L’aide humanitaire: principal levier dans le bras de fer vénézuélien

L’aide humanitaire envoyée par le gouvernement américain vers le Venezuela reste bloquée en Colombie.
Photo: Raul Arboleda Agence France-Presse L’aide humanitaire envoyée par le gouvernement américain vers le Venezuela reste bloquée en Colombie.

L’entrée au Venezuela de denrées et de médicaments, qui commencent à être stockés aux portes du pays pétrolier, est au coeur du duel politique entre les deux hommes qui se disputent le pouvoir : l’opposant Juan Guaidó et le président Nicolás Maduro.

Juan Guaidó, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, a appelé l’armée à laisser passer cette aide humanitaire, essentiellement américaine pour le moment, destinée aux populations les plus vulnérables, soit quelque 300 000 personnes.

De son côté, le chef de l’État socialiste assure que la pénurie de médicaments et de nourriture est liée aux sanctions américaines. Il a promis de bloquer ce qu’il appelle « le spectacle de la prétendue aide humanitaire ».

Celle-ci « est au centre de la lutte entre deux blocs de pouvoir », déclare à l’AFP le politologue Luis Salamanca.

Le bras de fer « se situe du côté des forces armées : Guaidó qui essaye de mettre les militaires de son côté et Maduro qui tente de les garder dans son camp », ajoute-t-il.

À l’aide d’une citerne, de deux conteneurs, de barrières et de blocs de béton, l’armée vénézuélienne bloque depuis jeudi le pont frontalier de Tienditas.

À quelques centaines de mètres de là, côté colombien, se trouvent les hangars où commence à être stockée l’aide d’urgence.

Pour John Magdaleno, directeur du cabinet Polity, le duel autour de ces denrées est un « événement majeur » qui « conduit inévitablement à une escalade » entre le gouvernement et l’opposition, mais aussi entre Nicolás Maduro et les pays qui soutiennent son adversaire.

« Finalement, ceci est entre les mains des États-Unis, c’est ceux qui ont la capacité […] de faire usage de la force », explique-t-il à l’AFP.

Le gouvernement de Donald Trump, qui a répété qu’une intervention militaire au Venezuela était une « option », a gelé les comptes des dirigeants chavistes (du nom du défunt président socialiste Hugo Chávez) et annoncé de nouvelles sanctions visant à empêcher Nicolás Maduro d’avoir accès aux revenus du brut vénézuélien qui est vendu aux États-Unis.

Avant un éventuel recours à la force, Washington est en train « d’épuiser tous les recours », mais « ce chapitre de l’aide humanitaire est le prélude à une escalade du conflit beaucoup plus importante qui pourrait impliquer une intervention militaire », juge John Magdaleno.

Cependant, selon la secrétaire d’État américaine adjointe chargée des Amériques, Kimberly Breier, Washington ne prévoit pas d’« entrer de force sur le territoire vénézuélien » pour y distribuer la nourriture et les médicaments.

Les Nations unies se disent prêtes à envoyer de l’aide d’urgence au Venezuela, mais seulement avec l’accord de Caracas.

« L’aide humanitaire ne devrait jamais être utilisée comme une pièce politique », a déclaré jeudi le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric.

Une crise qui perdure

 

Le Venezuela est englué depuis des années dans une grave crise politico-économique. Les expropriations ont affecté l’industrie nationale, et l’effondrement de la production pétrolière, qui finance 96 % du budget national, limite les importations des produits de première nécessité. Plus de 80 % des médicaments et du matériel médical manquent dans ce pays pétrolier, selon la Fédération pharmaceutique.

Nicolás Maduro accuse les États-Unis de mettre en place une « coalition internationale » pour « commettre la folie d’intervenir militairement au Venezuela sous le prétexte d’une crise humanitaire inexistante ».

Pour l’ex-président du Parlement, l’opposant Henry Ramos Allup, le refus du gouvernement de laisser entrer l’aide d’urgence « expose davantage aux yeux du monde leur violation des droits de la personne ».

Le camp anti-Maduro dénonce l’envoi, malgré la situation actuelle, de 100 tonnes d’aide humanitaire à Cuba, récemment frappée par une tornade.

Le gouvernement fait face à un « dilemme stratégique », car, « quelle que soit sa décision, il est perdant », souligne le consultant John Magdaleno.

S’il cède, en laissant passer l’aide, il reconnaît implicitement l’existence d’une crise humanitaire ; s’il refuse, comme il l’a promis, il s’expose à la colère de la population.

« Maduro va s’imposer. Ça n’a plus grande importance pour lui, il est en train de jouer un jeu [qui semble être dans une] phase terminale », ce qui menace son maintien au pouvoir, conclut Luis Salamanca.

Retenir l’aide humanitaire serait un « crime contre l’humanité », selon Guaidó

L’opposant Juan Guaidó, reconnu par une cinquantaine de pays comme président intérimaire du Venezuela, a averti dimanche les militaires qu’empêcher l’entrée de l’aide humanitaire, stockée en Colombie, fait d’eux des « quasi-génocidaires » car c’est un « crime contre l’humanité ».

 

« Il y a des responsables et que le régime [Maduro] le sache. C’est un crime contre l’humanité, messieurs de la Force armée », a déclaré à la presse l’opposant au président Nicolás Maduro, à la sortie de la messe à Las Mercedes, quartier de l’est de Caracas, accompagné de son épouse, Fabiana Rosales, et de leur bébé de 20 mois.

 

Juan Guaidó, chef du Parlement où l’opposition est majoritaire, a affirmé que les militaires se convertissent en « bourreaux » et en « quasi-génocidaires », par « action » quand « ils assassinent » de jeunes manifestants et par « omission » quand « ils empêchent l’aide humanitaire » d’entrer au Venezuela.

 



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