États-Unis - La Chambre passe à droite

Les républicains ont pris, hier, le contrôle de la Chambre des représentants, déterminés à torpiller les réformes du président Barack Obama, avec en ligne de mire la reprise de la Maison-Blanche en novembre 2012.
Élu hier après-midi par 241 voix sur un total de 432 votants, John Boehner, âgé de 61 ans, a succédé à la représentante démocrate du 8e district de la Californie, Nancy Pelosi, au perchoir depuis janvier 2007. Regard bleu profond, teint hâlé et mèche soignée, l'homme à la larme facile — surtout quand il évoque ses origines modestes — était assuré de devenir hier le nouveau président (speaker) de la Chambre des représentants grâce à la victoire décisive des républicains aux élections législatives du 2 novembre.Peu connu avant les élections de mi-mandat, l'élu de l'Ohio menait depuis 2009 une opposition sans concessions aux réformes de la Maison-Blanche, comme chef de la minorité républicaine. Mais, face à une majorité du Parti démocrate écrasante, il n'avait jusqu'alors que peu de moyens de donner corps à celle-ci.
«[Le capitole], c'est la maison du peuple. C'est son Congrès. [...] Ce qu'il veut, c'est un gouvernement honnête, qui rend des comptes et qui est sensible à ses besoins. [...] Notre but sera de rendre le gouvernement au peuple», a affirmé, hier, M. Boehner, donnant le ton de la nouvelle majorité qui a engrangé plus de 63 nouveaux sièges aux élections législatives de mi-mandat.
M. Boehner s'est montré prêt à composer avec son aile droite et les dizaines d'élus du mouvement conservateur du Tea Party qui ont fait, hier, leur entrée à la Chambre des représentants, déterminés à couper dans les dépenses publiques et à lutter contre les régulations étatiques «destructrices d'emploi».
«Les partisans de cette nébuleuse-là sont assez puissants à la Chambre. Cela dit, ils ne contrôleront pas tout», souligne le directeur de l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques rattachée à l'UQAM, Frédérick Gagnon. «On a soudé les gens qui ont été élus sous la bannière du Tea Party au Parti républicain, parce que les membres du Tea Party sont un petit peu plus à droite que d'autres républicains, de l'establishment. Mais je pense qu'un des problèmes pour le Parti républicain sera de tenir tous ces gens-là ensemble», fait-il valoir.
Nancy Pelosi a symboliquement confié à M. Boehner le marteau qu'il utilisera afin de présider la séance, plaisantant sur la taille imposante de celui-ci en comparaison avec son propre «choix de marteau», plus modeste.
Ex-dirigeant d'une PME, M. Boehner, élu une première fois au Congrès en 1990, a passé les deux dernières années à dénoncer la politique «destructrice d'emplois» des démocrates. «Ce qui va presser pour Boehner, c'est de démontrer aux Américains que les républicains sont capables de mieux faire que les démocrates de la Chambre, et que Nancy Pelosi, l'ancienne présidente de la Chambre, pour relancer l'économie et créer des emplois [dans un pays où le taux de chômage frôle le seuil des 10 %]», soutient M. Gagnon, qui est également professeur à l'UQAM.
Architecte d'un programme de campagne intitulé la Promesse pour l'Amérique, M. Boehner et ses amis républicains promettent d'abroger la réforme du système de santé adoptée en mars 2010, destinée à offrir une assurance maladie à au moins 32 millions d'Américains qui en sont actuellement dépourvus. D'ailleurs, un vote aura lieu mercredi prochain sur ce texte, avec une portée symbolique puisqu'une abrogation par la Chambre de la loi se heurtera à l'opposition du Sénat, où les démocrates ont conservé une mince majorité, et au veto du président des États-Unis.
«Je ne pense pas que les républicains seront capables d'abroger la loi dans son intégralité. Ils tiennent ce genre de discours, en ce moment, pour plaire à une certaine partie de l'électorat, notamment à ceux qui ont voté pour les candidats du Tea Party. Je pense que là où les républicains peuvent agir, c'est sur la question du financement», fait remarquer Frédérick Gagnon.
Au total, les républicains comptent réaliser une économie de 100 milliards de dollars sur le budget 2011-2012, mais devront vraisemblablement revoir leurs ambitions à la baisse. «Pour réduire les dépenses, il faut s'attaquer à des morceaux du budget fédéral qui sont tout de même populaires auprès de l'électorat; la défense, le régime des pensions, les programmes Medicare et Medicaid...», explique M. Gagnon.
Le nouveau chef de la majorité à la Chambre des représentants, Eric Cantor, a fait savoir que même le Pentagone devrait se serrer la ceinture. Par ailleurs, les membres de la commission de la surveillance et de la réforme de l'État ont prévu un certain nombre d'auditions afin d'examiner les actes et les dépenses du gouvernement fédéral.
À quelques kilomètres du capitole, le porte-parole de Barack Obama, Robert Gibbs, a indiqué qu'il quittera sous peu l'enceinte de la Maison-Blanche. Confirmant une information du Washington Post, il a expliqué, hier, qu'il travaillerait en dehors de la Maison-Blanche à la préparation de la prochaine campagne en vue de l'élection de M. Obama en 2012 pour un deuxième mandat.
Plus globalement, Barack Obama cherche à rafraîchir son cercle de conseillers après la «raclée» des élections de mi-mandat. Selon M. Gibbs, la redistribution des postes revient à un «remaniement d'une certaine envergure». Il a également souligné que le président américain avait besoin d'entendre des voix nouvelles autour de lui.
M. Obama réfléchit à nommer l'ancien secrétaire au Commerce William Daley afin de succéder à Rahm Emanuel au poste de secrétaire général de la Maison-Blanche. En outre, David Plouffe, l'ancien directeur de campagne de Barack Obama, devrait entrer dans le cercle des conseillers du président dès lundi. «Je pense que cela va faire du bien à cette administration de voir des gens comme David Plouffe la rejoindre [des gens] qui n'en faisaient pas partie auparavant», a affirmé Robert Gibbs, dont le remplaçant n'a toujours pas été nommé. «Il faut bien admettre que, dans un certain sens, nous vivons un peu dans une bulle ici», a-t-il ajouté.
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Avec l'AP, l'AFP et Le Monde