Bush veut une aide de 145 milliards
Il est peut-être déjà trop tard pour éviter une récession, estiment des économistes, mais la Maison-Blanche a demandé hier au Congrès de concocter un stimulant économique pour les contribuables en suggérant une enveloppe globale équivalente à 1 % du produit intérieur brut, soit 145 milliards $US.
N'allant pas jusqu'à confirmer les informations selon lesquelles cette mesure se traduira par des chèques de 800 $ par personne ou de 1600 $ par famille, le président George W. Bush a du moins demandé hier que cette stratégie soit mise en oeuvre le plus tôt possible. En guise de comparaison, le plan de sauvetage destiné à lutter contre la récession de 2001 avait coûté 40 milliards.«En votant le plus vite possible un plan de croissance efficace, nous pouvons donner un coup de pouce pour maintenir la santé de l'économie», a dit le président Bush en concédant que certains secteurs traversent des «ajustements» et génèrent des «préoccupations réelles», notamment l'immobilier. Cette aide, a-t-il souhaité, «empêchera» les difficultés de ces secteurs de contaminer le reste de l'économie.
La mesure souhaitée par le président Bush, qui comporterait aussi un volet pour les entreprises, survient alors que l'économie américaine connaît des reprises hypothécaires dans des dizaines de centres urbains où a éclaté la bulle immobilière, subit un ralentissement de la consommation depuis plusieurs semaines, voit son dollar perdre du terrain face aux autres devises, patauge dans les déficits budgétaires, etc.
Selon l'économiste Francis Généreux, qui couvre l'actualité américaine au Mouvement Desjardins, les «bases semblent bonnes», mais Washington n'a pas la même marge de manoeuvre que lors de son intervention de 2001. «Sa situation l'empêche d'aller plus loin, à moins qu'il y ait vraiment péril en la demeure», a-t-il dit. En 2000-01, le gouvernement fédéral était encore en situation de surplus. «Cette fois-ci, il faut que le plan soit plus modeste mais plus précis.»
Dans son rapport semi-annuel publié en décembre 2007, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) disait estimer que l'économie américaine ralentirait de nouveau en 2008. La croissance est passée de 2,9 % en 2006 à 2,2 % en 2007. Pour 2008, l'OCDE prévoit 2 %, une cadence qui pourrait toutefois revenir à 2,2 % en 2009.
L'ex-président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, a affirmé lors d'une entrevue en début de semaine que l'économie des États-Unis, qui représente environ 20 % de l'activité mondiale, est peut-être déjà en récession. «De toute évidence, les symptômes sont là. Les récessions n'arrivent pas doucement. Elles se signalent généralement par une discontinuité sur le marché, et il est tout à fait possible de décrire ainsi les chiffres des dernières semaines.»
À la Banque de Montréal, l'économiste Michael Gregory croit que la Maison-Blanche devait «absolument» agir. «En décembre et depuis le début de 2008, l'opinion a changé à propos de l'économie. La confiance des entreprises et des gens a vraiment fléchi.»
M. Gregory a signalé que cela a suivi de près l'augmentation significative des renouvellements d'hypothèques observée en octobre et en novembre derniers. La crise immobilière et les problèmes dans l'univers du crédit sont des facteurs qui peuvent tout à fait semer le germe d'une récession, a-t-il estimé. «Il est possible, cependant, qu'il soit trop tard.»
Le successeur de M. Greenspan à la tête de la Fed, Ben Bernanke, a déclaré jeudi que les stimulants économiques de nature fiscale peuvent avoir des effets bénéfiques lorsqu'ils sont mis en place rapidement. Il a cependant noté des risques, notamment que l'aide peut arriver trop tard et provoquer un effet «déstabilisant» si elle s'applique au moment même où l'économie reprend son envol.
Le président Bush a demandé à son secrétaire au Trésor, Henry Paulson, de coordonner les travaux de la Maison-Blanche dans l'élaboration d'une stratégie avec le Congrès, composé des sénateurs et des membres de la Chambre des représentants. À l'heure actuelle, les démocrates détiennent la majorité à la fois au Sénat et à la Chambre des représentants.
Ouverture chez les démocrates
Le leader démocrate au Sénat, Harry Reid, du Nevada, a été peu loquace mais s'est au moins gardé de critiquer cette annonce. «Je suis encouragé et partage l'avis du président selon lequel nous avons besoin d'un geste bipartisan pour renforcer notre économie», a-t-il affirmé dans un communiqué. «Je crois aussi que nous devons nous concentrer sur l'élaboration de mesures temporaires qui seront efficaces. J'ai hâte de travailler avec le président Bush pour instaurer des solutions responsables qui dynamiseront l'économie pour le bénéfice de tous.»
D'autres démocrates, comme le candidat à l'investiture John Edwards, ont été plus volubiles. «Les dommages causés à l'économie par Bush et Cheney sont profonds et durables, et les réductions fiscales à elles seules ne permettront pas de les réparer. De plus, le plan n'offre rien pour les quelque 50 millions de familles à faible revenu et de la classe moyenne.»
La Maison-Blanche a dit souhaiter que l'enveloppe soit «suffisamment garnie» pour avoir un impact sur «une économie aussi grosse et aussi dynamique que la nôtre» et qu'elle s'articule autour d'une aide fiscale plutôt que des dépenses fédérales «qui auraient peu d'effet». Aussi, «elle devrait être temporaire et ne devrait pas comporter de hausses d'impôt», a insisté le président Bush.
Lors d'un point de presse après cette annonce, M. Paulson a affirmé que la Maison-Blanche n'avait tout simplement pas le choix. «Le coût de l'inaction est devenu trop élevé. Il faut agir dès maintenant.»