La baisse de l’espérance de vie dans certains comtés aurait favorisé l’élection de Donald Trump

Le sursaut des taux de mortalité pourrait avoir des conséquences politiques inattendues. Notamment celles d’avoir créé un terrain propice à la victoire de Donald Trump aux élections de 2016.
L’impact d’indicateurs socioéconomiques comme l’âge, le sexe, le revenu ou le niveau d’éducation sur le comportement électoral n’est plus à démontrer. Or, une récente étude ajoute à ce lot un facteur supplémentaire : celui du taux de mortalité.
Une comparaison des données sur l’espérance de vie, réalisée dans la totalité des comtés américains par des chercheurs de l’Université de Columbia, établit en effet une corrélation entre les comtés où cet indicateur de santé a régressé ces dernières années et ceux où le Parti républicain a fait le plus de gains, propulsant la victoire du candidat milliardaire.
Publiée dans le Journal of General Internal Medicine, l’étude compare le vote accordé aux républicains et aux démocrates dans 3112 comtés aux élections de 2008 et 2016 et révèle que le taux de mortalité était de 15 % supérieur là où les républicains ont fait les plus forts gains, comparativement à ceux où les démocrates ont accru leurs appuis. Plus encore, l’étude avance que le taux de mortalité dû à l’alcool, aux drogues et aux suicides était 2,5 fois plus élevé dans les comtés où le parti républicain a accru son emprise que dans ceux où Hillary Clinton a fait le plein d’appuis.
Ces résultats font écho à une autre étude, publiée en juin, démontrant que Trump a obtenu 60 % du vote populaire dans les comtés où sont prescrits le plus d’opioïdes aux États-Unis, comme le Vicodin et l’OxyContin.
« On a souvent dit que Trump avait reçu plus de votes des électeurs blancs, ruraux, malmenés économiquement, notamment les gens âgés, moins éduqués. Mais nous pouvons ajouter que la baisse de l’espérance de vie en soi, un important marqueur du découragement, du désespoir et de la peur, pourrait avoir influencé les électeurs qui ont appuyé Trump », soutient le Dr Lee Goldman, auteur principal et doyen de la Faculté de médecine et des sciences à l’Université Columbia.
Si on ne peut parler de lien de causalité direct, il existe une corrélation entre le recul de l’état de santé et l’appui accordé à Trump, dit-il. Le candidat républicain a « surperformé » dans les comtés balayés par les décès liés à la détresse et au découragement, souvent appelés « morts du désespoir ».
Ce type de mortalité, dopé par la crise des opioïdes, a doublé entre 2000 et 2015, et a contribué à ramener de 78,9 à 78,6 l’espérance de vie aux États-Unis depuis 2012. Même faible, soutient le Dr Goldman, ce ressac pourrait avoir influé sur le cours des choses dans les États du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie où Trump l’a emporté par moins d’un point de pourcentage.
Mais le démographe de l’Université de Montréal Robert Bourbeau accueille ces conclusions avec prudence, compte tenu de la méthodologie retenue. Il faut distinguer corrélation et causalité, nuance-t-il.
« Aucune étude semblable n’a été faite au Québec, affirme le Dr Jean Poirier, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Mais d’autres études ont tracé un lien clair entre le niveau des inégalités sociales et le degré de confiance de la population. Or, les États-Unis sont parmi les pays où les inégalités sociales sont les plus marquées. Il ne serait pas étonnant qu’il y ait une association entre le climat de méfiance ambiant et l’adhésion à un discours comme celui de Donald Trump. »