Le successeur de Rumsfeld tente de parler vrai sur l'Irak

L’ancien directeur de la CIA Robert Gates, futur secrétaire à la Défense des États-Unis
Photo: Agence Reuters L’ancien directeur de la CIA Robert Gates, futur secrétaire à la Défense des États-Unis

Washington — Le futur secrétaire à la Défense américain, Robert Gates, a estimé hier que les États-Unis n'étaient pas en train de gagner la guerre en Irak. Il s'est aussi prononcé contre une guerre contre l'Iran ou la Syrie, qui conduirait «très probablement» à aggraver la situation en Irak.

M. Gates, entendu par la commission des Forces armées du Sénat, qui a approuvé sa nomination, a tenté un équilibre délicat, se gardant de tout langage lénifiant sur l'Irak tout en mettant en garde contre les conséquences d'un retrait laissant le pays dans le chaos et débouchant sur un conflit régional.

Il a estimé que les États-Unis n'étaient pas en train de gagner. Mais il s'est aussi dit d'accord, «pour le moment», avec le tableau dressé récemment par le chef d'état-major interarmées Peter Pace: «Nous ne sommes pas en train de gagner, mais nous ne sommes pas en train de perdre.»

Sa franchise lui a valu des compliments enthousiastes des élus démocrates, sans pitié pour les difficultés de l'administration Bush en Irak et qui, à partir de janvier, prendront la direction du Sénat.

«Merci pour votre franchise, c'est quelque chose qui faisait douloureusement défaut à votre prédécesseur», a déclaré Hillary Clinton, candidate probable à la présidentielle de 2008. Carl Levin, prochain président de la commission des Forces armées, a estimé que «M. Gates apporterait une nouvelle dimension très importante aux délibérations de l'administration sur la façon de procéder en Irak».

M. Gates a souligné notamment que tout retrait précipité laissant l'Irak dans le chaos risquerait d'entraîner un «conflit régional», impliquant l'Iran, la Syrie, les pays sunnites de la région et la Turquie en cas de chaos irakien.

«Tous les sales types du Moyen-Orient sont en Irak», a-t-il dit, tout en reconnaissant que «la présence des forces américaines est brandie comme une provocation par ceux qui s'impliquent» dans les violences.

Pour autant, il a indiqué qu'il plaiderait contre toute attaque contre la Syrie ou l'Iran, «sauf en cas de dernier recours absolu», et estimé qu'il serait utile d'entretenir des communications directes avec ces deux pays, tout en se montrant pessimiste sur les chances de succès d'un dialogue avec Téhéran.

«Les conséquences d'un conflit militaire en Iran pourraient être tout à fait dramatiques», a déclaré M. Gates.

S'exprimant à la veille de la publication très attendue des recommandations du Groupe d'études sur l'Irak, coprésidé par l'ancien secrétaire d'État James Baker, M. Gates a indiqué qu'il était ouvert à «des idées alternatives sur nos prochaines tactiques et stratégies en Irak».

Pour autant, il a souligné que le président George W. Bush, qui l'a nommé le 8 novembre au lendemain de la défaite électorale républicaine, restait décisionnaire, en tant que commandant en chef des forces armées.

Cet ancien directeur de la CIA, qui a quitté Washington en 1993, s'est dissocié de l'administration Bush sur plusieurs points. Il a ainsi refusé de qualifier l'Irak de «front central de la guerre contre le terrorisme», l'un des dogmes de l'administration Bush. Il a aussi convenu que le chef du réseau terroriste Oussama ben Laden avait constitué une menace plus grave pour les États-Unis que l'ancien président Saddam Hussein.

M. Gates a cependant partagé la réticence de l'administration à fixer un calendrier de retrait des troupes. Il a d'ailleurs estimé que les États-Unis devraient sans doute garder «longtemps» une présence militaire en Irak, quitte à ce que les effectifs soient «de beaucoup inférieurs» aux quelque 140 000 hommes d'aujourd'hui.

La commission des Forces armées du Sénat américain a approuvé à l'unanimité la nomination de Robert Gates au Pentagone, a annoncé hier après-midi le président de la commission, John Warner. Il est probable que sa nomination soit confirmée par le Sénat même d'ici la fin de la semaine.

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