Le Rwanda accusé de déstabiliser le Burundi

Washington — Les États-Unis ont accusé mercredi le gouvernement du Rwanda de chercher à déstabiliser le Burundi voisin, notamment en recrutant des réfugiés burundais pour les enrôler dans une opposition armée contre le régime du président burundais.

« Nous avons vu un certain nombre de rapports de nos collègues sur le terrain qui laissent penser que le gouvernement rwandais est impliqué dans des activités déstabilisatrices au Burundi », a déclaré la secrétaire d’État adjointe pour l’Afrique, Linda Thomas-Greenfield, devant la commission des Affaires étrangères du Sénat américain.

Devant cette même commission du Congrès, Thomas Perriello, émissaire spécial du gouvernement américain pour l’Afrique des Grands Lacs, a fait état d’« informations crédibles sur le recrutement de réfugiés burundais dans des camps au Rwanda afin de participer à des attaques armées conduites par l’opposition burundaise armée contre le gouvernement burundais ».

Ce diplomate s’est dit préoccupé par le « comportement déstabilisateur du Rwanda dans la crise au Burundi ».

C’est la première fois que le gouvernement américain met en cause directement et publiquement les autorités de Kigali dans la crise qui secoue le Burundi voisin.

Un allié

 

Washington est historiquement un allié du Rwanda, mais les relations se sont beaucoup refroidies ces dernières années en raison du rôle jugé néfaste du régime du président Paul Kagame dans la stabilité de l’Afrique des Grands lacs.

Les relations entre le Rwanda et le Burundi sont au plus bas, Bujumbura accusant Kigali de soutenir ses opposants, voire de servir de base arrière à une rébellion naissante. Kigali a rejeté ces accusations.

Il y a une semaine, des experts de l’ONU avaient déjà accusé dans un rapport le Rwanda de recruter et d’entraîner des réfugiés du Burundi afin de renverser son président, Pierre Nkurunziza. Ces experts ont interrogé 18 réfugiés burundais, dont six mineurs, qui ont fourni des informations sur leur formation dans un camp au Rwanda en mai et juin 2015.

Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril 2015 du président Nkurunziza — réélu en juillet — à un troisième mandat. Plus de 400 personnes ont été tuées depuis le début de la crise, qui a poussé 230 000 personnes à l’exil.

Les États-Unis avaient vivement condamné la candidature à un troisième mandat du président burundais, jugeant, comme pour nombre de pays africains, que le chef d’État devait respecter la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Washington a posé les mêmes exigences pour Paul Kagame au Rwanda et Joseph Kabila en République démocratique du Congo.

Des charniers

 

L’ONU veut envoyer au Burundi des experts indépendants pour aider les autorités à enquêter sur des charniers présumés découverts dans le pays, selon un haut responsable de l’ONU mercredi.

Le mois dernier, le Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme avait réclamé une enquête sur « l’existence possible d’au moins neuf charniers » à Bujumbura et dans ses environs, y compris un dans un camp militaire. Selon des témoins, les fosses communes contiendraient au moins 100 corps, tous tués à la suite d’attaques lancées le 11 décembre contre trois camps militaires.

Le secrétaire général adjoint chargé des droits de l’Homme, Ivan Simonovic, a indiqué à des journalistes qu’un procureur burundais avait ouvert une enquête sur ces charniers et que l’ONU avait proposé son aide. « Il faut que quelqu’un ouvre ces fosses, nous aimerions être présents quand cela se fera et nous proposons de fournir des experts en médecine légale », a-t-il expliqué. Le gouvernement, qui a rejeté les accusations de l’ONU concernant ces charniers, n’a pas répondu pour l’instant à cette proposition.

Des experts de l’ONU examinent actuellement des images prises par satellite des sites des charniers présumés et l’ONU demande au gouvernement burundais d’enquêter rapidement.

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