Cuba s'enfonce dans une grave crise économique

Longtemps premier producteur mondial, Cuba importe aujourd'hui du sucre. La dernière zafra (récolte de canne à sucre) atteint à peine le million de tonnes, pas assez pour assurer les deux kilos par tête et par mois prévus sur la libreta (carte de rationnement) et combler les besoins du tourisme.
Le sucre est le symbole de l'effondrement de l'économie cubaine, aujourd'hui dépendante des exportations de services (médecins, personnels de santé) au Venezuela en échange du pétrole à prix d'ami. Le Centre d'études de l'économie cubaine de l'université de La Havane estime que ce «modèle», mis en oeuvre après la fin des subsides soviétiques, montre des «signes d'épuisement». D'autant que le Venezuela est en récession.À La Havane, la crise de liquidités a conduit la banque centrale à geler les comptes en devises des entreprises étrangères et mixtes. Malgré un mode de calcul du produit intérieur brut (PIB) contesté, la croissance cubaine est proche de zéro.
Même les partisans du régime préconisent des réformes de fond. L'universitaire Omar Everleny Pérez Villanueva prône des «réformes structurelles», dont la «décentralisation» de l'économie et l'adoption de «formes de propriété non étatiques» dans «l'agriculture, mais aussi la manufacture et les services». Tout en acceptant des mesures «graduelles», il s'élève contre «l'inertie et la peur des distorsions, inévitables dans la première phase des changements».
Le 26 juillet 2007, le président Raúl Castro avait admis la nécessité de «réformes structurelles et conceptuelles». Mais leur rythme paraît insuffisant pour inverser la tendance. Des terres non cultivées ont été remises en usufruit à des paysans, mais Cuba importe encore 80 % des denrées alimentaires.
Touristes américains
Le dogme socialiste du plein-emploi a été remis en question. Selon les autorités, 1,3 million de postes de travail (un sur cinq) sont superflus. Mais comment réorienter des travailleurs vers l'agriculture ou le bâtiment avec un salaire moyen de 427 pesos (21 $)? Comment faire face au vieillissement de la population — les plus de 60 ans représentent 17 % des Cubains — avec une pension d'en moyenne 235 pesos (12 $)? Pour assurer l'ordinaire, un revenu complémentaire est indispensable.
À court terme, le tourisme pourrait être la solution. En 2009, l'île a reçu 2,4 millions de visiteurs (contre quatre millions pour la République dominicaine). Ils ont dépensé 2 milliards de dollars. Si les Américains étaient autorisés à voyager à Cuba, la curiosité et les prix devraient attirer un million de vacanciers supplémentaires, estime-t-on. Aujourd'hui, seuls les citoyens des États-Unis d'origine cubaine sont autorisés par Washington à visiter l'île.
Un projet pour assouplir la législation a été approuvé en commission par le Congrès américain, où les lobbies anti-embargo rivalisent avec les anticastristes.
Libérer des prisonniers politiques, comme a commencé à le faire Cuba, n'est pas un geste destiné uniquement à l'Europe, mais surtout aux États-Unis.