Le Népal et sa guérilla maoïste - Le processus de paix avance à grande vitesse

Jeunes maoïstes népalais.
Photo: Jeunes maoïstes népalais.

Katmandou — Armés de gigantesques scies, une dizaine d'hommes en treillis s'acharnent sur un tronc dans la petite clairière ensoleillée. Tout autour, dans la forêt, les coups de hache résonnent à longueur de journée. Descendus des montagnes après l'accord de paix signé le mois dernier, les rebelles maoïstes sont en train d'ériger ici un des sept grands camps dans lesquels ils ont promis de se regrouper jusqu'aux élections. En attendant l'arrivée des observateurs des Nations unies, chargés de veiller sur les armes, les AK-47 et autres lance-roquettes sont pour l'instant bien en vue, appuyés contre des arbres. «Nous avons séparé les armes des munitions, seuls les soldats affectés à la garde du camp sont armés», précise toutefois un «officier» en désignant deux hommes en uniforme sur une plate-forme surélevée, protégés par des sacs de sable.

Éparpillés dans la forêt alentour, les différentes brigades de la septième division de l'Armée de libération populaire s'affairent à couper les arbres pour construire des cahutes en bois. «Il n'y a rien ici, nous devons tout construire nous-mêmes», explique Shiva, commandant de brigade, en faisant visiter ce camp improvisé, à l'ouest du Népal. «Mais nous avons l'habitude de mener une vie dure, et puis, comme on ne se bat plus, ça nous permet au moins de maintenir notre forme physique.»

En l'absence du commandant de la division, la plupart des guérilleros hésitent à parler librement. Mais, manifestement, tous sont ravis de pouvoir enfin souffler. «C'est la première fois depuis des années que je n'ai pas mon fusil sur l'épaule, c'est un peu comme des vacances pour moi», rigole Roshan, 23 ans, en racontant sa vie de maquisard. «Je suis heureux que la paix soit revenue, conclut-il. Cela n'a jamais été agréable de devoir tirer sur nos frères népalais. Mais nous n'avions pas le choix, il fallait lutter contre l'oppresseur. Désormais, la lutte se poursuivra au niveau politique.»

Il y a encore quelques mois, l'hypothèse de voir les maos rejoindre le processus démocratique semblait inimaginable. Mais depuis que les manifestations massives du mois d'avril ont forcé le roi Gyanendra à renoncer aux pleins pouvoirs, le processus de paix avance à toute vitesse, sans que la communauté internationale ait eu besoin de s'en mêler. Toujours considérés par les États-Unis comme une «organisation terroriste», les maoïstes népalais sont ainsi sur le point d'entrer au gouvernement et au Parlement. «Pas avant que les armes ne soient sous le contrôle de l'ONU», martèle toutefois Ram Sharan Mahat, le ministre des Finances, qui ne cache pas sa méfiance envers ses futurs partenaires au sein de la coalition gouvernementale. «Nous devons rester sur nos gardes, ce processus de paix pourrait être un complot de leur part», affirme ce leader du Congrès népalais, le plus important parti du pays.

«La situation est encore très incertaine», acquiesce Yubraj Ghimre, rédacteur en chef de l'influent hebdomadaire Samay. «Nous sommes clairement sur le chemin de la paix, mais les maos doivent encore dissiper les doutes qui subsistent sur leur volonté réelle de rejoindre une fois pour toutes le processus démocratique.» De fait, les leaders de la rébellion restent flous sur leur détermination à ne pas reprendre les armes. «Nous avons déplacé notre lutte du champ militaire au champ politique», affirme ainsi Krishna Bahadur Mahara, porte-parole et principal négociateur de la guérilla. Avant d'ajouter, quelques minutes plus tard, que «la lutte armée ne peut pas être totalement exclue».

Un discours d'autant plus gênant que personne ne peut garantir que les maos placeront bien l'intégralité de leur arsenal sous le contrôle de l'ONU puisque, par définition, personne ne sait de combien d'armes ils disposent. «Il est difficile de les croire sur parole, mais de toute façon, il n'y a pas d'autre choix», résume un diplomate en poste à Katmandou.

En définitive, les maos népalais ont donc réussi un étonnant tour de force en parvenant à se faire accepter comme un parti politique alors qu'ils sont pour l'instant toujours en possession de leurs armes et n'ont toujours pas dissous leurs «gouvernements populaires» qui règnent sur une bonne partie des campagnes.

Les recrutements, parfois forcés, se sont également poursuivis ces derniers mois, en violation de l'accord de cessez-le-feu signé en juin, tout comme le prélèvement de l'«impôt révolutionnaire». Les intéressés, pourtant, ne voient pas où est le problème: «Tant que nous ne sommes pas au gouvernement, il y a toujours deux États dans ce pays», rétorque sans hésiter Babu Ram Bhattarai, le numéro deux du mouvement. Et d'accuser les «forces royalistes et impérialistes» de chercher à ralentir leur intégration à la vie politique, États-Unis en tête.

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«Les maos doivent changer de discours, ils ne peuvent pas éternellement taxer d'impérialisme tous ceux qui osent remettre en question leur sincérité», estime Yubraj Ghimre. «Ils doivent surtout changer de langage, apprendre à se comporter en politiciens et non plus en guérilleros», ajoute un diplomate. En d'autres termes, la transition du maquis au Parlement s'annonce difficile pour ces combattants habitués à régner par la force. Pour l'heure, l'urgence réside toutefois dans l'arrivée rapide des observateurs de l'ONU afin de régler l'empoisonnante question des armes. Le cas échéant, les élections prévues en juin pourraient en effet être repoussées, auquel cas «tout le processus de paix pourrait dérailler», a averti cette semaine Babu Ram Bhattarai.

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