un mémorandum signé par « environ un millier » de cadres contestataires, selon un diplomate.

Leur texte s’insurge contre le décret que le président Trump a paraphé le 27 janvier et qui suspend l’entrée aux États-Unis de ressortissants de sept pays à majorité musulmane et de réfugiés.

Non seulement, accuse ce mémo « dissident », le décret présidentiel intitulé « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux États-Unis » va « à l’encontre des valeurs fondamentales américaines de non discrimination », mais il ne rendra pas non plus « le pays plus sûr ».

Cette révolte au coeur de l’appareil d’État s’est également traduite par une lettre de protestation d’une centaine d’anciens responsables diplomatiques et militaires démocrates et républicains.

Parmi les frondeurs, Thomas Countryman, qui vient de quitter son poste de secrétaire d’État adjoint, a mis en garde sur la télévision MSNBC le nouveau chef du département d’État : « Si vous ne faites pas confiance à vos fonctionnaires professionnels en matière de politique étrangère, vous finirez par faire de la diplomatie d’amateur. »

À voir en vidéo