Primaires américaines - Hillary Clinton sauve sa peau
Elle était donnée pour moribonde il y a moins d'une semaine; elle a sauvé sa peau mardi en remportant les primaires dans les gros États de l'Ohio et du Texas et dans le petit Rhode Island. Radieuse, la sénatrice Hillary Clinton faisait hier la tournée des émissions du matin. Dans le cadre du Early Show, sur les ondes de CBS, elle est allée jusqu'à évoquer pour la première fois la possibilité d'un «ticket» présidentiel Clinton-Obama, à la condition que le sénateur de l'Illinois accepte la candidature à la vice-présidence...
«C'est peut-être vers cela que nous nous dirigeons, a-t-elle dit. Évidemment, il faut décider qui en serait la tête d'affiche. Je crois que les gens dans l'Ohio ont très clairement dit que cela devrait être moi.» En réaction, Barack Obama, quittant hier le Texas, a jugé cette idée «très prématurée».Mme Clinton a peut-être rescapé sa candidature, la lutte à l'investiture présidentielle du Parti démocrate n'en restera pas moins très serrée d'ici l'ultime primaire, le 7 juin prochain à Puerto Rico. Elle veut croire à un second souffle et à un nouvel élan, mais la mathématique de la course demeure son grand ennemi: se comptent sur les doigts de la main les analystes qui la croient capable de combler son retard sur M. Obama en matière de nombre de délégués.
McCain candidat
Aussi, John McCain, qui a quant à lui décroché l'investiture républicaine en remportant sur Mike Huckabee les quatre primaires de mardi, pourra utilement se lancer en campagne nationale pendant que les démocrates se divisent. Il a été reçu hier à la Maison-Blanche, où le président George W. Bush, avec lequel il n'a d'ailleurs plus d'atomes crochus depuis longtemps, lui a donné sa bénédiction dans l'espoir de convaincre la pesante droite évangélique du parti, très réfractaire à M. McCain, de se rallier.
Mme Clinton l'a emporté avec 54 % des voix contre 44 % dans l'Ohio et avec 51 % contre 48 % au Texas. Vrai qu'elle a freiné l'élan de 12 victoires consécutives de M. Obama et que son gain convaincant dans l'Ohio augure bien pour elle dans l'État socialement semblable de la Pennsylvanie, nouvel horizon principal de la campagne, où la primaire aura lieu le 22 avril. Pour l'incertitude économique qui règne parmi ses électeurs, la Pennsylvanie fait écho à l'Ohio.
Vrai encore que Mme Clinton a gagné au Texas et en Ohio en ressoudant autour de sa candidature sa coalition électorale de femmes, de Latinos et d'«électeurs blancs sans éducation postsecondaire». Parmi les indépendants, elle a été aussi populaire que M. Obama, qui a jusqu'ici eu l'avantage chez ces électeurs. Ses publicités politiques cinglantes contre l'inexpérience de M. Obama, en particulier en politique étrangère, ont fait pencher la balance en sa faveur parmi les indécis.
Mme Clinton compte enfin marteler que ses nouvelles victoires, combinées à celles obtenues lors du Super Mardi du 5 février dernier en Californie et dans l'État de New York, sont la preuve qu'elle est la mieux placée pour remporter ces États cruciaux par leur poids électoral à la présidentielle du 4 novembre prochain contre M. McCain et que l'incapacité de M. Obama à les remporter soulève chez lui des problèmes d'éligibilité.
Dernière chance
Pour autant, lui répliquait hier Bill Burton, un porte-parole de M. Obama, les primaires de mardi «étaient la dernière chance pour Mme Clinton de porter un coup significatif à notre avance en matière de délégués simples, et elle a échoué». Cette avance se chiffrant à environ 150 délégués, il y a peu de chances qu'elle s'effrite sensiblement puisque les délégués sont distribués à la proportionnelle, selon des formules complexes, entre chacun des candidats. En fait, les calculs des experts indiquent que, pour prendre l'avance sur son rival, il faudrait qu'elle arrache les deux tiers des quelque 650 délégués qu'il reste à choisir dans 12 États et territoires. Perspective improbable: des États comme le Wyoming, le Mississippi et la Caroline du Nord sont jugés acquis à M. Obama.
Étant entendu que ni l'un ni l'autre n'atteindra en appuis la marque magique des 2025 délégués nécessaires à l'obtention incontestable de l'investiture, Mme Clinton fait face à à un défi additionnel: la chasse aux fameux superdélégués, les caciques du parti qui ont d'office droit de vote à la convention du parti (qui aura lieu à Denver fin août). Or l'avance confortable dont elle disposait parmi eux n'a cessé de fondre. Ce qui faisait écrire hier à Patrick Healy, du New York Times, que «la bataille à venir pour Mme Clinton est moins contre M. Obama que contre l'establishment du parti qui, après avoir été prêt à se coaliser derrière elle, dérive vers M. Obama». Mme Clinton espère que ses victoires de mardi convaincront ces superdélégués de cesser de l'abandonner.
Reste le contentieux autour des primaires des États du Michigan et de la Floride, invalidées d'avance par le parti national pour avoir été tenues hâtivement. La sénatrice, qui a quand même fait campagne dans ces deux États — et les a gagnés sans opposition —, cherche à faire reconnaître ces deux gains. Signe qu'elle racle les fonds de tiroirs.