Qui est Rex Tillerson, roi du pétrole et nouveau secrétaire d’État?

P.-d.g. d’ExxonMobil, multinationale pétrolière et gazière, le prochain secrétaire d’État des États-Unis entretient de bonnes relations avec le gouvernement russe, ce qui inquiète certains républicains.
Après cinq semaines de suspense et de tweets frénétiques, le nom est enfin tombé. Rex Tillerson est l’heureux gagnant de la loterie Trump pour le poste de secrétaire d’État, un des postes les plus convoités de l’administration américaine.
À 64 ans, le Texan, sans aucune expérience politique, a sur son CV dix ans en tant que p.-d.g. d’ExxonMobil, une des entreprises pétrolière et gazière les plus puissantes au monde. Il affiche 40 ans de présence dans l’entreprise, au sein de laquelle il a gravi les échelons de simple ingénieur de production au sommet. Mais surtout, il a travaillé plusieurs années en Russie, pays avec lequel ExxonMobil a conclu plusieurs contrats pour plusieurs dizaines de milliards de dollars.
Un choix risqué
Ces liens avec Moscou sont tels, que Rex Tillerson a été récompensé par le gouvernement russe, il y a trois ans, de l’Ordre de l’amitié. Alors que la CIA vient tout juste d’affirmer que le gouvernement de Vladimir Poutine a bien interféré dans l’élection présidentielle pour permettre à Donald Trump d’être élu, cette nouvelle nomination inquiète certains élus au Sénat, même dans le camp républicain. Le président Obama et le Congrès ont ouvert des enquêtes sur les allégations de la CIA.
La décision de Trump est périlleuse car pour que la nomination soit validée, elle doit passer le vote du Comité sénatorial des relations internationales puis celui du Sénat. Ce week-end, John McCain, sénateur de l’Arizona, a affirmé dans une entrevue sur Fox News : « Qu’il ait reçu une récompense de l’amitié de la part d’un boucher [pour Vladimir Poutine], franchement, c’est un problème qui doit être examiné. Mais cela ne veut pas dire que nous devons faire un procès anticipé à M. Tillerson. »
Faible majorité
Au moins quatre autres sénateurs républicains ont déjà pris leurs distances vis-à-vis du p.-d.g. d’ExxonMobil. Or, les républicains n’ont que 52 représentants au Sénat, avec 50 votes nécessaires pour valider une nomination et le vice-président Mike Pence pour départager en cas d’ex aequo. Les démocrates, eux, n’ont pas annoncé s’ils feraient front commun pour bloquer la décision de Trump. De même au Comité sénatorial des relations internationales, où ils n’ont qu’une voix de moins, et ou le républicain Marco Rubio a exprimé des doutes envers Tillerson. Le Sénat n’a pas bloqué de nomination proposée par un président depuis 1989.
Comme une grande partie des membres de l’administration Trump, la position de Tillerson au sein d’ExxonMobil pourrait créer des conflits d’intérêts. Au cours des dernières décennies, le nouveau secrétaire d’État a largement contribué, par de nombreux voyages, à l’expansion de son entreprise dans plus de 50 pays, plus particulièrement en Russie et au Moyen-Orient.
Cette expérience, qui peut justement constituer un atout pour le représentant des intérêts américains à l’étranger, pose aussi problème. ExxonMobil a plusieurs contrats en cours en Russie, dans les îles Sakhaline, à l’est du pays et un projet de forage dans la mer de Kara, proche de l’océan Arctique. En Sibérie occidentale et dans la Mer noire, la multinationale a aussi débuté des explorations pour du pétrole de schiste. Ce dernier contrat pourrait valoir 500 milliards de dollars, se sont vantés des représentants du gouvernement russe. Tillerson lui-même a gagné 27,3 millions de dollars en 2015.
Seulement, ces projets sont en suspens depuis la mise en place des sanctions économiques américaines envers la Russie en 2014, en représailles à l’intervention russe en Crimée quelques mois plus tôt. ExxonMobil a ainsi perdu beaucoup avec ce boycottage.
Lever ces sanctions pourrait être une des premières décisions de Tillerson. En 2014, lors d’une réunion annuelle de son entreprise, il avait déclaré : « Nous n’approuvons pas les sanctions, en général, parce que nous ne les trouvons pas efficaces à moins qu’elles soient vraiment mises en place de manière cohérente. Et c’est très difficile à faire. Alors nous encourageons toujours les personnes prenant ces décisions d’envisager à large échelle quelles seront les conséquences et à qui elles nuiront le plus. »
Politique climatique
L’autre dossier qui agite le camp démocrate est la future politique climatique de Tillerson. Si Trump sentait le besoin d’énerver un peu plus les environnementalistes, il a réussi. Bien que Tillerson ne soit pas climatosceptique (contrairement à Scott Pruit, qui vient d’être nommé à la tête de l’Agence de la protection de l’environnement), son implication dans l’industrie des énergies fossiles ne présage rien de bon pour la lutte contre le réchauffement climatique. C’est en effet au secrétaire d’État de mener les négociations climatiques internationales et de représenter les États-Unis lors des Conférences des parties (COP), sous l’égide de l’ONU.
ExxonMobil est en plus sous le coup de deux enquêtes des procureurs généraux de New York et du Massachusetts. L’entreprise est soupçonnée d’avoir eu connaissance des conséquences du changement climatique depuis plus de 40 ans, et n’en aurait pas informé ses investisseurs et le public. Elle aurait même fait disparaître plusieurs documents internes qui le prouvaient.
D’après le site Politico, certains sénateurs démocrates voudraient profiter de l’audition devant le Sénat de Tillerson pour sa nomination comme secrétaire d’État pour l’interroger sous serment et le forcer à divulguer les secrets internes d’ExxonMobil.