Venezuela: levée de boucliers internationale contre l’arrestation de deux chefs de l’opposition

Leopoldo Lopez et Antonio Ledezma ont été arrêtés en pleine nuit chez eux.
Photo: Agence France-Presse Leopoldo Lopez et Antonio Ledezma ont été arrêtés en pleine nuit chez eux.

Les condamnations internationales se multipliaient mardi après l’arrestation au Venezuela de deux figures de l’opposition, à quelques heures de la prise de fonction de la toute puissante Assemblée constituante voulue par le président socialiste Nicolas Maduro et élue dimanche dans le sang.

Les États-Unis ont exprimé mardi leur « profonde inquiétude » après cette double incarcération, considérée comme une « nouvelle preuve de l’autoritarisme du régime » vénézuélien. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé les autorités « à faire tous les efforts possibles pour réduire les tensions » dans ce pays pétrolier au bord de l’abîme.

Leopoldo Lopez, 46 ans, fondateur du parti Voluntad Popular (Volonté populaire, droite), et le maire de Caracas, Antonio Ledezma, 62 ans, ont été arrêtés en pleine nuit chez eux, selon des vidéos relayées sur Internet. Tous deux avaient déjà été emprisonnés et avaient récemment été assignés à résidence.

« Nous avons reçu des informations des services de renseignement qui faisaient état d’un plan d’évasion », a expliqué la Cour suprême (TSJ) dans un communiqué où il est également précisé que les deux opposants n’ont pas respecté leurs « conditions de détention » à domicile interdisant tout « prosélytisme politique », pour l’un, et toute « déclaration à un quelconque média », pour l’autre.

MM. Lopez et Ledezma avaient appelé à ne pas participer à l’élection de la Constituante dimanche, un scrutin marqué par des violences qui ont fait dix morts. Leurs avocats ont rejeté la tentative de fuite, tandis que le président du Parlement, l’opposant Julio Borges, qualifiait l’argument du TSJ de « ridicule ».

Dans une vidéo datant de la mi-juillet mais diffusée mardi par ses proches sur son compte Twitter, Lopez appelle à continuer la lutte.

Dimanche, opposants et forces de l’ordre s’étaient alors affrontés à Caracas et dans d’autres villes lors de batailles rangées. Plus de 120 personnes au total ont été tuées en quatre mois de manifestations anti-Maduro. Selon l’ONG Foro Penal, le Venezuela compte quelque 490 « prisonniers politiques ».

La coalition de l’opposition Table de l’unité démocratique (MUD) a appelé à une nouvelle manifestation mercredi dans la capitale.

Élections « illégitimes »

L’élection — pour une durée indéterminée — des 545 membres de la Constituante a été qualifiée de triomphe « historique » par M. Maduro.

L’opposition, qui contrôle le Parlement depuis 2016, a boycotté ce scrutin en dénonçant une « fraude » visant à prolonger le pouvoir de M. Maduro, dont le mandat s’achève en 2019.

Qualifiant ces élections d’« illégitimes » et M. Maduro de « dictateur », Washington a annoncé de nouvelles sanctions avec le « gel de tous les avoirs » du président vénézuélien aux États-Unis, une mesure extrêmement rare contre un dirigeant en exercice.

M. Maduro est le quatrième chef d’État seulement à être ainsi sanctionné par Washington, rejoignant les présidents syrien, Bachar sl-Assad, nord-coréen, Kim Jong-un, et zimbabwéen, Robert Mugabe.

La nouvelle Assemblée, qui doit s’installer entre mercredi et jeudi au siège du parlement, se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l’État, et doit rédiger une nouvelle Constitution.

Un pas dans la mauvaise direction

 

L’opposition a assuré que le pouvoir législatif continuerait de siéger malgré l’élection de la Constituante.

La nouvelle arrestation des deux chefs de l’opposition a provoqué de nombreuses condamnations internationales.

« C’est assurément un pas dans la mauvaise direction », a estimé une porte-parole de la haute représentante de l’UE, Federica Mogherini. Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a demandé des sanctions — par un gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager dans l’UE — à l’encontre des « membres du gouvernement vénézuélien, y compris son président Nicolas Maduro et son entourage ». Une position soutenue par l’Espagne.

De son côté, le Brésil a sommé le Venezuela de « relâcher immédiatement » les deux opposants, et l’Italie a qualifié leur arrestation d’« inacceptable ».

Une dizaine de pays, des États-Unis à la Colombie, en passant par l’Argentine ou l’Espagne, ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas la Constituante.

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