Face à la Chine, Tokyo signe un accord militaire avec Londres

Rishi Sunak et Fumio Kishida se serrent la main après avoir signé un nouveau traité de défense, mercredi, à la Tour de Londres.
Carl Court Agence France-Presse Rishi Sunak et Fumio Kishida se serrent la main après avoir signé un nouveau traité de défense, mercredi, à la Tour de Londres.

Le premier ministre britannique Rishi Sunak et son homologue japonais Fumio Kishida ont signé mercredi un « accord d’accès réciproque » rapprochant leurs armées, dans un contexte d’ambitions chinoises croissantes en Asie-Pacifique.

Signé à la Tour de Londres, ce traité critiqué par Pékin est à la fois le signe de l’intérêt grandissant de Londres pour l’Asie-Pacifique et des efforts du Japon pour renforcer ses alliances face notamment à la Chine, qualifiée par le gouvernement nippon de « défi stratégique sans précédent » pour sa sécurité.

Accueillant son homologue japonais, Rishi Sunak a loué les relations « plus fortes que jamais » entre les deux pays. « Non seulement à travers le commerce et la sécurité, mais aussi nos valeurs, et je crois que nous en avons vu la brillante démonstration l’année dernière », a-t-il déclaré en allusion au soutien à l’Ukraine face à l’invasion russe.

« Ayons une discussion stratégique qui soit notre espoir », a rétorqué Fumio Kishida.

Grâce au traité signé mercredi, le plus important en matière de défense entre les deux pays depuis l’alliance anglo-japonaise de 1902 contre la Russie, le Royaume-Uni devient le premier pays européen à disposer avec le Japon d’un accord d’accès réciproque. Il permet aux armées britannique et japonaise de se déployer sur le territoire de l’autre, et plus généralement établit un cadre juridique pour leur coopération.

« C’est une avancée assez significative pour les deux pays », a estimé Euan Graham, un chercheur de l’Institut international d’études stratégiques interrogé mercredi par l’AFP.

Car l’absence d’un tel accord restreignait jusqu’à présent leur coopération bilatérale en matière de défense, et chaque opération était « plus compliquée au niveau diplomatique » en impliquant un feu vert du ministère des Affaires étrangères, a expliqué M. Graham.

« Ennemis imaginaires »

Le traité doit permettre aux forces armées des deux pays de « planifier et mettre en oeuvre des exercices et déploiements militaires plus complexes et de plus grande ampleur », selon Downing Street.

« La région Asie-Pacifique est un haut lieu de développement pacifique, pas une arène pour des jeux géopolitiques », a réagi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin.

« La coopération en matière de défense devrait favoriser l’amélioration de la compréhension mutuelle, la confiance et la coopération entre pays », a-t-il poursuivi, et non de « créer des ennemis imaginaires, et encore moins d’introduire la vieille mentalité de confrontation de blocs dans la région ».

La Chine et le Japon, respectivement deuxième et troisième économies mondiales, sont d’importants partenaires commerciaux, mais leurs rapports se sont considérablement dégradés ces dernières années.

Le Japon se plaint régulièrement de l’activité maritime chinoise autour des îles Senkaku, administrées par Tokyo mais que Pékin revendique sous le nom de Diaoyu.

Tournée du G7

 

Le Japon, qui a signé en janvier dernier un accord similaire avec l’Australie, procède actuellement à un vaste remaniement de sa politique de défense pour contrecarrer la puissance militaire chinoise.

Il a ainsi approuvé en décembre une nouvelle « stratégie de sécurité nationale » prévoyant de doubler son budget annuel de défense en le faisant passer d’environ 1 % de son PIB à 2 % d’ici 2027.

Il s’agit d’un tournant majeur pour le pays, dont la Constitution pacifiste, adoptée au lendemain de sa défaite à la fin de la Seconde guerre mondiale, lui interdit en principe de se doter d’une véritable armée.

Royaume-Uni et Japon sont en outre associés avec l’Italie pour développer un avion de combat de nouvelle génération d’ici à 2035.

En tournée depuis dans plusieurs pays du G7, dont le Japon assure la présidence cette année, M. Kishida s’est d’abord rendu à Paris et Rome. Après Londres mercredi, il est attendu jeudi à Ottawa, avant de rencontrer le président américain Joe Biden vendredi à Washington.

En France, M. Kishida et le président Emmanuel Macron ont manifesté leur volonté de renforcer le partenariat entre leurs pays en matière sécuritaire dans la région Asie-Pacifique, contre « les tentatives unilatérales de changement du statu quo par la force », phrase employée par M. Kishida en allusion à la Chine.

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