Mitt Romney triomphe au Michigan

Mitt Romney est de retour. L’homme d’affaires mormon a facilement remporté hier la primaire républicaine du Michigan, relançant du coup sa campagne à l’investiture troublée par deux échecs en Iowa et au New Hampshire.

En l’absence des démocrates qui ont boycotté les primaires du Michigan, tous les yeux étaient tournés hier vers M. Romney: une nouvelle défaite l’aurait pratiquement mis hors de combat pour la suite de la course à l’investiture. Après deux médailles d’argent — c’est ainsi que l’ex-organisateur des Jeux olympiques de Salt Lake City a qualifié ses deuxièmes places —, Mitt Romney avait besoin de toucher l’or dans une région en pleine crise économique. Il jouait donc son va-tout dans l’État qui l’a vu naître et où son père a longtemps été gouverneur: ce fut un succès.

Après dépouillement de 94 % des voix, M. Romney récoltait 39 % du vote, contre 30 % pour John McCain, sénateur de l’Arizona, et 16 % pour Mike Huckabee, ancien gouverneur de l’Arkansas et ex-pasteur baptiste. Ces trois candidats ont maintenant chacun une victoire à leur actif, M. Huckabee ayant remporté l’Iowa, et M. McCain le New Hamsphire.

Cette victoire convaincante de Mitt Romney lui permet maintenant d’aborder avec confiance le Super Tuesday. Le 5 février, 22 États (dont New York et la Californie) choisiront en même temps leurs candidats à l’investiture. Elle lui permet aussi de ralentir la remontée de John McCain, qui avait le vent dans les voiles depuis sa victoire de la semaine dernière. Lundi, un sondage mené par le New York Times et CBS News lui donnait d’ailleurs la première position parmi les républicains sur le plan national.

«C’est une victoire de l’optimisme sur le pessimisme affiché par Washington», a déclaré Mitt Romney devant ses partisans, juste après l’annonce de sa victoire par les grands réseaux de télévision. «Les lobbyistes et les politiciens se rendent compte que l’Amérique a maintenant compris que Washington est cassé, et que nous allons nous en occuper».

«Nous allons apporter l’innovation et le changement à Washington, car c’est impossible pour un homme du sérail de retourner Washington à l’envers», a-t-il ajouté en visant M. McCain, sénateur depuis 21 ans.
Comme Hillary Clinton et John McCain l’avaient fait la semaine dernière au New Hampshire, M. Romney a décrit sa victoire comme étant le «début de [son] retour» dans la course. «Maintenant, cap sur la Caroline du Sud, le Nevada et la Floride», a-t-il ajouté en rappelant à ses partisans qu’il n’y a encore rien de gagné.

Dans son discours, M. Romney s’est réclamé de l’héritage de Ronald Reagan et de George Bush père... tout en prenant soin de ne pas mentionner le nom de l’actuel occupant de la Maison-Blanche.

Base
Si Mitt Romney a de solides racines au royaume de l’automobile, sa victoire ne paraissait pas assurée pour autant. Les sondages des derniers jours le donnaient généralement gagnant, mais avec toujours cette possibilité que John McCain le coiffe au poteau.

L’inconnue venait entre autres du comportement des électeurs non républicains, dont le vote profite généralement à John McCain. En 2000, il avait d’ailleurs battu George W. Bush au Michigan en faisant le plein chez ces électeurs non républicains, alors que M. Bush récoltait l’appui de deux républicains sur trois.

Cette fois, les premières analyses indiquent que la proportion de votants non républicains a été plus faible qu’en 2000, empêchant John McCain de rééditer son exploit. Ce qui vient aussi mettre en lumière un facteur qui pourrait lui nuire dans les prochaines semaines: il n’a pas la confiance de la base républicaine.
La campagne menée par M. Romney a séduit cet électorat. Son programme solidement conservateur, contre l’immigration et pour la défense des valeurs familiales traditionnelles, touche des cordes sensibles au sein de la clientèle cible républicaine.

En campagne au Michigan, Mitt Romney a joué à fond les cartes du candidat local et de l’économie. Directement affecté par la crise de l’automobile, l’État souffre de toute part: un habitant sur dix vit sous le seuil de la pauvreté, et le taux de chômage est de 50 % plus élevé qu’ailleurs aux États-Unis. En 12 mois, alors qu’il s’est créé 1,5 million d’emplois dans le pays, le Michigan en a perdu 12 000; depuis 2000, l’État comptabilise 275 000 pertes emplois dans le secteur industriel.

M. Romney a donc axé sa campagne sur une relance de l’industrie automobile, en promettant notamment qu’il reverrait les normes antipollution contraignantes qui, selon lui, ont entravé le développement du secteur. «Il y a des gens qui pensent qu’il n’y a pas d’avenir pour l’industrie automobile nationale. Ils se trompent», a déclaré le candidat. Devant un cercle d’hommes d’affaires enthousiastes, il a aussi lancé: «J’ai le Michigan dans mon ADN, je l’ai dans mon coeur, et j’ai des bagnoles dans le sang»

Jouant franc-jeu, John McCain a promis essentiellement le contraire de M. Romney. Le candidat estime que les emplois disparus dans le marché de l’automobile ne reviendront pas. Il vaut mieux alors privilégier l’éducation et la formation des jeunes vers de nouvelles activités, dit-il. «Les leaders politiques doivent promouvoir les technologies vertes, a affirmé M. McCain. C’est le futur.»

Après le Michigan, la course se déplace maintenant vers la Caroline du Sud et la Floride, deux États où M. Romney est à la traîne dans les sondages.

Sans les démocrates
Du côté démocrate, on a préféré faire l’impasse sur les primaires du Michigan pour des raisons administratives. C’est que les règles des deux grands partis stipulent qu’aucun État, à l’exception du Nevada et de la Caroline du Sud, n’est autorisé à organiser des primaires entre les caucus de l’Iowa et les primaires du New Hampshire, et le Super Tuesday du 5 février.

Deux États ont enfreint cette règle: le Michigan et la Floride (qui tiendra ses primaires le 29 janvier). En réaction, le parti républicain a décidé de tenir quand même ses primaires dans ces États, mais de priver le Michigan et la Floride de la moitié de leurs délégués à la convention. Ainsi, le Michigan aura 30 délégués (au lieu de 60) et la Floride 57 (au lieu de 114).

Chez les démocrates, la réponse a été plus radicale: aucun délégué ne représentera le Michigan (156 délégués en temps normal) ou la Floride (210 délégués) à la convention qui désignera formellement le candidat démocrate à la Maison-Blanche.

La gouverneure démocrate du Michigan, Jennifer Granholm, a justifié sur les ondes de CNN la décision de son État d’organiser des primaires avant les dates convenues par les états-majors politiques. «Nous avions besoin d’être entendus», a-t-elle dit. Si le Michigan avait organisé ses primaires le 5 février ou plus tard, il aurait été «inaudible», a estimé Mme Granholm.

Aucun candidat démocrate n’a donc fait campagne dans le Michigan. Les noms de Barack Obama et de John Edwards n’apparaissaient même pas sur les bulletins de vote. Les électeurs décidés à voter avaient donc le choix, pour la forme, entre Hillary Clinton et deux candidats marginaux. Mme Clinton l’a emporté sans problème, devant...
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Avec l’Agence France-Presse, The New York Times, CNN et l’Associated Press

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