La catastrophe ferroviaire en Inde liée au système d’aiguillage

Des équipes ont travaillé sans relâche dimanche pour réhabiliter les voies ferrées après la pire catastrophe ferroviaire de ces dernières décennies en Inde, qui remet à nouveau en question la sécurité d’un des plus vastes réseaux au monde.

Le premier ministre, Narendra Modi, s’est rendu samedi sur les lieux de la collision qui s’est produite vendredi, dans l’État indien d’Odisha, dans l’est du pays, où il a présenté ses condoléances aux familles des près de 300 morts de cette catastrophe, avant de rendre visite à certains des quelque 900 blessés.

Il devait inaugurer virtuellement samedi un nouveau train électrique, reliant Mumbai à Goa, équipé d’un dispositif de sécurité ultramoderne anti-collision baptisé « Kavach », signifiant bouclier en hindi.

M. Modi a lancé un programme de modernisation des infrastructures ferroviaires de 30 milliards de dollars pour stimuler à la fois l’économie et la connectivité de l’Inde.

Photo: Punit Paranjpe Agence France-Presse Les autorités présentent les photos des victimes afin de procéder à leur identification.

Le train est le mode de transport favori des Indiens et aussi le moins cher sur les trajets de longues distances, tant pour les personnes que pour les marchandises.

Selon les analystes, la collision montre que le système ferroviaire a encore beaucoup de progrès à faire.

« Les défaillances purement opérationnelles ne sont pas rares dans les chemins de fer indiens », a déclaré à l’Agence France-Presse Subodh Jain, ancien haut responsable des chemins de fer.

« Un changement radical »

Quelque 14 000 trains et 8000 locomotives circulent quotidiennement sur le réseau ferroviaire de 64 000 kilomètres. Le système du pays le plus peuplé du monde, qui transporte plus de 21 millions de passagers par jour, selon les chiffres officiels, est soumis à une pression énorme.

Selon M. Jain, cette pression est telle qu’il est souvent compliqué de « bloquer une ligne suffisamment longtemps » pour procéder aux améliorations nécessaires.

« Il doit y avoir un changement radical », a-t-il souligné.

Dimanche, le ministre des Chemins de fer, Ashwini Vaishnaw, a déclaré qu’un « changement qui s’est produit lors de l’aiguillage électronique est à l’origine de l’accident », en référence au système informatique complexe gérant le trafic sur les voies ferrées indiennes pour empêcher la collision de trains.

M. Vaishnaw s’est refusé à donner davantage de détails, soulignant que ce ne serait « pas approprié » avant le rapport d’enquête final, mais que « les personnes responsables » avaient été identifiées.

Les premières conclusions de l’enquête n’ont à ce stade pas été rendues, mais le Times of India, citant un rapport d’enquête préliminaire, a indiqué dimanche qu’une « erreur humaine » de signalisation pourrait avoir causé la collision entre trois trains.

M. Modi a prévenu qu’aucun responsable ne serait épargné.

L’Inde a beaucoup dépensé ces dernières années pour moderniser son réseau ferroviaire, faire circuler des trains express, construire des gares modernes, poser de nouvelles voies et installer des systèmes d’aiguillage électronique.

Cependant, Jaya Varma Sinha, membre de l’Indian Railway Board, a déclaré aux journalistes que même si « Kavach », conçu par l’Inde, avait été installé, il n’aurait pas empêché la catastrophe de vendredi.

Énorme rocher

 

« Testé à différents niveaux, il est très efficace pour empêcher les trains circulant en sens inverse sur la même voie d’entrer en collision », a-t-elle précisé.

« Mais dans ce cas, même Kavach n’aurait pu empêcher la collision, la situation étant comparable à un énorme rocher qui se serait écrasé soudain devant un train lancé à vive allure »

Quelque 20 000 personnes en moyenne ont trouvé la mort chaque année lors d’accidents ferroviaires (collisions, déraillements, chutes sur la voie, etc.), entre 2017 et 2021, selon des données officielles.

Les experts affirment que, si les accidents ont diminué au fil du temps, les améliorations nécessaires ont été menées, au mieux, par étapes.

 
Photo: Punit Paranjpe Agence France-Presse Des secouristes transportent des corps des victimes dans une zone utilisée comme morgue temporaire.

Les déraillements représentent 69 % des accidents, selon le rapport 2022 de la plus haute institution d’audit du pays, le Comptroller and Auditor General of India.

Le CAG les impute aux voies défectueuses, au manque de maintenance, à la vétusté des équipements de signalisation, combinés à des erreurs humaines.

En Inde, l’une des grandes économies à la croissance la plus rapide du monde, l’amélioration du réseau exige du temps, a fait valoir M. Jain.

« Nous faisons circuler davantage de trains, des trains plus longs de 24 à 25 voitures, des trains plus rapides et plus fréquents sur toutes les voies : imaginez la pression », a-t-il dit.

« Ce dont nous avons besoin, c’est de faire circuler plus de trains plus courts, idéalement de 18 voitures, plus fréquemment sur toutes les voies », a-t-il expliqué, « mais cela nécessite de beaucoup d’améliorations qui prendront du temps. L’argent n’est plus un problème ».

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