Alexeï Navalny condamné à neuf ans dans une prison encore plus dure

Alexeï Navalny, au centre, est aux côtés d’une de ses avocates lors d’une session du tribunal à Pokrov, dans la région de Vladimir, en Russie, mardi (image vidéo).
Photo: Alexander Zemlianichenko Associated Press Alexeï Navalny, au centre, est aux côtés d’une de ses avocates lors d’une session du tribunal à Pokrov, dans la région de Vladimir, en Russie, mardi (image vidéo).

Une juge russe a condamné mardi Alexeï Navalny à neuf ans de détention dans une colonie aux conditions extrêmement dures, aggravant encore la répression visant le principal opposant au Kremlin alors que Moscou est en pleine offensive en Ukraine.

Le pouvoir russe renforce tous azimuts son arsenal juridique pour étouffer les critiques du pouvoir. Dernier exemple : l’adoption, mardi, d’une loi prévoyant de fortes sanctions pour toute « information mensongère » sur l’action des institutions russes à l’étranger.

La peine de neuf ans de détention prononcée contre l’opposant annule et remplace celle de deux ans et demi qu’il purgeait, et inclut l’année de prison déjà effectuée.

Alexeï Navalny, qui avait été incarcéré pour fraude au début de 2021, a été condamné cette fois-ci pour « escroquerie » et « outrage à un magistrat », des accusations qu’il juge politiques. Sauf victoire improbable en appel, il devra effectuer sa détention dans une colonie de « régime sévère », des lieux isolés et où les conditions sont beaucoup plus dures que dans les colonies dites « générales », comme celle de Pokrov, où il est actuellement incarcéré.

C’est dans l’enceinte de ce camp pénitentiaire, à 100 kilomètres de Moscou, que l’opposant était jugé depuis la mi-février dans une salle d’audience improvisée.

« Poutine a peur de la vérité, je l’ai toujours dit. La lutte contre la censure et amener la vérité aux habitants de la Russie restent notre priorité », a-t-il déclaré après sa condamnation, selon des messages publiés sur son compte Twitter.

Répression implacable

 

Les États-Unis ont condamné « fermement » un « simulacre de procès » visant, selon eux, à « faire taire Navalny » et d’autres voix qui critiquent les autorités russes.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a fait de même, dénonçant un verdict « aux motivations politiques ». La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, s’est de son côté dite « effarée » par la condamnation de l’opposant, dénonçant une « parodie de justice ».

« Rien ne peut justifier la nouvelle condamnation d’Alexeï Navalny », a réagi le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, ajoutant que « l’agression à l’extérieur et la répression à l’intérieur ont atteint une nouvelle dimension en Russie ».

Le charismatique militant anticorruption de 45 ans s’est présenté mardi en cour en tenue de bagnard, le visage amaigri, en compagnie de ses avocats. Après le verdict, ces derniers ont été brièvement interpellés en sortant de la prison, a constaté une journaliste de l’AFP sur place.

Dans l’affaire jugée mardi, Alexeï Navalny était accusé du détournement de millions de roubles de dons versés à ses organisations de lutte contre la corruption et d’« outrage au tribunal » au cours d’un précédent procès. Il soutient que ces accusations ont été orchestrées par le Kremlin pour le maintenir en prison le plus longtemps possible.

Réputé pour ses enquêtes sur la corruption des élites, Alexeï Navalny subit depuis plus de deux ans une répression décomplexée du pouvoir.

 

En août 2020, il a été empoisonné par un agent neurotoxique, commandité selon lui par le président russe. Le Kremlin dément ces allégations, mais les autorités russes n’ont jamais enquêté sur cette tentative d’assassinat présumée.

Dès son retour en Russie en janvier 2021, après cinq mois de convalescence, il a été arrêté et condamné à deux ans et demi de prison pour une affaire de « fraudes » remontant à 2014 et impliquant l’entreprise française Yves Rocher.

En juin 2021, ses organisations ont été désignées « extrémistes » et interdites, poussant à l’exil de nombreux militants. D’autres ont été arrêtés et risquent de lourdes peines de prison.

Opposition au conflit en Ukraine

 

Cette répression inlassable s’est accompagnée de l’interdiction des derniers médias et ONG critiques du Kremlin.

La Cour suprême de Russie a ainsi rejeté mardi une demande de suspension de la dissolution de l’ONG Mémorial, qui s’appuyait sur une ordonnance de la Cour européenne des droits de l’Homme, confirmant le démantèlement de ce pilier de la société civile.

Depuis sa colonie pénitentiaire, Alexeï Navalny continue de transmettre des messages fustigeant le pouvoir de Vladimir Poutine et l’offensive en Ukraine. Il n’a cessé d’appeler à manifester contre le conflit malgré les risques courus, les autorités ayant encore renforcé leur arsenal juridique, avec de lourdes peines de prison à la clé, pour faire taire toute critique de l’armée russe.

Parallèlement, le pouvoir a aussi renforcé son emprise sur la diffusion d’informations, bloquant en Russie l’accès à des dizaines de médias et à plusieurs réseaux sociaux étrangers.

À voir en vidéo