Les images vont revenir

Verly Dabel
Photo: Mémoire d'encrier Verly Dabel

Né à Ouanaminthe, Haïti, en 1964, Verly Dabel est fondateur du Centre Pen-Haïti. De son vivant, Georges Anglade le considérait comme un lodyanseur né, un diseur de lodyans, ces histoires et contes merveilleux racontés dans les lakou des cases à la campagne une fois la nuit tombée et dans les veillées funèbres pour égayer l’assemblée et la tenir éveillée. Nouvelliste, chroniqueur et essayiste, il a publié chez Mémoire d’encrier Éloge des ténèbres (2012) et Je ne vais rien te cacher, lettres à Georges Anglade (2015).

Janvier. Bientôt le 12. Je fais mine de ne pas y penser, mais les images d’apocalypse vont ressurgir : milliers de maisons à genoux, montagnes de cadavres, rescapés zombies, boucherie d’amputations.

Depuis ce douze-là, je suis marqué par le sort de ces enfants innocents, prisonniers du béton, alors que les taulards de la Grande Prison s’échappaient, indemnes. Un dieu moqueur a dû passer par là.

Nos voisins nous ont offert un campus, les grands du Nord ont donné des papiers à nos travailleurs illégaux, certains ont annulé nos dettes, ont promis les milliards de la reconstruction. De partout on nous a envoyé nourriture et médicaments. Mais on ne va pas mieux. Il faut au malade bien plus que les tisanes de la charité.

Aux écrivains comme moi, on ne cesse de demander quoi faire. Vous savez, vous ? Nos plumes seront peut-être pour un temps encore hantées. Rêvons de prendre possession d’un autre temps, inventons d’autres espaces de vie. Chantons, rions, dansons, racontons des lodyans… Tout pour continuer à forger l’espoir.

À voir en vidéo