Vague de manifestations au Pakistan après l’arrestation de l’ex-premier ministre Imran Khan

Des Pakistanais circulent à vélo  près d’un véhicule de police en flammes à Quetta.
Banaras Khan Agence France-Presse Des Pakistanais circulent à vélo près d’un véhicule de police en flammes à Quetta.

L’ancien premier ministre pakistanais Imran Khan a été arrêté mardi pendant sa comparution devant un tribunal d’Islamabad pour répondre d’accusations de corruption, une mesure qui a provoqué des manifestations du nord au sud du Pakistan.

La police a eu recours à du gaz lacrymogène et à des canons à eau pour disperser les partisans de M. Khan qui protestaient à Karachi et à Lahore contre l’arrestation, quelques heures plus tôt, de l’ex-chef du gouvernement, lequel fait pression depuis plusieurs mois en vue de l’organisation d’élections anticipées dans l’espoir de revenir au pouvoir.

Des routes ont par ailleurs été bloquées à Peshawar, une ville située à l’ouest de la capitale, ainsi qu’à Rawalpindi, près d’Islamabad. Dans cette ville-garnison, des manifestants ont en outre pris d’assaut la résidence du commandant du corps d’armée pour exprimer leur colère contre l’institution militaire.

« Cette arrestation est conforme à la loi », a insisté le ministre de l’Intérieur Rana Sanaullah. Elle a été effectuée par le principal organe de lutte contre la corruption au Pakistan, le National Accountability Bureau (NAB), « un organisme indépendant qui n’est pas contrôlé par le gouvernement », a-t-il souligné.

Une vidéo diffusée sur des chaînes de télévision locales montre M. Khan poussé par des dizaines de paramilitaires dans une voiture blindée située à l’intérieur des locaux de la Haute Cour d’Islamabad.

« Au moment où nous arrivions dans la salle de contrôle biométrique de la cour pour noter les présences, des dizaines de rangers nous ont attaqués », a déclaré à l’AFP Ali Bukhari, un avocat du PTI, le parti de M. Khan. « Ils l’ont battu et l’ont traîné dehors », a-t-il ajouté.

Des dizaines d’affaires

Agé de 70 ans, M. Khan est visé par plusieurs dizaines d’affaires judiciaires depuis son éviction de ses fonctions de chef du gouvernement l’année dernière. Il avait réussi jusqu’ici à déjouer différentes tentatives d’arrestation.

« Mes Pakistanais, au moment où ces mots vous parviendront, j’aurai été arrêté dans le cadre d’une affaire illégitime », lâche dans une vidéo préenregistrée, diffusée mardi, Imran Khan qui avait anticipé sa détention. « Les droits fondamentaux au Pakistan, les droits que nous confère notre Constitution et notre démocratie ont été enterrés », ajoute l’ancienne star de cricket entrée en politique en 1996.

Son arrestation intervient au lendemain de la mise en garde de l’armée contre « les allégations sans fondement » faites, selon elle, par l’ex-premier ministre.

Au cours d’un rassemblement organisé ce week-end à Lahore, M. Khan a de nouveau affirmé que le général Faisal Naseer, un officier supérieur des services de renseignement, était impliqué dans la tentative de l’assassiner début novembre 2022 pendant un meeting. M. Khan avait alors été blessé d’une balle dans la jambe.

« Ces allégations fabriquées de toutes pièces et malveillantes sont extrêmement malheureuses, déplorables et inacceptables », a commenté dans un communiqué le service des relations publiques interservices (ISPR) de l’armée.

« Les responsables de l’armée et des services de renseignement sont la cible d’insinuations et d’une propagande tapageuse visant à promouvoir des objectifs politiques », a-t-il déploré.

« Ses allégations sans aucune preuve contre le général Faisal Naseer et les officiers de notre agence de renseignement ne peuvent pas être autorisées et ne seront pas tolérées », a pour sa part réagi le premier ministre Shehbaz Sharif, accusé par son prédécesseur d’avoir aussi joué un rôle dans son agression de novembre.

Élections

 

Les critiques à l’encontre de l’institution militaire sont rares au Pakistan, où ses chefs exercent une influence considérable sur la politique intérieure et la politique étrangère. Ils sont depuis longtemps accusés de s’ingérer dans l’ascension et la chute des gouvernements.

L’avertissement adressé lundi par l’armée illustre à quel point les relations entre M. Khan et cette dernière se sont détériorées.

Elle l’avait d’abord soutenu dans son accession au pouvoir en 2018 avant de lui retirer son appui. Imran Khan avait été évincé de ses fonctions par un vote de défiance du Parlement en avril 2022.

Depuis, cet homme politique qui demeure extrêmement populaire fait pression sur le fragile gouvernement de coalition pour qu’il organise des élections anticipées avant octobre.

Officiellement, l’agression de M. Khan est l’oeuvre d’un tireur solitaire, qui dans une vidéo diffusée par la police avoue en être l’auteur et se trouve désormais en détention.

Ces conclusions ont été rejetées par M. Khan qui souligne que les autorités ont refusé ses tentatives de déposer un rapport de première information auprès de la police pour désigner les « vrais coupables ».

« Il n’y a aucune raison pour que j’invente des faits », avait déclaré l’ex-premier ministre dans une vidéo diffusée mardi avant son arrestation.

La puissante armée pakistanaise exerce une immense influence au Pakistan, où elle a organisé au moins trois coups d’État depuis l’indépendance en 1947, régnant pendant plus de trente ans.

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