L’«atelier du monde» ouvre un marché carbone


	L’inclusion des centrales au charbon dans les secteurs ciblés par la Bourse est un geste ambitieux ; elles produisent 70 % de l’énergie du pays. Ici, une cheminée crache de la pollution dans l’air de Pékin.
Photo: Agence France-Presse (photo) Frederic J Brown
L’inclusion des centrales au charbon dans les secteurs ciblés par la Bourse est un geste ambitieux ; elles produisent 70 % de l’énergie du pays. Ici, une cheminée crache de la pollution dans l’air de Pékin.

Shanghaï — La province la plus importante de l’économie chinoise a ouvert le premier marché de crédits d’émissions de carbone du pays. Une étape présentée comme une expérimentation avant de lancer, à plus longue échéance, une plateforme d’échange à l’échelle nationale.

Les entreprises du Guangdong émettant plus de 20 000 tonnes de dioxyde de carbone par an ou qui consomment annuellement plus de 10 000 tonnes de charbon se verront imposer un plafond d’émissions dès 2013. Les autorités locales procéderont à une première vague de distribution gratuite de droits à polluer. Ils s’échangeront ensuite entre entreprises contre rémunération au prix qui s’établira sur le marché par tonne de CO2, probablement dès fin 2013.
 
Dans cette province du sud-est de la Chine, souvent qualifiée à elle seule d’atelier du monde, 827 entreprises sont concernées par ce plan, présenté le 11 septembre et qui pourrait être élargi par la suite.
 
Cela correspond à 42 % de l’énergie consommée par cette région dynamique dont la population a dépassé les 100 millions d’habitants et qui, par son produit intérieur brut, se classerait entre la Turquie et les Pays-Bas.
 
Une première phase s’étendra jusqu’en 2015, au cours de laquelle il faudra ajuster l’allocation des droits à polluer entre acteurs du marché et les mécanismes d’échange. Le calendrier est prudent : une deuxième phase de consolidation est prévue de 2016 à 2020.
 
Neuf secteurs seront ciblés dans un premier temps, dont la métallurgie, la pétrochimie, le textile et la production d’électricité. Inclure les centrales au charbon est un objectif ambitieux, celles-ci fournissant 70 % de l’énergie du pays.
 
Le gouvernement central a imposé au Guangdong de réduire de 19,5 % l’intensité carbone de son économie en 2015 par rapport au niveau de 2010, selon des informations de la presse économique chinoise. Un objectif qui implique de plafonner les émissions à 660 millions de tonnes d’ici à 2015, selon la Commission pour le développement et la réforme, en charge de la planification. C’est la première fois qu’une province évoque un plafond d’émissions en valeur absolue et non en terme relatif par rapport au taux de croissance économique.
 
Cette province est connue pour être le terreau de la réforme en Chine. C’est là qu’a été engagée l’ouverture économique il y a trois décennies. Mais d’autres « marchés pilotes » sont en cours d’élaboration dans cinq villes — Pékin, Tianjin, Shanghaï, Chongquing, Shenzen et une autre province, celle du Hubei.
 
La Chine, premier pollueur de la planète devant les États-Unis, s’est fixée pour objectif de réduire à l’horizon 2020 de 40 % à 45 % ses émissions de CO2 par point de PIB (produit intérieur brut) par rapport au niveau de 2005. Pékin s’interroge sur les moyens d’y parvenir tout en continuant à soutenir le développement industriel, deux trajectoires difficiles à tenir en parallèle.
 
Son douzième plan quinquennal, la feuille de route gouvernementale à l’horizon 2016, prévoit de recourir davantage au marché pour réguler l’impact environnemental des entreprises. Le plan précédent avait au contraire été essentiellement appliqué par voie administrative, menant à des fermetures temporaires d’usines jugées contre-productives tant pour l’environnement que pour l’emploi local.
 
Cette réflexion se généralise rapidement au sein de l’administration centrale. Après avoir longuement observé le fonctionnement du marché de crédits carbone à l’échelle européenne, de loin le plus important au monde, et du Climate Exchange de Chicago, la Chine se convertit à son tour au marché du carbone, un mécanisme pénalisant économiquement les plus gros pollueurs et censé inciter à réduire ainsi les émissions.
 
« L’échange [de crédits] carbone est un moyen important de promotion de l’écologie et de réduction de l’impact des émissions par les mécanismes du marché », a ainsi déclaré Xie Zhenhua, le principal négociateur chinois sur le climat, lors de la cérémonie d’ouverture de cet embryon de bourse des émissions de CO2 basée à Canton.
 
À plus long terme, le lancement d’un marché carbone au niveau national impliquerait toutefois que Pékin impose à chacune de ses provinces un plafond d’émissions fixe. Et donc que la Chine établisse un objectif de réduction de ses émissions de CO2 en valeur absolue. Un pas qu’elle se refuse jusqu’à présent à franchir.

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