L’ancien premier ministre Shinzo Abe assassiné par balle

Shinzo Abe, qui avait 67 ans, avait été le dirigeant le plus ancien du Japon avant de démissionner pour des raisons de santé en 2020.
L’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe a été tué vendredi par balle en plein rassemblement électoral à Nara, dans l’ouest du pays, un meurtre qui a suscité une vive émotion au Japon et à l’étranger.
Shinzo Abe est le premier ministre qui a été le plus longtemps en poste au Japon : il a occupé ces fonctions en 2006-2007, puis de nouveau de 2012 à 2020. Il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé, mais était resté très influent au sein de son parti.
Arrêté pour ce crime, le suspect, un chômeur de 41 ans, Tetsuya Yamagami, a avoué avoir délibérément visé M. Abe et disait en vouloir à une organisation à laquelle il croyait le politicien affilié, a annoncé la police. Les autorités ont refusé de donner des détails sur l’« organisation particulière » mentionnée par le tireur présumé, mais plusieurs médias japonais ont évoqué un groupe religieux.
Le suspect a raconté aux policiers avoir travaillé pour la Force d’autodéfense maritime — la marine japonaise — pendant trois ans à partir de 2002. Tetsuya Yamagami leur a également confié avoir appris la visite de Shinzo Abe sur Internet.
« Nous avons déterminé que [l’arme utilisée] était manifestement d’apparence artisanale, bien qu’une analyse soit en cours », a précisé à la presse un policier. Le suspect a été photographié sur les lieux tenant un grand objet carré noir qui semblait avoir deux barillets.
Des agents en tenue de protection ont de leur côté commencé à fouiller son domicile en fin d’après-midi et ont confisqué « plusieurs objets ressemblant à des armes à feu fabriquées artisanalement ».
Shinzo Abe, 67 ans, a été rapidement transporté à l’hôpital en hélicoptère, où il a été déclaré mort quelques heures plus tard malgré les efforts déployés par une équipe de 20 médecins. Il a été atteint par deux projectiles au cou, selon une source médicale.
La veuve de Shinzo Abe, Akie, est montée samedi à 6 h locales (17 h vendredi, heure de Montréal) dans un corbillard qui a quitté l’hôpital entouré de plusieurs véhicules et qui aurait transporté le corps de l’ancien premier ministre, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Sur des images de la chaîne de télévision NHK qui montrent le moment de l’attaque, on voit l’ex-chef du gouvernement debout sur un podium, puis une forte détonation retentit et de la fumée se dégage. Les spectateurs surpris se baissent et plusieurs personnes en plaquent une autre à terre.
M. Abe « prononçait un discours, et un homme est arrivé par-derrière », a raconté une jeune femme sur NHK. « Le premier tir a fait le bruit d’un jouet. [Shinzo Abe] n’est pas tombé, et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir une étincelle et de la fumée », a-t-elle ajouté.
Des responsables locaux du parti défendu par M. Abe ont précisé n’avoir reçu aucune menace avant l’attaque.
« Un grand visionnaire »
Le chef du gouvernement japonais, Fumio Kishida, a qualifié d’« acte barbare » et d’« absolument impardonnable » l’assassinat de son ancien mentor politique, dont il a été ministre des Affaires étrangères de 2012 à 2017. Les préparatifs électoraux se poursuivront, a-t-il toutefois affirmé. « Nous devons absolument défendre les élections libres et équitables, qui sont le fondement de la démocratie, [et] nous ne céderons jamais à la violence. »
Les réactions ont en outre afflué du monde entier après l’attaque. C’est une « tragédie pour le Japon », a déclaré le président américain, Joe Biden, tandis que le Brésil a décrété un deuil national de trois jours.
Pour le chef de l’État français, Emmanuel Macron, « le Japon perd un grand premier ministre » ; pour le premier ministre canadien, Justin Trudeau, « un grand visionnaire ».
Depuis Moscou, le président Vladimir Poutine a déploré une « perte irréparable ».
Les principaux dirigeants asiatiques étaient aussi sous le choc.
Du jamais vu depuis 1960
Le Japon n’a rien connu de tel « depuis plus de 50 à 60 ans », a relevé auprès de l’AFP Corey Wallace, de l’Université de Kanagawa.
Selon lui, le précédent incident similaire survenu au Japon a été l’assassinat en 1960 d’Inejiro Asanuma, le dirigeant du Parti socialiste japonais, poignardé par un étudiant proche de l’extrême droite. « Mais deux jours avant un scrutin, [et un homme] si important […], c’est profondément triste et choquant », a-t-il ajouté.
Le Japon a une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu, et le nombre annuel de personnes tuées par des armes de ce type dans ce pays de 125 millions d’habitants est extrêmement faible. L’obtention d’un permis de port d’armes est un processus long et compliqué : il faut d’abord obtenir une recommandation d’une association de tir, puis se soumettre à de stricts contrôles de police.