Le Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo

Après avoir mis en garde contre l’octroi du prix à un de ses dissidents, Pékin a vivement réagi à cette décision. «Liu Xiaobo est un criminel qui a été condamné par les services chinois de la justice pour avoir violé le droit chinois», a souligné le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié après l’annonce de la distinction par le comité Nobel à Oslo.

L’octroi du Nobel de la paix à Liu Xiaobo «va complètement à l’encontre des principes du prix et constitue également un blasphème pour le prix Nobel de la paix». Pékin ajoute que cette décision va nuire aux relations bilatérales entre la Chine et la Norvège.

Liu Xiaobo a été récompensé «pour son long combat, non violent, pour les droits fondamentaux de l’Homme en Chine». Le comité Nobel ajoute croire depuis longtemps qu’il existe un «lien étroit» entre la paix et les droits de l’Homme. Et de rappeler que dans son testament, Alfred Nobel estimait que ces droits étaient un préalable à la «fraternité entre les nations».

Condamné pour subversion

Au terme d’un procès éclair, le dissident chinois a été condamné le 25 décembre dernier à onze ans de prison pour incitation à la subversion du pouvoir de l’État, un chef d’accusation relativement vague, souvent utilisé à l’encontre des opposants politiques et défenseurs des droits de l’Homme.

Il avait cosigné un appel aux réformes politiques fin 2008. La «Charte 08», comme elle avait été intitulée, demandait l’extension des libertés politiques et la fin de la domination du parti communiste chinois. Elle avait été signée par plus de 300 personnes, dont certains des plus grands intellectuels du pays.

Le texte faisait écho à la «Charte 77», le célèbre appel aux droits de l’Homme qui avait entraîné la «Révolution de velours» en 1989 dans ce qui était encore la Tchécoslovaquie.

«La Chine est devenue une grande puissance en termes économiques, ainsi que politiques, et il est normal que les grandes puissances fassent l’objet de critiques», a souligné le président du comité Nobel, Thorbjorn Jagland.

Contrairement à d’autres en Chine, Liu Xiaobo, 54 ans, prône un changement politique progressif, et surtout pacifique, plutôt qu’une confrontation violente avec le gouvernement. Cet ancien professeur à l’École normale de Pékin avait été arrêté quelques heures avant la diffusion de la «Charte 08» en décembre 2008.

Un militant pacifique

En 1989, de retour des États-Unis après avoir enseigné à l’Université de Columbia, ce fils de soldat avait participé au soulèvement étudiant de la place Tiananmen. Lui et trois autres militants plus âgés avaient convaincu des étudiants de quitter les lieux de façon pacifique quelques heures avant la répression sanglante du 4 juin. Liu avait effectué 20 mois de détention avant d’être remis en liberté en 1991 pour avoir fait acte de repentance et rendu «d’importants services méritoires», selon les médias à l’époque.

Cinq ans plus tard, il avait été envoyé dans un camp de rééducation par le travail pendant trois ans pour avoir co-écrit une lettre ouverte demandant la destitution du président chinois de l’époque, Jiang Zemin.

Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a réitéré aujourd’hui l’appel de Paris à la libération du dissident. «Le comité Nobel, qui fait ses choix de manière indépendante, a voulu adresser un message fort à tous ceux qui militent pacifiquement pour la promotion et la protection des Droits de l’Homme», observe-t-il.

L’organisation Reporters sans frontières a accueilli cette nouvelle «avec une immense émotion», évoquant «un geste d’une portée historique en faveur du mouvement pour la liberté d’expression en Chine». «Nous y voyons un message d’espoir pour le lauréat (...) mais également pour les dissidents en détention à travers le monde et pour le peuple chinois», souligne RSF dans un communiqué.

«Les menaces de représailles des autorités chinoises n’auront pas suffi pour apeurer le comité Nobel et les autorités norvégiennes. C’est une leçon pour tous les gouvernements démocratiques qui plient trop souvent face aux pressions de Pékin», ajoute l’organisation.

Cette année, un record de nominations avait été enregistré, avec 237 candidats à cette distinction. Liu était considéré comme favori et avait reçu le soutien de précédents lauréats, notamment l’archevêque sud-africain Desmond Tutu et le Dalaï Lama, qui a d’ailleurs demandé aujourd’hui de libérer le lauréat.

 L’an dernier, le président américain Barack Obama avait été honoré.


 

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