Séisme en Haïti - Un don de semences de Monsanto soulève la colère
Tous unis contre Monsanto. Une coalition formée de plusieurs organismes caritatifs et écologiques a dénoncé hier un don en semences offert par la multinationale américaine aux agriculteurs haïtiens afin de favoriser la reprise de leur activité, et ce, près de six mois après l'important séisme qui a frappé la Perle des Antilles. Le groupe a voulu ainsi apporter son appui à une manifestation d'agriculteurs qui s'est tenue hier à Haïti afin de protester contre cette «aide intéressée».
«Ce n'est pas comme ça, avec des semences qui vont rendre les agriculteurs dépendants de Monsanto, que l'on va aider Haïti à se sortir de la pauvreté, a résumé Jean-Louis Thémis, fondateur de Cuisiniers sans frontières, qui a pris part à cette coalition formée également de Greenpeace, de l'Union paysanne, d'Action SOS Haïti et du mouvement Peyizan Papay. Ces semences vont contribuer à l'appauvrissement de l'agriculture haïtienne plutôt qu'à son développement sur des bases durables.»Au total, 475 tonnes de graines en provenance des laboratoires du géant américain des biotechnologies sont sur le point d'être distribuées dans les prochains mois aux agriculteurs haïtiens par l'entremise de l'Agence américaine de l'aide internationale (USAID). Il ne s'agit pas d'organismes génétiquement modifiés (OGM), a souligné la coalition, mais plutôt de semences hybrides de maïs ainsi que de semences ordinaires d'oignons, de tomates, de choux, de carottes, d'aubergines, de cantaloups, d'épinards et de melons d'eau. Ce don est évalué à 4 millions de dollars par la multinationale.
«C'est un cadeau empoisonné, a résumé Lucy Sharratt, du Réseau canadien d'action sur les biotechnologies (RCAB). Les semences hybrides nécessitent l'utilisation de pesticides et doivent être rachetées chaque année. On ne peut pas réutiliser les mêmes d'une année à l'autre. Ce sont des semences "corporatives" qui vont à l'encontre de la souveraineté alimentaire d'un pays. C'est aussi la porte grande ouverte à l'introduction d'OGM en Haïti, où Monsanto cherche à s'implanter aussi. Et ça pourrait être un autre désastre pour ce pays.»
Joint par Le Devoir, Trish Jordan, porte-parole canadienne de la multinationale, a vertement critiqué les accusations des groupes environnementaux, précisant que ce don «était simplement de l'aide humanitaire et rien d'autre». «La livraison de ces semences ne s'accompagne d'aucune obligation de la part des agriculteurs haïtiens et nous tenons à le rappeler sur le terrain. D'ailleurs, la majorité des agriculteurs n'y sont pas opposés», a-t-elle assuré.
La coalition, qui a tenu son point de presse devant le consulat général d'Haïti sur le boulevard René-Lévesque à Montréal, a d'ailleurs livré en fin de matinée une lettre au consul, Pierre Richard Casimir, dans laquelle elle déplore le geste humanitaire de Monsanto et incite le gouvernement à s'y opposer. La lettre était accompagnée d'un contenant de semences biologiques, «plus aptes à permettre aux Haïtiens de reprendre le contrôle de leur agriculture», estime Sébastien Rioux, du groupe Haïti une semence, un pays.