Taiwan accuse la Chine de simuler une attaque de l’île

Taiwan a accusé samedi l’armée chinoise de simuler une attaque de l’île, la Chine intensifiant ses représailles après la visite à Taipei de la numéro trois américaine, Nancy Pelosi, suspendant le dialogue Pékin-Washington sur le climat.
Le séjour de Mme Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, est vécu comme une « provocation » par Pékin, car Washington s’était engagé à ne pas avoir de relations officielles avec le territoire insulaire revendiqué par la Chine.
En réponse, la diplomatie chinoise a annoncé vendredi soir la « suspension » de plusieurs coopérations avec les États-Unis, en matière notamment de justice, de lutte antidrogue, mais aussi sur le changement climatique.
Les deux pays, plus importants émetteurs de gaz à effet de serre en valeur absolue, avaient pourtant noué un accord surprise sur le climat lors du sommet de la COP26 à Glasgow l’an dernier.
Sur le front militaire, la Chine poursuit samedi ses plus importants exercices jamais organisés autour de Taiwan. Ils doivent durer jusqu’à dimanche midi (4 h 00 GMT) et sont présentés comme un entraînement à un « blocus » de l’île.
Les autorités taiwanaises ont annoncé samedi avoir détecté de « multiples » avions et navires chinois dans le détroit de Taiwan entre l’île et la Chine continentale.
« Certains d’entre eux ont franchi la ligne médiane » qui coupe en deux le détroit et « sont considérés comme menant une simulation d’attaque contre l’île principale de Taiwan », a indiqué le ministère taiwanais de la Défense.
L’armée chinoise a annoncé avoir déployé la veille des chasseurs, des bombardiers et de nombreux destroyers et bateaux d’escorte pour participer à ces manoeuvres menées « jour et nuit », a-t-elle souligné.
Vidéo du cockpit
Une mise en garde a été envoyée à la présidente taiwanaise, issue d’un parti indépendantiste, et aux États-Unis, accusés par Pékin d’avoir « trahi » leur parole en renforçant ces dernières années leurs relations avec les autorités taiwanaises.
L’armée chinoise a publié dans la nuit de vendredi à samedi la vidéo d’un pilote des forces aériennes filmant, depuis son cockpit, le littoral et les montagnes de Taiwan.
Des images impressionnantes censées démontrer la capacité de Pékin à s’approcher très près des côtes de l’île.
Pour la première fois, des missiles ont survolé Taiwan durant ces exercices militaires, a affirmé la télévision publique chinoise CCTV. Ni l’armée chinoise, ni l’armée taiwanaise n’ont toutefois confirmé cette information.
Du côté de Taipei, les autorités ont dénoncé les actions de leur « voisin malveillant » et annoncé que 68 avions et 13 navires militaires chinois avaient franchi vendredi la « ligne médiane ».
Tracée unilatéralement par les États-Unis durant la Guerre froide, cette ligne n’a jamais été reconnue par Pékin.
L’ampleur des exercices a suscité la condamnation des pays du G7, des États-Unis ainsi que de leurs alliés. La Maison-Blanche a convoqué l’ambassadeur de Chine, Qin Gang, pour fustiger un comportement jugé « irresponsable ».
La décision de Pékin de suspendre le dialogue avec Washington sur le climat a suscité une autre vague de critiques.
« C’est évidemment inquiétant », a déclaré à l’AFP Alden Meyer, analyste au centre de réflexion E3G, spécialisé sur le changement climatique. « Il est impossible de s’attaquer à l’urgence climatique si les deux principales économies et les deux plus grands émetteurs n’agissent pas, et il est toujours préférable qu’elles le fassent en collaboration. »
« Irresponsable »
Le porte-parole de l’exécutif américain pour les affaires de sécurité nationale, John Kirby, a lui fustigé vendredi une décision « foncièrement irresponsable ». « La Chine ne punit pas seulement les États-Unis, elle punit le monde entier », a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a affiché sa consternation. Pour lui, « il est impossible de résoudre les problèmes les plus pressants dans le monde sans un dialogue et une coopération efficaces entre les deux pays », a déclaré son porte-parole.
Avec des tensions Chine-Taiwan au plus haut depuis près de 30 ans et un risque, certes mesuré, de conflit militaire, la dégradation des relations Pékin-Washington pourrait être durable, notent des experts.
« La relation américano-chinoise est actuellement dans une très mauvaise passe », affirme à l’AFP Bonnie Glaser, spécialiste de la Chine au centre de recherche German Marshall Fund of the United States à Washington.
Elle cite comme « particulièrement inquiétante » la suspension d’accords de coopération cruciaux pour la stabilité de la région, comme celui sur la coopération militaire maritime visant justement à préserver l’escalade.
Pour Mme Glaser, les États-Unis ont sans doute « sous-estimé » la colère de l’opinion publique chinoise.
La plupart des analystes s’accordent toutefois à dire que, malgré ces exercices militaires, Pékin ne souhaite pas pour l’instant une confrontation armée.