Une déforestation record l’an dernier en Amazonie

Une rupture des négociations pour un accord de libre-échange avec le Canada vise à condamner l’effet dévastateur des politiques du président Jair Bolsonaro sur la forêt amazonienne.
Photo: Florian Plaucheur Agence France-Presse Une rupture des négociations pour un accord de libre-échange avec le Canada vise à condamner l’effet dévastateur des politiques du président Jair Bolsonaro sur la forêt amazonienne.

Un geste fort pour dénoncer une déforestation en hausse. Des écologistes canadiens appellent le gouvernement de Justin Trudeau à mettre fin immédiatement aux discussions en cours avec le Brésil pour un accord de libre-échange entre les deux pays. Cette rupture vise à condamner l’effet dévastateur des politiques du président populiste Jair Bolsonaro sur la forêt amazonienne.

Entre août 2019 et juillet 2020, plus de 11 000 km2 de cette région du Brésil sont en effet partis en fumée, soit un des niveaux de déforestation le plus élevés depuis 12 ans, a indiqué lundi en soirée l’Institut National de Recherches spatiales (INPE) brésilien qui analyse depuis des années par images satellites l’avancée des dégâts dans le poumon vert de la Terre. Il s’agit d’une croissance de 9,5 % par rapport à l’année précédente.

« Il faut arrêter les négociations en cours sur l’accord de libre-échange avec le Brésil, a résumé en entrevue au Devoir mardi Reykia Fick, responsable de la campagne sur les forêts chez Greenpeace Canada. Cet accord va avoir pour effet d’accroître les exportations de produits brésiliens vers le Canada, comme la viande ou le soya, qui contribuent à la déforestation de l’Amazonie. Et le Canada ne peut plus cautionner cela. »

L’union douanière Mercosur

Le Brésil est le morceau le plus important de l’union douanière sud-américaine Mercosur qui englobe également l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, et avec qui Ottawa est entré en discussion en 2018 pour établir une zone libre-échangiste.

Les seules exportations de viandes et de bétails brésiliens sont responsables de la déforestation de 742 km2 de forêt amazonienne par an, selon une étude de l’Institut de recherche sur la Terre et le Climat de l’Université catholique de Louvain en Belgique publiée mardi dans les pages du PNAS, publication scientifique de la National Academy of Sciences des États-Unis. Cela représente deux fois la ville de Montréal.

Dans la dernière année, l’utilisation du feu pour accroître les terres agricoles, pour l’élevage et les cultures de masse, a fait disparaître en forêt amazonienne l’équivalent de la superficie de la Montérégie.

La consommation de poulet au Royaume-Uni contribue à cette déforestation, selon une enquête publiée cette semaine par The Guardian, en raison du soya utilisé pour nourrir les volatiles. L’an dernier, plus de 1 million de tonnes provenaient en effet des régions du Brésil où le feu est mis à contribution pour étendre les superficies agricoles.

« En raison d’une telle déforestation, le Brésil est probablement le seul émetteur majeur de gaz à effet de serre qui a réussi à augmenter ses émissions pendant une année au cours de laquelle l’économie mondiale était paralysée », a commenté lundi l’Observatoire du climat, un groupe d’ONG du Brésil.

Les écologistes s’insurgent face à la destruction de ce vaste territoire forestier qui joue un rôle essentiel dans le contrôle des changements climatiques, en raison de sa capacité d’absorption du carbone. Un carbone rejeté dans l’atmosphère par la mort et la destruction des arbres.

Les feux de forêt

 

« La croissance de la déforestation est une nouvelle affligeante, même si on la voyait venir en raison des feux de forêt qui ont été d’une très grande ampleur cette année », dit Mme Fick. Il y en a eu 40 % de plus qu’en 2018, selon l’INPE. « Ces incendies sont attisés par les attaques de Bolsonaro contre les droits des minorités vivant sur ce territoire et contre les lois environnementales », ajoute-t-elle.

Depuis son arrivée au pouvoir, le président brésilien, un climatosceptique notoire, ne cache pas son parti pris en faveur des industriels agricoles et des prospecteurs miniers de l’Amazonie et son mépris des peuples autochtones qu’il considère comme des entraves au développement économique de ces régions forestières.

En octobre, le président américain désigné, Joe Biden, a menacé le Brésil de « sanctions économiques significatives » si la déforestation se poursuivait en Amazonie. Une menace accueillie avec sarcasme par Bolsonaro qui a mis en garde le démocrate contre la « réaction explosive » que cela pourrait engendrer.

« La pression internationale a le plus d’effet sur Bolsonaro et ses politiques, dit Mme Fick. Il est essentiel, dans ces circonstances, que notre gouvernement se fasse entendre pour dénoncer les violations des droits humains et de l’environnement au Brésil. »

Mardi, les questions du Devoir adressées au ministère des Affaires étrangères du Canada sur la place qu’Ottawa compte faire au respect de l’environnement, au reboisement et à la protection des minorités de l’Amazonie dans les négociations en cours de l’accord de libre-échange sont restées sans réponse.

Lundi prochain, une pétition appelant le gouvernement à sortir de son mutisme pour dénoncer le gouvernement de Bolsonaro et mettre fin aux négociations en cours avec le Brésil doit être déposée officiellement à la Chambre des communes. Plus de 4300 citoyens l’ont signée.

Avec l’Agence France-Presse

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