Chili - Tous les mineurs sont remontés à la surface

Le seizième mineur à sortir au grand jour, Daniel Herrera Campos, est accueilli par sa mère.
Photo: La Presse canadienne (photo) AP/Hugo Infante Le seizième mineur à sortir au grand jour, Daniel Herrera Campos, est accueilli par sa mère.

Peu après 21h, heure de Montréal, les 33 mineurs restés bloqués plus de deux mois sous terre avaient tous été sauvés par les secouristes dans le désert chilien, une opération amorcée la nuit dernière qui a duré moins de 24 heures.

Le dernier mineur, Luis Urzua, considéré comme le leader du groupe, a entonné l'hymne national avec le président chilien.

Le premier mineur, Florencio Avalos, était sorti peu après minuit coiffé d'un casque et portant de lunettes de soleil pour protéger ses yeux, restés 69 jours sans voir la lumière du soleil. Avec un large sourire, il a serré dans ses bras son fils de sept ans et son épouse.
 
Le deuxième, Mario Sepulveda Espina, est sorti environ une heure plus tard. Avant même que la capsule qui le remontait n'atteigne la surface, ses cris enthousiastes pouvaient être entendus. Après avoir serré sa femme contre lui, il a fait rire les secouristes en leur distribuant des pierres, en souvenir de son séjour à près de 700 m de profondeur.
 
Puis il a sautillé, comme pour prouver qu'il se portait bien avant même que l'équipe médicale ne l'emmène faire des examens.
 
«Je crois que j'ai eu une chance extraordinaire», a-t-il déclaré ensuite dans une salle aménagée par le gouvernement pour les interviews. «J'étais avec Dieu et avec le diable et c'est Dieu qui m'a pris». Il a salué le travail des secours: «C'est incroyable qu'ils nous aient sauvés alors que nous étions à 700 mètres de fond».
 
Un troisième mineur chilien, Juan Illanes, a suivi environ une heure plus tard.
 
Puis Carlos Mamani, l'unique Bolivien du groupe, est sorti. Son épouse a perdu son casque de chantier en l'embrassant. Le président chilien Sebastian Pinera et la Première Dame agitaient des petits drapeaux boliviens. Mamani a alors montré son T-shirt avec le drapeau chilien et crié «Gracias, Chile!»
 
Jimmy Sanchez, 19 ans, le plus jeune du groupe, est sorti en cinquième.
 
Les 33 hommes se sont retrouvés coincés dans la mine lorsque 700 000 tonnes de roches se sont effondrées le 5 août.

La planète a les yeux tournés vers le Chili

La planète entière a suivi, en direct, la remontée vers la surface et l’air libre des 33 mineurs. Les moyens modernes de communication, y compris une liaison vidéo en direct depuis l’intérieur de la mine, ont plus que jamais transformé la planète en village global, retenant son souffle, avant de communier et de se réjouir du retour parmi les leurs, sains et saufs, d’un groupe d’hommes qu’ils ne rencontreront jamais.

«On dirait que nous sommes tous là, avec eux, même si nous sommes si loin, à Londres», déclarait José Torra, 34 ans, tôt mercredi matin. «Pour une fois, c’est une histoire qui se termine bien».

Depuis le début de la nuit de la libération, les embrassades, chansons et larmes chiliennes étaient retransmises en direct et en continu devant des centaines de millions de téléspectateurs, depuis les immenses solitudes du désert d’Atacama désormais peuplées des médias du monde entier.

Créant une mémoire partagée d’un temps fort pour une fois heureux, dans ce village global coutumier des tsunamis, accidents d’avion, attentats, et autres catastrophes meurtrières, dans lequel dominait l’admiration pour la résilience et le courage des mineurs, l’optimisme de leurs proches et la solidarité de tout un pays.

Le pape Benoît XVI, au cours de son audience du mercredi, a recommandé les mineurs «avec espoir à la bonté divine».

Dans le même temps, en Australie, deux mineurs qui avaient passé deux semaines prisonniers d’un caisson de sécurité après un séisme en Tasmanie en 2006 ont raconté ne pas avoir pu contenir leur émotion en voyant émerger les premiers mineurs chiliens. «J’ai été surpris par l’émotion qui nous a envahis», a dit l’un d’eux, Brant Webb, sur les ondes de la chaîne Nine Network. «Nous l’avions contenue jusque là».

Mais son compagnon Todd Russell, 38 ans, a souligné que le retour à la vie de la surface allait être difficile pour les mineurs. Lui-même a des insomnies et cauchemars depuis son calvaire. Souffrant de stress post-traumatique, il y voit la raison de l’échec de son mariage. «Ils ont encore un long chemin à parcourir. Ils n’en sont qu’au début de leur véritable libération».

En Chine, où les déplorables conditions de sécurité dans les mines rendent les catastrophes minières très fréquentes et où 2600 mineurs ont trouvé la mort l’année dernière, en baisse par rapport aux années précédentes, l’histoire était suivie de près. L’agence officielle Chine Nouvelle a salué dans un éditorial ce «miracle de la vie» et un «moment radieux de la nature humaine».

En Pologne, un homme d’affaires américain, Clifford Aron, 52 ans, notait le «contraste évident avec l’Amérique», où à l’heure de l’ouragan Katrina, «l’administration Bush était totalement incompétente» et où à l’heure de la marée noire dans le Golfe du Mexique, «l’approche Obama a été de reporter la responsabilité sur BP»: «les Chiliens nous ont montré ce qu’étaient le leadership et la gestion d’une crise. Des vies étaient en danger, et toute la machine gouvernementale est entrée en l’action». «C’est l’histoire la plus impressionnante que j’ai jamais vue», a-t-il ajouté.

D'inconnus à vedettes

Outre les 800 proches et parents de mineurs, plus de 2000 journalistes ont accouru du monde entier pour le dénouement de cette aventure inédite de survie sous terre.

En l'espace de deux mois, les «33» sont devenus des vedettes planétaires, recevant des maillots dédicacés de vedettes du football, des chapelets bénis par le pape, des iPod offerts par le patron d'Apple, Steve Jobs, pour les aider à tenir pendant leur calvaire, qui inspire déjà des réalisateurs de cinéma.

Pourtant, sept jours après l'éboulement qui a pris au piège les «33», le ministre des Mines du Chili, Laurence Golborne, jugeait «très faibles» les chances de les retrouver vivants.

Mais sous la pression des familles des mineurs, venues camper sur place dès le lendemain, les secouristes ont poursuivi leurs efforts jusqu'à ce qu'une sonde remonte le 22 août un message griffonné sur un bout de papier, désormais célèbre: «Nous allons bien, les 33, dans le refuge».

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