Exode à la Maison-Blanche

Barack Obama, hier en compagnie de Rahm Emanuel
Photo: Agence Reuters Jim Young Barack Obama, hier en compagnie de Rahm Emanuel

Suivant de près plusieurs conseillers économiques, Rahm Emanuel, le secrétaire général de Barack Obama, quitte ses bureaux à la Maison-Blanche. Ce départ prévu sera suivi l'hiver ou le printemps prochain par celui de David Axelrod, le principal conseiller politique du président.

Axelrod comme Emanuel font partie du premier cercle des collaborateurs du président, cette «mafia de Chicago» ainsi surnommée parce que ses membres sont en majorité originaires de la métropole du Midwest, dont Barack Obama a fait sa ville d'adoption.

Rahm Emanuel, qui aspire à devenir maire de Chicago, a la réputation d'être un homme à poigne, parfois brutal, mais aussi un habile stratège. Il a déjà siégé à la Chambre des représentants, après avoir conseillé le président Bill Clinton. David Axelrod, lui, avait travaillé à la réélection de Barack Obama au Sénat de l'Illinois en 2000. On l'a déjà comparé à Karl Rove, qui a longtemps été l'homme de confiance de George W. Bush, depuis l'époque où ce dernier faisait ses classes au Texas.

Barack Obama doit donc renouveler une bonne partie de son personnel politique. Les départs en cascade alimentent inévitablement la propagande électorale des républicains, qui disent y voir un signe de débandade. C'est de bonne guerre. Il est quand même évident que certains collaborateurs du président sont tout simplement épuisés après vingt mois particulièrement éprouvants.

Un phénomène normal

Plusieurs historiens et spécialistes de la présidence américaine font remarquer qu'un tel roulement de personnel à la Maison-Blanche est normal. Par exemple, les présidents Ronald Reagan et Bill Clinton, qui ont tous deux effectué deux mandats, ont eu chacun quatre secrétaires généraux.

Puisque Ram Emanuel brigue la mairie de Chicago et que David Axelrod a promis de se consacrer, dans la Ville des vents lui aussi, à la réélection de son patron en 2012, on ne peut pas vraiment parler de rats quittant un navire qui coule, pour employer le cliché bien connu.

«Le phénomène n'est pas rare, observe Graham Dodds, professeur de sciences politiques à l'Université Concordia. Je pense qu'on verra d'autres départs après les élections de mi-mandat. Mais il est vrai que, politiquement parlant, les départs récents surviennent à un moment inopportun.»

Barack Obama voudra peut-être en profiter pour amener un peu de sang neuf à la Maison-Blanche. Si tel est le cas, il faudra cependant attendre encore un peu parce que le remplaçant, au moins provisoire, de Rahm Emanuel, Pete Rouse, travaillait déjà à la Maison-Blanche. Il s'agit d'un professionnel de la politique pour qui les coulisses du pouvoir à Washington ont peu de secrets puisqu'il a déjà servi l'influent sénateur du Dakota du Nord, Tom Dashel, avant de se joindre en 2004 au nouveau sénateur de l'Illinois à Washington et futur président des États-Unis.

Après son intronisation à la Maison-Blanche en janvier 2009, Barack Obama s'est entouré, comme la plupart de ses prédécesseurs, d'un petit groupe d'hommes et de femmes de confiance. Outre Emanuel et Axelrod, on peut mentionner les noms de David Plouffe et de Valerie Jarrett, qui l'ont suivi, sinon à la Maison-Blanche, du moins à Washington.

Changements à venir

Des changements sont également prévus au sein de l'équipe de sécurité nationale. L'amiral Jim Jones, président du Conseil national de sécurité, devrait annoncer son départ vers la fin de l'année. Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, qui avait accédé à ce poste pendant le second mandat de George W. Bush, de même que le chef d'état-major, Mike Mullen, devraient en faire autant au cours de 2011. Dans Obama's Wars, son tout nouveau livre, le journaliste Bob Woodward souligne les nombreuses et profondes dissensions qui ont sévi parmi les conseillers du président en matière de sécurité et, particulièrement, entre les militaires et les civils qui entourent le chef de l'État. Ces révélations faisaient écho à celles qu'avait faites un peu plus tôt le magazine Rolling Stone, dans un article consacré au général Stanley McChrystal. Barack Obama devra donc reconstruire son équipe de sécurité nationale au moment où des décisions importantes doivent être prises sur la poursuite de la guerre en Afghanistan.

Pas moins de quatre piliers de l'équipe économique de Barack Obama ont aussi quitté leurs fonctions au cours des derniers mois, dont son conseiller principal en cette matière, Larry Summers, qui retourne à l'enseignement à Harvard.

On a souvent reproché à M. Obama d'être un peu trop coupé de la réalité que vivent «monsieur et madame Tout-le-monde». Cette critique n'est pas venue seulement de ses adversaires républicains. Les sondages laissant présager de fortes pertes pour les démocrates lors des élections législatives du 2 novembre, certains stratèges de ce parti ont commencé à blâmer l'entourage de Barack Obama.

Si l'équipe de ce dernier avait fait preuve d'une redoutable efficacité au cours de la campagne électorale de 2008, on ne peut pas en dire autant depuis que le 44e président est entré en fonction en janvier 2009. Certains commentateurs reprochent notamment à Rahm Emanuel d'avoir mal conseillé son patron au cours du long débat sur la réforme de l'assurance maladie, où l'on a vu entrer en scène le mouvement du Tea Party.

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