Présidentielle en Colombie: la droite dure l’emporte

À Bogotá, dimanche, des partisans du Centre démocratique d’Iván Duque ont célébré son élection.
Photo: John Vizcaino Agence France-Presse À Bogotá, dimanche, des partisans du Centre démocratique d’Iván Duque ont célébré son élection.

Le candidat de droite, Iván Duque, a remporté dimanche le second tour de l’élection présidentielle en Colombie, à l’issue d’un duel inédit avec un représentant de la gauche, Gustavo Petro. L’homme de 41 ans succède ainsi à Juan Manuel Santos.

Selon des résultats officiels portant sur 96,99 % des suffrages dépouillés, le champion de la droite dure, candidat du Centre démocratique (CD), a recueilli 54,07 % des voix, devenant le plus jeune président de Colombie depuis 1872. Son adversaire du mouvement Colombie humaine, qui a récolté 41,72 % du suffrage, est tout de même le premier candidat de gauche à atteindre le second tour d’une présidentielle.

Peu après l’annonce des résultats, Gustavo Petro a reconnu sa défaite. « Pour le moment, nous n’allons pas gouverner », a tweeté l’ancien maire de Bogotá et ex-guérillero du M-19 dissous. Le scrutin, marqué par une participation de 52,18 %, était crucial pour l’avenir de l’accord de paix avec l’ex-guérilla des FARC, que la droite entend réviser. Dauphin de l’ex-président Alvaro Uribe (2002-2010), farouche opposant à l’accord avec les FARC, Iván Duque a promis de modifier ce texte selon lui trop laxiste envers les ex-chefs guérilleros. L’accord, qui a permis le désarmement de 7000 rebelles, a valu à Santos le prix Nobel de la paix, mais aussi une impopularité de 80 % dans ce pays de 49 millions d’habitants.

Punitions et libre marché

 

Affable, tout en rondeurs, Duque, récent sénateur, était arrivé en tête du premier tour le 27 mai devant Petro, mais sans dépasser les 50 % qui lui auraient permis de l’emporter d’entrée de jeu comme son mentor par le passé.

Avocat diplômé en économie, Duque représente cette moitié de la Colombie « indignée » par les « concessions » à l’ex-rébellion des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), en échange de sa reconversion à la politique après plus de 50 ans de guerre. « Nous voulons que ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité reçoivent des sanctions proportionnelles, incompatibles avec la représentation politique », a dit le nouvel élu à l’AFP.

Duque, qui qualifie le président vénézuélien Nicolás Maduro de « dictateur » et « génocidaire », est aussi le porte-parole des Colombiens qui craignent que le pays suive la pente du voisin en faillite.

Il est surtout la preuve que les idées du controversé mais populaire Uribe — secteur privé, valeurs traditionnelles et main de fer contre les guérillas — font toujours recette huit ans après son départ de la présidence.

Au sein de son parti, le Centre démocratique (CD), certains affirment que Duque doit tout à son mentor ; l’opposition lui reproche d’en être la « marionnette », ce dont il s’est défendu à de multiples reprises.

« Personne encore ne sait s’il a des critères propres ou s’il va obéir aux ordres », selon l’analyste Fabian Acuña, professeur de l’Université Javeriana.

Son premier mandat ne date que de quatre ans, comme sénateur. Mais « il a la politique dans le sang depuis tout jeune », dit José Obdulio Gaviria, un des idéologues de l’uribisme.

Né à Bogotá le 1er août 1976, il a appris de son père, Iván Duque Escobar, un libéral à la longue carrière. Mais c’est Juan Manuel Santos, alors ministre, qui l’a initié dans les années 1990 comme Aux États-Unis, il rencontre Uribe qui l’inclut dans sa liste pour le Sénat aux législatives de 2014.

« Iván est très intelligent et je suis sûr qu’il a devant lui un avenir brillant », a écrit Uribe dans son livre No hay causa perdida (« Il n’y a pas de cause perdue », 2012).

La gauche défaite

 

À gauche, le vote, divisé, a pâti de la présence des guérillas. Gustavo Petro, qui entendait appliquer le pacte négocié de longue haleine par Santos, a qualifié ce vote d’« historique » dans le courant de la journée. Les deux adversaires s’opposaient aussi sur le dialogue avec l’Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla du pays, en cessez-le-feu pour le scrutin. Gustavo Petro comptait le poursuivre ; Iván Duque promet de durcir la position gouvernementale.

Dans les derniers jours, les deux candidats avaient limité les déclarations, tentant de nouer des alliances. Le report des voix du centre, dont un candidat, Sergio Fajardo, a obtenu 23,7 % au premier tour, pourrait peser. Le vote blanc aussi.

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