Kirghizistan - Troubles autour d’une mine d’or canadienne

L’état d’urgence a été décrété vendredi dans un district du Kirghizstan où des troubles ont éclaté pour la nationalisation d’une mine d’or exploitée par le groupe canadien Centerra Gold, une des principales ressources de ce pays très pauvre d’Asie centrale.
Alors que des affrontements se sont produits dans la matinée entre forces de l’ordre et manifestants près de la mine de Kumtor, située à 350 km à l’est de la capitale Bichkek, le président kirghize Almazbek Atambaïev a signé un décret instaurant l’état d’urgence jusqu’au 10 juin dans le district, avec un couvre-feu de Atambaïev à 6 h locales.
Les troubles avaient débuté dès jeudi près de ce gisement exploité depuis 1997 par Centerra Gold. Des centaines de manifestants se sont dirigés vers la centrale électrique locale et ont coupé dans la soirée l’alimentation en électricité de la mine.
Pour les manifestants, la mine de Kumtor, poids lourd de l’économie kirghize et plus important investissement étranger dans le pays, devrait être nationalisée. Ils tiennent pour responsables de la concession au groupe canadien les précédents présidents, Askar Akaïev et Kourmanbek Bakïev, tous deux soupçonnés de corruption et renversés par des soulèvements populaires.
La compagnie canadienne a envoyé de son côté une lettre au gouvernement kirghize rappelant qu’elle avait déjà payé 1,2 milliard de dollars (919 millions d’euros) de taxes locales et s’impliquait aussi dans le soutien aux écoles de la région. Centerra Gold a également annoncé dans un communiqué avoir temporairement « suspendu » sa production dans la mine de Kumtor.
Après la coupure de l’alimentation électrique, la police a interpellé 92 personnes, selon le procureur général du Kirghizstan, provoquant la colère de milliers de Kirghizes qui ont réclamé vendredi leur libération. Environ 3000 manifestants se sont rendus dans le village où se trouvaient les personnes arrêtées, bloquant les routes, occupant des bâtiments administratifs et retenant pendant quelques heures en otage un responsable régional.
Le président se montre ferme
Des heurts ont alors éclaté entre les manifestants et les forces de l’ordre qui ont usé notamment de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes pour disperser la foule. Celle-ci a lancé des pierres sur les policiers. Selon un dernier bilan du ministère de la Santé, 55 personnes ont été blessées dans ces affrontements, dont 13 membres des forces de l’ordre. 72 autres personnes ont été arrêtées, selon le vice-premier ministre Chamil Atakhanov.
L’État kirghiz a subi une « perte de 1,4 million de dollars » (environ 1,079 millions d’euros) à cause de la coupure de l’alimentation électrique de Kumtor, a indiqué le gouvernement kirghiz, en soulignant que la production dans les mines stratégiques comme celle-ci ne devrait pas s’arrêter pour une minute.
« Tous les organisateurs de la manifestation pour Kumtor seront punis sévèrement par la loi. Je garantis cela en tant que président du pays, a déclaré M. Atambaïev avant de signer son décret. Nous ne permettrons pas et ne les laisserons pas ruiner et enterrer le pays. »
Le premier ministre Jantoro Satybaldiev a pour sa part jugé que les troubles étaient organisés par « des ennemis du Kirghizstan ».
Située à 4000 mètres d’altitude, près du lac Issyk Koul, la mine est l’une des plus élevées au monde. Depuis plusieurs mois, les habitants manifestent aussi contre son impact négatif sur les écosystèmes très fragiles de cette région.