Venezuela: quel pouvoir pour l’Assemblée constituante?

L’institution élue dimanche au Venezuela dans la controverse et la violence doit entrer en fonction ce mercredi. Éclairage avec Ricardo Peñafiel, professeur associé à l’Université du Québec à Montréal et cofondateur du Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine.
Quel est le rôle d’une Assemblée constituante ?
Sa mission première est d’écrire une nouvelle Constitution. Le modèle n’est pas nouveau. En Amérique latine, on l’a vu à plusieurs reprises depuis 1991 avec la Colombie. Le pays traversait alors une crise de légitimité du pouvoir. Le Nicaragua avait suivi, puis le Venezuela en 1999 à l’arrivée d’Hugo Chávez. On part du principe que si c’est le système politique qui est dysfonctionnel, on va donner davantage de pouvoir au peuple, en permettant à différents secteurs et communautés (ouvrier, agriculteurs, autochtones…) d’être directement représentés. Sur papier, c’est une sorte de démocratie participative permettant une plus grande représentation populaire.
Quels sont les pouvoirs de l’Assemblée constituante ?
Puisqu’elle doit en principe oeuvrer à une nouvelle république, elle doit avoir le champ libre pour ça. Raison pour laquelle elle dispose des pleins pouvoirs et se situe au-dessus de toutes les autres institutions gouvernementales, y compris le président lui-même. Elle pourra aussi décréter des lois.
En 1999, Hugo Chávez avait appelé au vote pour une Assemblée constituante, qui n’a pas été décriée comme l’est celle qui vient d’être élue. Quelles différences entre ces deux situations ?
La différence majeure est que Chávez avait consulté la population par référendum sur sa volonté d’opter ou non pour une Constituante. L’Assemblée alors élue disposait d’une légitimité qui fait défaut à celle qui entrera en fonction cette semaine, puisque Maduro a refusé de procéder à un référendum.
Le Parlement est aux mains de l’opposition depuis décembre 2015. Comment explique-t-on que le président ait pu glisser vers toujours plus d’hégémonie ?
Dans les faits, la Cour suprême, rangée aux côtés de Nicolas Maduro, a systématiquement fait barrage à l’Assemblée nationale, invoquant des outrages aux institutions d’État. Il faut aussi rappeler que Maduro n’a jamais reconnu cette assemblée. Ses décisions sont ainsi demeurées symboliques.
À quoi peut-on s’attendre dans un avenir rapproché ?
On peut d’abord présumer que la Constituante abolira l’Assemblée nationale élue en 2015. Luisa Ortega-Díaz, procureure générale et figure de la dissidence chaviste, pourrait être rapidement destituée. Elle incarne les soutiens historiques de Chávez, désaffiliés des actions de Nicolas Maduro. On peut aussi s’attendre à ce que la Constituante vote des lois pour combattre le terrorisme : Maduro considérant les opposants comme des terroristes, il s’arrogerait ainsi la légitimité de réprimer plus violemment encore les manifestations.
Glisse-t-on vers une dictature ?
On va vers de plus en plus d’autoritarisme, vers un gouvernement monolithique avec des institutions non pluralistes, et vers un degré de répression de plus en plus élevé. Ce qui se passe est à la fois très choquant et très inquiétant. Que Maduro ait refusé de reconnaître le Parlement en 2015 fait en sorte qu’on est aujourd’hui dans une situation insoluble. Les tables de concertation ont été des mascarades pour gagner du temps. Maduro se rit de l’opposition et s’enfonce dans une crise sociale, politique et économique. Mais il a tous les pouvoirs, donc ça peut durer longtemps.
Quel peut être le rôle de la communauté internationale aujourd’hui, alors que depuis des mois, des voix à l’intérieur du Venezuela annoncent et dénoncent le déclin démocratique à présent reconnu ?
C’est délicat, parce que le gouvernement utilise l’intervention internationale pour alimenter son discours contre l’impérialisme et l’ingérence. Il rend ainsi légitimes ses actions, arguant qu’il défend la souveraineté nationale en réprimant l’opposition, soutenue par l’extérieur.