Obama tend la main à ses adversaires

Le président américain, Barack Obama, a appelé les démocrates et les républicains à s'unir pour sortir les États-Unis de l'impasse économique, hier, au lendemain des élections de mi-mandat qui ont arraché à son parti une soixantaine de sièges au Congrès. Le pays est «coincé au neutre», a-t-il reconnu, mais ses politiques n'y sont pour rien.
Le président attribue plutôt les pertes démocrates aux difficultés que vit toujours le pays aux prises avec un taux de chômage de près de 10 %. Ses politiques ne sont pas rejetées par les Américains: elles n'ont simplement pas encore eu assez d'impacts pour les convaincre, a-t-il défendu à la Maison-Blanche. «Nous avons fait des progrès sur le front économique depuis deux ans, mais trop d'Américains ne les ont pas ressentis dans leur vie quotidienne. C'est ce qu'ils nous ont dit [mardi].» Il affirme les avoir entendus et accepte le blâme.Puisque les républicains ont pris le contrôle de la Chambre des représentants, mais que le Sénat est resté aux mains des démocrates, les deux partis au Congrès doivent négocier ensemble, même s'ils ont des principes et des croyances parfois difficiles à concilier, a dit le président, visiblement encore ébranlé par la «longue nuit» que son parti avait vécue la veille.
Selon Barack Obama, la plupart des électeurs sont d'accord avec certaines idées des démocrates et certaines autres des républicains. Le président s'est d'ailleurs dit ouvert à discuter avec ses adversaires en matière de fiscalité, d'énergie et même sur certains points en santé. Mais avec autant de travail à accomplir, «les Américains ne veulent pas qu'on passe les deux prochaines années à refaire les débats des deux dernières années, particulièrement à Washington», a prévenu M. Obama.
Compromis et veto
Le républicain qui devrait remplacer la démocrate Nancy Pelosi à la présidence de la Chambre des représentants, John Boehner, a répondu qu'il entendait collaborer avec les démocrates pour favoriser la création d'emplois, lorsque le président lui a téléphoné mardi soir. En conférence de presse hier, le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell, et John Boehner ont toutefois précisé les limites de leur collaboration.
«Nous sommes déterminés à freiner ce programme politique que les Américains ont rejeté, a dit M. McConnell. Nous allons travailler avec l'administration quand elle suivra la volonté du peuple et nous la confronterons quand elle ne le fera pas.» Les deux élus ont indiqué que leur parti souhaite utiliser sa nouvelle position à la Chambre des représentants pour réduire le rôle de l'État et pour réduire les dépenses gouvernementales. Leur collègue républicain et membre du Tea Party Mike Pence a quant à lui été plus dur, affirmant que le compromis n'était pas le message de cette élection.
Les républicains veulent assurément abroger la loi sur la réforme de la santé, que défend toujours avec force Barack Obama. «Quand je parle avec une femme du New Hampshire qui n'a pas à hypothéquer sa maison pour recevoir un traitement contre son cancer [...], je me dis que c'était la bonne chose à faire», a dit le président lors de son discours hier.
Pour protéger les acquis de son parti, rappelons toutefois le président pourra utiliser son droit de veto pour tous les textes adoptés au Congrès. Il faut une majorité aux deux tiers dans chacune des chambres pour briser ce veto et puisque le Sénat demeure en majorité démocrate, cette avenue est peu probable.
MM. Boehner et McConnell ont néanmoins pressé les démocrates à diluer leurs positions, au cas où ils n'auraient «pas compris le message» envoyé par les électeurs.
Les échos aux Québec
Au nord de la frontière, le premier ministre du Québec, Jean Charest, s'est réjoui de l'élection à titre de gouverneur de l'État de New York d'Andrew Cuomo. Ce démocrate est favorable au projet de train rapide entre Montréal et New York. «C'est une bonne nouvelle pour nous», a indiqué M. Charest.
Cependant, la hausse des sièges républicains au Congrès et chez les gouverneurs, dont plusieurs aux mains de représentants issus du mouvement Tea Party, inquiète le premier ministre. Le résultat des élections témoigne d'un climat d'incertitude qui pourrait mener à des politiques qui défavoriseraient le Québec. «Les Américains vont être davantage isolationnistes, croit-il. Ils le sont de nature.» Et puisque la majorité des exportations de la province se dirige vers les voisins du Sud, l'impact pourrait être lourd.
C'est également l'analyse que fait le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), Simon Prévost, qui s'attend à «deux ans d'immobilisme politique».
«Les grands projets d'envergure pourraient être mis sur la glace», a-t-il indiqué à la Presse canadienne. Les entreprises québécoises ont donc intérêt à se diversifier, selon M. Prévost.
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Avec La Presse canadienne et le New York Times